Ou en punchline. C’est une phrase que j’écris plus ou moins régulièrement ici parce que le phrasé des personnages est un élément important pour moi. Chacun ses sensibilités, je suppose, mais j’ai un cruel besoin de “parler vrai”. Même si les dialogues sont écrits, ça doit sonner juste. Même s’ils sont expurgés de quelques tics de langages, on va pas truffer nos dialogues de “euh”, “bah”, “ben”, “hein”. Un peu, c’est bien, trop, ça saoulerait. Bref, aujourd’hui, j’ai envie de vous parler d’un truc rédhibitoire pour moi : la tirade ou la punchline qui sonne faux.
Des phrases qui sonnent faux
Alors on va sortir le genre théâtral de cet article parce que pour le coup, la tirade, c’est son essence. Et je l’accepte de bonne grâce dans ce média là qui a un sens de la narration tout à fait particulier. On va parler livre, série et surtout cinéma. Comme je l’ai dit à moult reprises parce que j’en suis la première étonnée, cette année, j’ai été très cinéphile. Donc avant de voir le métrage que j’ai choisi, j’ai droit aux bandes-annonces. Tiens, je vais consacrer un article entier à ce sujet à l’occase, j’ai beaucoup à dire. Point cependant : faudrait arrêter de chialer sur le manque de fréquentation en salle quand on montre systématiquement la même bande-annonce pendant des mois et des mois. Genre la bande-annonce de L’école est à nous, je l’ai vue une dizaine de fois et ça m’a pas donné envie du tout de voir le film. Parce que toutes les répliques sonnaient un peu faux. Surtout la meuf qui crie “non mais c’est pas La France a un incroyable talent, ici !”. Personne ne dirait ça dans la vie, Josette. A côté de ça, je n’ai vu la bande-annonce d’aucun des films que je suis allée voir cette année sauf Don’t worry Darling. Et Coup de théâtre s’il était resté plus longtemps à l’affiche. Je l’ai raté mais au vu des notes, finalement…
Dans le cinéma français, on aime les tirades
Y a une autre bande-annonce qui m’a turlupinée là-dessus, c’est Maria rêve avec Karine Viard. J’aime plutôt bien Karine Viard même si j’ai toujours pas compris ce qu’elle foutait dans Les douaniers, le pire film que j’ai vu de ma vie, environ. Mais y a un moment dans la bande-annonce où elle part dans une tirade improbable sur l’art, l’amour, la vie et je ne sais plus quoi et de suite, mon cerveau a eu une réaction ferme : “non”. Je trouve que cette bande-annonce est assez typique d’un certain cinéma français ou le climax du film se dénoue autour d’une looooooongue tirade pleine de mots et de verbes alambiqués, une prose que personne ne pourrait sortir d’un seul coup et de façon spontanée. Un peu leçon de vie en toc. Tu recopies la tirade avec un fond de montagne flou, tu postes ça sur LinkedIn et ça fait mantra d’entrepreneur successfull de mes fesses. C’est la grande tirade de Sophie Marceau dans L’étudiante ou le discours moralisteur de l’ostréiculteur dans Les petits mouchoirs. Même si ce mec a profondément raison : tous les personnages de ce film sont d’effroyables personnes.
Casser le sens du réel
Je parlais de sens du réel par rapport aux arts graphiques et là, c’est précisément ce qui cloche. Tu peux pas me raconter une histoire ultra réaliste avec soudain une longue tirade impeccable. Personne ne parle comme ça dans la vraie vie, personne. Parce que dans la vraie vie, surtout quand on parle sur le coup de l’émotion, on bégaie. On se répète, on ressasse. C’est pas fluide, c’est pas travaillé. Bref, tu ruines totalement la spontanéité de tes personnages et moi, je n’y crois plus. J’ai été éjectée direct de ton histoire. C’est la même pour les séries. Je déteste les séries pour ados écrites par des mecs de 40 ans. Ca se sent. Vraiment, prenez Premiers Baisers, y a rien qui va. Ok, c’est pas du ciselé, c’est de la sitcom bas de gamme et carton pâte. Mais niveau mec quadra-quinqua qui fait parler des ados, on est 100% dedans. C’est pas tant une question de vocabulaire. Je demande pas que tous les ados de séries ou films parlent dans un langage peu compréhensible pour les non-initiés. Quoi que c’est très drôle quand un scénariste qui ne connaît rien au dialogue des djeuns essaie d’écrire un personnage qui parle moderne. Genre Momo de l’école des passions, c’est hilarant. Même si ça me fait un peu de peine pour l’acteur. Perso, j’aurais tendance à dire qu’il vaut mieux y aller mollo sur les expressions typiques d’une génération car ça dure environ 10 minutes avant qu’on passe à autre chose. Va écrire “non mais allô quoi” dans une de tes fictions aujourd’hui, tu vas créer le malaise.
Un grand moment de mégalomanie
Pour en revenir au théâtre, j’accepte sans souci les tirades car le théâtre a quelque chose d’outrancier, d’exagéré. Ca parle fort, les portes claquent et on se poignarde un peu tout le temps, aussi. Le théâtre, c’est intense quel que soit le genre. Mais quand tu cherches du réalisme et que tout à coup, un de tes personnages se met à parler de façon trop écrite et préparée, ça ne passe plus. Ca crée une incongruité désagréable. Parce que pour moi, ce n’est plus le personnage qui parle mais la personne qui a écrit le dialogue qui se fait plaisir. Qui imagine que c’est son grand moment de cinéma, ce qu’il restera de son film. Sa citation. Je déteste les citations. Tiens, idée d’article. Déjà parce que neuf fois sur dix, elles sont énoncées par des gens qui n’ont pas grand chose à dire et se mâtinent d’un voile de culture qu’ils n’ont pas. Mais surtout, les trois-quarts du temps, elles sont totalement creuses et utilisées à tort et à travers. Le “ils ne savaient pas que c’était impossible alors ils l’ont fait” ou le “ce n’est pas parce que c’est difficile que l’on ose pas mais c’est parce que l’on ose pas que c’est difficile” posté par des gamins de 25 ans qui viennent de lancer leur start-up avec l’argent de papa et qui la planteront d’ici deux ans, ça me donne envie de défoncer des dents. Oui, littéralement. Et je ne vais pas parler du fameux “on peut rire de tout mais pas avec tout le monde” de Desproges cité par des gens avec qui Desproges n’aurait certainement pas eu envie de rire.
Si vous aimez les tirades, écrivez une pièce de théâtre
Bref, je n’aime pas les dialogues qui sonnent faux, trop grandiloquents, trop pas à leur place. Et ça m’énerve qu’ils soient toujours au coeur des bande-annonces. Bon, ça me permet d’éviter d’aller voir le film, certes, mais je rêve d’une écriture plus juste, plus sincère. Parfois, je me dis qu’un bon dialoguiste devrait juste donner le contenu de ce que le personnage doit dire et l’acteurice le sortirait à sa sauce, avec ses mots. Ses mots de vraie personne, pas de quelqu’un qui tape son dialogue en espérant que sa tirade restera dans les annales et sera référencée sur Evene. Avant de terminer en carton moche sur la page Facebook d’une marque qui n’a rien à dire mais parle tout le temps. Parce que paraît qu’il faut être sur les réseaux sociaux. J’ai été social media manager de marques de ce genre, l’enfer. Bref, personne n’a besoin de belles phrases qui sonnent faux dans une fiction. Si vous voulez vous faire un kif du genre, écrivez un petit livre de pensées façon “La première gorgée de bière”. Ou lancez-vous dans la poésie voire le théâtre. Ou le stand-up si votre kif, ce sont les punchlines. Mais redonnez un phrasé réaliste à vos personnages, s’il vous plaît.
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