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La sincérité des personnages : un graal narratif

Pfff, j’en peux plus de mes propres titres, entre jeux de mots moisis et verbiage ronflant. Bref, aujourd’hui, j’ai envie de vous parler de deux séries québécoises matées durant le confinement sur France TV replay car je les ai trouvées bien chouettes et que je les ai trop aimées. Et pas juste parce que j’aime l’accent québécois à la folie. J’ai cherché pourquoi et je crois avoir trouvé : la sincérité des personnages.

Trop., super série québécoise

Un problème de direction d’acteurs et de sincérité

Je suis une énorme consommatrice de séries. Le souci, c’est que la plupart m’énervent et, heureusement, je fais toujours autre chose en même temps sinon, quelle perte de temps ! Et j’ai pas mal de problèmes avec les séries françaises. Pas toutes, j’ai adoré Au service de la France ou Dérapages, par exemple. Et j’ai pas vu 10% mais j’ai un souci avec Camille Cottin, j’ai tellement détesté sa connasse et j’arrive pas à dépasser ça. Sorry not sorry. En fait, longtemps, j’ai trouvé que les séries françaises sonnaient faux. Je suppose que c’est une question de direction d’acteur. Parce que bon, prenez Hugo Becker. Autant je l’ai adoré dans Au service de la France, autant son jeu monolithique dans Osmosis, au secours ! Tant qu’on parle dystopie, Trepalium était une catastrophe d’un point de vue du jeu. J’avais vu le Chalet sur Netflix et raaaaaaah ! Ca n’allait pas du tout.

Le chalet, fiction française sur Netlfix
Alors modulo l’acteur au crâne rasé qui joue la pire des ordures et franchement, il m’a foutue mal à l’aise de bout en bout. Limite, il me dégoûte

Personne ne parle en punchline

Le summum fut Plan Coeur, un Clara Sheller like qui m’avait fait hurler tellement y avait rien qui allait. Surtout les personnages qui sonnaient faux, mais fauuuuuuux. Je dis pas que Clara Sheller était un excellent exemple de cohérence des personnages mais Plan Coeur… En plus, vu que tu ne comprends pas les personnages, comment veux-tu ressentir la moindre empathie pour eux ? Mais surtout, les personnages s’expriment en punchlines. Alors j’avoue, j’adore les punchlines, on adore tous ça. Mais il faut les assumer. Ca passe dans des séries comiques où le grotesque est la règle. Mais dès que tu veux faire réaliste… ça pue le fake, justement. Dans la vraie vie, personne n’a de répartie aussi cinglante en permanence. C’est même la vanne classique : trouver la réplique parfaite juste avant de s’endormir pour remettre une pièce dans la machine à énervement. “Ah, j’aurais trop dû répondre ça” et on se rejoue la scène à l’envie dans notre tête. Ca marche pour les disputes mais aussi quand on parle à notre crush et qu’on aurait adoré sortir une phrase percutante qui aurait prouvé à l’objet de notre attention que nous sommes drôle, raffiné, cultivé… Mais en vrai, on a dit “ah oui, hihi, ahah… alors oui, tu attends l’ascenseur, là du coup ?”. Et on a eu envie de disparaître.

De la sincérité des personnages, Bridget Jones
C’est ça la réalité de la vie

Pas la bonne vitesse

Ca sonne faux mais tu sais pas trop pourquoi. Je ressens souvent une gêne un peu diffuse, un peu étrange quand je regarde une fiction française. J’y crois pas, je m’accroche pas et tout sonne faux. C’est pas catastrophique mais c’est comme si j’écoutais une chanson à peine accélérée ou ralentie. La distorsion n’est pas flagrante mais ça donne un goût de bizarre. Et puis il y a les séries québécoises qui sonnent juste. Où les personnages sont ni trop ni trop peu, c’est doux, agréable, sincère. Nous allons parler ici des bogues la vie et Trop., rapidement évoqué dans mon article sur la folie

Trop., série québécoise

Une sensation de réalisme grâce à la sincérité

J’ai débuté par Les bogues de la vie mais j’avais une légère expérience des séries québécoises à l’époque où TV5 diffusait Diva, une histoire de top models dont j’ai assez peu de souvenir et leur version de Urgences dont je me souviens pas du titre. Du souvenir que j’en ai, il y avait un certain goût de réalisme, déjà. Genre les scènes de sexe, les personnages étaient nus, on voyait régulièrement des fessiers masculins aller et venir sans que ça fasse “hey, regardez, on a mis des culs” comme un Game of thrones qui s’oubliait parfois dans un exhibitionnisme un peu gratuit. Là, c’était plus un “bah oui, on est en pleine activité sexuelle, on est nus, tu crois quoi ?”. Et pas de meuf qui s’empaquète langoureusement dans les draps juste après parce que c’est pas parce que tu viens de la baiser qu’elle va te laisser mater ses seins, tu sais… Mmm… Bref, c’est de la mise en scène subtile.

Urgence, série québécoise
Après recherche, ça s’appelait « Urgence ». A la fin de la saison 01, un mec fait péter l’hôpital, la moitié du cast saute

Des personnages clichés, mais…

Pourtant, l’écriture ne s’épargne pas quelques clichés un peu discutables. Au début des bogues de la vie, le garçon rencontre la fille après un accident. Vous savez, il fait du vélo, elle ouvre la portière et bim badaboom. De mon point de vue, c’est une façon assez merdique de se rencontrer. Je préfère encore le coup de la collision en pleine rue avec une boisson renversée sur l’un ou l’autre des protagonistes. Non parce que là, je veux bien qu’elle soit jolie comme un coeur, Jeanne, mais elle est à la limite de la tentative d’homicide, là, quand même. Perso, une personne qui manque de tuer, je vais pas tomber amoureuse d’elle. Et par la suite, on a droit aux clichés classiques de comédie romantique : il y a un ex qui traîne, un pote relou, des quiproquos qui empêchent la romance, des personnages idiots qui se font la tête sans que tu saches trop pourquoi (eux-mêmes), un des protagonistes qui doit partir loin et qui est arrêté à la dernière minute. Je veux dire dit comme ça, j’aurais eu toutes les raisons de détester. Mais je sais pas, c’était mignon. Les personnages m’ont touchée et je sais pas du tout pourquoi.

Elliot et Jeanne dans les bogues de la vie ou la sincérité des personnages

Cliché mais réussi

Et que dire de Trop. ? Là aussi, on a notre pile de clichés : la crise maniaque du personnage bipolaire qui intervient pile au moment où le scénario aurait bien besoin d’un petit rebondissement, la boss tyrannique qui a en fait des problèmes persos et un petit coeur qui bat, une meuf brillante mais trop gentille qui se fait rouler dessus par tout le monde (oh, well, mon existence est un cliché, en fait), l’artiste bisexuel mais surtout hypersexuel, la fille gentille qui essaie d’oublier son ex qui l’a trompée avec la meuf avec qui il est actuellement, tromperie découverte par sa meuf au détour d’une soirée, mais il regrette un peu sa première copine parce qu’elle était vachement plus sympa que la nouvelle, bien colérique et exigeante, quand même. On a même un plan à trois sous substances et… là, je dois m’arrêter sur cette scène.

Isabelle et Marc Antoine dans Trop.

Une hétéro curiosité masculine

Donc nous avons trois protagonistes sous prod dont la fille gentille qui décide qu’elle en a marre d’être toujours la meuf proprette et peut faire un truc totalement déjanté (cliché), l’artiste bi et hypersexuel et donc l’ex. Et ça vire au plan à trois, évidemment peu montré sauf que… le personnage de l’ex fait une excursion dans la bisexualité et vit ça très bien. Le lendemain, tout le monde se quitte avec la sensation d’une expérience bien sympa et vécue dans le consentement. Si le couple de l’ex n’y survit pas, c’est pas pour une question d’orientation sexuelle mais juste parce que cette nuit à trois révélait à quel point il n’était pas heureux avec sa meuf. Et franchement, gérer la question de la bisexualité, surtout masculine, franchement chapeau. Dans neuf séries sur dix, une expérience bisexuelle fait basculer le personnage de l’hétérosexualité à l’homosexualité genre “ah mais en vrai, j’aime les gens du même sexe que moi mais j’ai mis trente ans à capter”. Mais surtout, la bisexualité à l’écran, ou juste l’hétérosexualité curieuse, n’est toujours qu’une affaire de femme. Pourquoi ? Pourquoi ne jamais nous offrir de nuances ?

Marc Antoine et Isabelle dans Trop.

Le plaisir de sonner juste

Je ne savais pas pourquoi j’avais bien aimé ces deux séries. Pourquoi ça m’avait mise d’humeur joyeuse avec l’envie d’écrire des histoires d’amour et d’amitié sans prise de tête. Alors que je retrouvais dans ces séries toute une palanquée de clichés que je désosse en permanence. Et puis, ça m’a paru évident : la sincérité des personnages. Pour vous dire, quand j’imagine les dialogues de mon projet Audrey, mes personnages ont désormais l’accent québécois. J’hésiterais presque à délocaliser l’action à Montréal mais n’y ayant passé que quatre ou cinq jours durant toute ma vie, je me sens moyen légitime. Quoi que j’ai bien écrit un roman qui se passe à Stockholm où j’ai  jamais mis les pieds. Et je pourrais appeler Isa Carole-Anne, à la place.

Montreal en hiver

Une improvisation des dialogues pour plus de sincérité ?

Il faudrait que j’analyse plus en profondeur, que je comprenne pourquoi j’ai ce sentiment de sincérité que je ne trouve absolument pas dans les fictions françaises. Que l’un sonne si juste alors que l’autre sonne si faux. Une explication que j’aurais mais j’ai pas vérifié : les Québécois improvisent peut-être un peu plus les dialogues ? Ce serait une piste.

Après tout, le Québec, c'est un peu la capitale mondiale de l'impro, non ?
Après tout, le Québec, c’est un peu la capitale mondiale de l’impro, non ?

En tout cas, ça fait du bien. Mais là, on est encore dans une surface émergée de l’iceberg. La semaine, on va plonger en profondeur dans la mise en scène de sa propre vie. Pas la mienne, cependant. 

Nina

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