Raconte moi des histoires

Pour bien raconter les histoires, il faut aussi savoir les écouter

Parce qu’il faut toujours un sacrifice de héros

Parmi mes plaisirs coupables, il y a les films catastrophe. Souvent, c’est pour m’en moquer parce que c’est tellement too much. Oui, faisons tout exploser, boum bam, prschhhhhhhhhht ! Et quand je dis tout, en général, ce sont les grands monuments iconiques qui ne résistent pas à un séisme, une vague de froid, un tsunami, des extraterrestres vénères… bref, bye la Tour Eiffel, Place Rouge, Taj Mahal, Golden Gate ou même la Maison Blanche. Dans des plans époustouflants, les fameux money shots. Qui justifient les deux heures de films sans surprises vu à quel point le genre est codifié. On a toujours le héros généralement mâle, souvent père, qui va dépasser sa destinée pour devenir le héros qu’il ne pensait jamais être un jour. Et puis il y a toujours celui qui se sacrifie. Dans un grand déluge de larmes car la survie n’est jamais gratuite.

Jeff Goldblum se sacrifie dans Jurassic Park
La tentative de sacrifice la plus inutile de l’histoire du cinéma

Séquence émotion

Le cinéma et ses petites soeurs, les séries, sont de formidables machines à émotions. Pendant deux heures, on est embarqués dans une montagne russe émotionnelle qui va nous faire rire, pleurer, trépigner, frissonner, agacer… Pour moi, le pire échec, c’est le film qui laisse indifférent. Le film aussi vite vu aussi vite oublié car il raconte une histoire déjà narrée mille fois. Mais avec une platitude et une inconsistance rare. Et le genre qui parvient à dégager une foule d’émotion à moindre frais, c’est le film catastrophe. Notamment la scène émotion où un personnage badass décide que sa vie vaut moins que la survie de ses compagnons. C’est beau, c’est tire-larme. Bon, parfois, la mission suicide n’est pas si mortelle. Comme dans Interstellar avec le Deus ex machina le plus pété du cinéma. Oui, j’ai pas aimé. 

Murphy dans Interstellar

Un sacrifice spatial

Les films spatiaux nous offrent généralement de beaux moments sacrifice. Envoyer des gens dans l’espace, c’est toujours un peu compliqué. Mille et unes choses peuvent compromettre et la mission et la survie de l’équipage. Genre un robot un peu trop conscient de sa propre existence. C’est la scène emblématique de Mission to Mars où Tim Robbins ôte son casque en plein vide spatial pour éviter que sa compagne ne meure en essayant de le sauver. Ou George Clooney qui sauve Sandra Bullock dans Gravity. Ou bien quasi tout le cast de The wandering Earth, film actuellement sur Netflix que j’ai envie de vous conseiller. Si le sacrifice est sacralisé à un niveau presque too much, les décors sont oufs. Dans les films catastrophe, le sacrifié va soit pulvériser son véhicule contre l’ennemi, soit céder la dernière place du transport. 

Le sacrifice de Tim Robbins dans Mission to Mars

Régler un triangle amoureux l’air de rien…

Le sacrifié est généralement un homme, plutôt âgé, celui qui a suffisamment vécu. Souvent un père aussi qui agit ainsi pour sauver femme et enfants. Les femmes se sacrifient moins. Sauf si elles sont mères comme dans L’attaque des titans ou la mère de Ioga dans les Chevaliers du Zodiaque. Dans les productions plus occidentales, la mère ne se sacrifie jamais… Sauf si le père a une nouvelle compagne (ou une nouvelle en vue) et que ça ferait un trouple. Et que non, ça vraiment. Du coup, y a une des deux meufs qui doit se sacrifier pour faciliter la vie de notre héros Sinon, il peut y avoir la femme qui se sacrifie pour l’homme qu’elle aime à condition que celui-ci ait une mission d’importance. Comme Trinity dans Matrix. Ou éventuellement Juliette dans Lost mais je sais pas si c’est un sacrifice où une façon utile d’abréger ses souffrances…

La mort de Juliette dans Lost

Climax lacrymal

Le sacrifice, c’est toujours l’astuce scénaristique facile pour déclencher des torrents de larmes, des bras qui se tendent vers celui qui va bientôt trépasser. Les “naaaaaaaaan” larmoyants des survivants. La beauté du geste, la pureté de l’intention. Alors que dans la vraie vie, dès que c’est un peu la crise, y a plus personne. Bye bye la solidarité. Et vas-y que je te marche dessus pour passer en premier. Vas-y que je construis un temple en PQ chez moi pour conjurer le démon Covid. Mais forcément, n’importe quel spectateur un minima empathique est terrassé à l’idée de voir son père mourir sous ses yeux. On ne peut que ressentir de l’émotion face à un tel climax lacrymal.

Le sacrifice de Jonathan Kent dans Superman
Et là, c’est le sacrifice le plus ridicule de tout le cinéma mondial

Une mort peu surprenante

Sauf que… hé… pas trop en vrai. Non que je sois privée d’empathie, j’adore mon papa. Je dis papa, c’est pour dire. Sauf que les films catastrophes et assimilés sont tellement codifiés qu’on sait qu’on va avoir droit à cette scène héroïque là. Les Independence days se terminent à chaque fois par un père qui jette son avion sur les méchants ET. Et puis le sacrifié n’est pas toujours LE héros. On voit mal un The Rock se sacrifier pour sa progéniture et sa femme à la fin de San Andrea car il est une figure protectrice trop virile pour ça. Le sacrifié qui n’occupe pas le devant de la scène va donc nous laisser un goût de “moui”. Limite, des fois, t’as plus de peine quand c’est le chien qui meurt que quand c’est le grand-père, comme dans Le pic de Dante. Et en plus, le chien, il est pas vraiment mort, ahah ! Petit aparté : en cherchant l’image du grand-père qui meurt, je réalisé que c’est une grand-mère. Je suis manifestement victime de mes propres clichés sur le fait que le sacrifié est généralement un homme.

Le sacrifice de Ruth dans Le pic de Dante

N’oublions pas la happy end !

Car il ne faut pas oublier qu’un film catastrophe doit nous offrir un happy end. Si tu tues les parents du héros, le côté “hé mais j’ai survécu” va un peu gâcher le moment d’allégresse. Regardez dans Independence Day, y a un mec qui a fait une superbe sacrifice mais juste après, on t’arrose de scènes de liesse et toi tu es là “oui, super, youhou !” T’es même pas triste pour le mec qui vient de mourir et encore moins pour la femme du Président que tu as vu deux minutes à l’écran. Alors que si c’était Will Smith qui était mort en laissant sa femme et son beau-fils seuls au monde, de suite, on serait moins en train de faire péter le champomy. 

Happy end dans Independence day

Une potentielle scène drôle malgré elle

Bref, j’ai rarement trouvé que cette ficelle était exploitée avec justesse, qu’elle était souvent un tire-larme un peu facile avant le feu d’artifice final. Voire une astuce vraiment pétée pour éliminer le(s) +1 d’un couple séparé destiné à se retrouver au détour d’une tragédie. Mais j’avoue que ces scènes peuvent être parfois assez jouissives, surtout quand elle ne sont pas très bien jouées. 

Nina

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