Parce que s’il y a bien un truc que je déteste quand je lis un roman, c’est d’avoir l’impression que l’auteurice se moque un peu de moi. Ou tout du moins de mon intelligence. Comme quand, par un hasard incroyable, la chance vient sortir le protagoniste d’un piège mortel. Chance, hasard, destin, deus ex machina, appelez ça comme vous voulez. Parfois, ça passe parce que c’est dosé. Mais d’autres fois, ça pue la paresse d’écriture et là…
Quand ton personnage ne meurt jamais parce qu’il a trop de chance
Il y a quelques années, j’avais lu Le complot Romanov de Steve Berry et vraiment, j’avais soufflé très fort. A un moment, le héros est dans la visée d’un sniper, la tension est à son comble. Le sniper a le doigt sur la gâchette, prêt à tirer. Et au moment où le coup part… le héros se baisse pour refaire son lacet ou ramasser un truc, je ne me souviens pas. Et c’était le premier tiers du roman. Alors là, je dis non. Déjà, le coup du sniper qui rate son coup (…), je pourrais en faire un article dans la catégorie “paie ton cliché”. J’imagine bien que c’est pas facile de snipper, je ne dis pas. Mais le snipper qui se rate car coup du sort, franchement… C’est un non de catégorie 5. Si tu sais pas comment ton personnage peut se sortir d’un mauvais piège… Peut-être évite de le mettre dedans ? Je ne suis pas fan non plus du héros sans peur, sans reproche et sans risque de mourir non plus mais, une fois de plus, faut doser.
La chance et le sérieux ne font pas toujours bon ménage
J’avoue que la chance ou le hasard sont toujours difficiles à manier. Surtout si tu te veux un peu sérieux. Non parce que la scène où François Pignon se débarrasse d’une demi-douzaine de tueurs dans Le grand blond avec une chaussure noire est plutôt drôle. C’est une comédie donc je l’admets. Mais sinon… j’en avais parlé au sujet de la trilogie de la Bicyclette bleue que j’ai vraiment aimée mais à la fin, t’as l’impression que tu peux pas faire un pas dans la France entière sans croiser quelqu’un que tu connais. Idem pour le syndrome Julie Lescaut où des inspecteurs qui vivent dans des capitales européennes traquent sans le savoir leur nouveau voisin, l’amant de leur soeur ou le petit copain de leur fille. Fou, fou, fou.
La chance ne peut pas surgir juste parce que ça t’arrange
Bien sûr que dans la vraie vie, la chance ou le hasard existent. Que ça arrive même parfois au bon moment. Sauf qu’une fiction, ce n’est pas tout à fait la vraie vie. Jouer une fois ton joker deus ex machina pour te sortir d’une impasse fictionnelle, ok, pourquoi pas. Mais sauver ton personnage en décrétant qu’il a juste une chatte monumentale, pardon mais non. Il faut de la cohérence. Déjà parce que tu risques de décrédibiliser ton personnage. Un exemple qui me vient souvent en tête, c’est Dan Brown. Bon, je n’ai pas le souvenir de tous ses romans mais je suis à peu près persuadée que son (super) héros échappe à la mort quatre ou cinq fois par roman et souvent par pur chance. Je me souviens par contre du dernier que j’ai lu, Le symbole perdu, où le héros est en sale posture, le méchant l’a enfermé dans une sorte de cercueil et y a un liquide qui monte et Robert va se noyer ! Ah non… Parce que le méchant qui a buté absolument tous les gens qui se dressaient devant lui, parfois de façon bien gratuite, là, il a décidé de juste faire une blague à Robert. C’est un liquide amniotique respirable, comme le truc dans Evangelion, là… C’est plus de la chatte, à ce niveau-là, c’est Dieu qui a susurré au méchant de plus être si méchant pendant trois minutes.
Ton personnage devient immortel et tu niques ton suspense
J’ai déjà expliqué que l’écriture d’un thriller ou polar ne me tentait pas car je trouvais ça très difficile. Déjà de cacher l’identité du coupable, je trouve ça complexe, j’ai l’impression que chaque ligne que j’écris hurle “c’est ellui le tueur !” Alors si en plus, faut rajouter de l’action où il faut faire croire que notre héros court un réel danger, ça devient casse-gueule. Et c’est comme ça qu’on se retrouve avec des méchants miraculeusement magnanimes ou un héros sauvé par sa maladresse. Ou un lacet taquin. A partir de là, tu piges que le héros ne risque strictement rien et ça te nique la moitié de l’histoire. Youpi. De façon générale, arrêtez de faire genre que votre protagoniste va mourir, surtout si on suit son point de vue, on n’y croit pas trente secondes. C’est comme ça d’ailleurs que j’avais capté que Jon Snow ne pouvait pas être définitivement mort dans le 5e roman de Game of thrones : après le départ de Sam, il était le seul point de vue au Mur. Le tuer était nous couper de cette partie-là du monde, un peu cruciale pour l’histoire. Ca et le fait que j’avais capté sa réelle identité.
Si tu prépares bien ton hasard, ça peut marcher
Alors comment utiliser la chance, le hasard ou le destin dans un roman si ça sonne chiqué ? Je pense qu’elle a plus sa place dans un registre comique. Comme Le grand blond ou le célébrissime “ah ben ça, ça tombe bien alors” cultissime des Nuls. Le deus ex machina peut aussi fonctionner si on l’a un peu préparé. Comme celui de Jurassic park. L’arrivée du T-rex est certes providentielle mais on a été préparé à ça. On sait qu’il y a un T-rex en liberté. On l’a vu hors de son enclos avant que l’électricité soit remise. Ca tombe bien, certes, mais ça ne tombe pas tout à fait de nulle part non plus. Alors que la même scène dans Jurassic World 2, c’est nul parce que là, l’autoréférence flirte avec le plagiat. Et qu’on n’a créé aucune empathie avec ces personnages vs ceux de Jurassic Park. Autant je n’ai jamais été une fan inconditionnelle de Spielberg, autant je reconnais que Jurassic Park est bien écrit.
Un festival de hasard pour une happy end forcée
Ah tiens, à propos de tonton Spielberg, parlons de La guerre des mondes. Film qui m’a vraiment agacée malgré toutes les louanges faites par différents Youtubeurs. Déjà parce que j’ai définitivement un problème avec Tom Cruise mais surtout, peut-on s’arrêter quelques minutes sur la fin du film ? Mais sur deux éléments. Si vous n’avez pas vu le film et que vous avez envie de le voir, go paragraphe suivant. Déjà, comme de par hasard, Ray et sa fille sont capturés et pas massacrés comme tout plein de gens depuis le début du film. Eventuellement, on a vu quelques cas. Ensuite, comme de par hasard, Ray des grenades avec lui et comme de par hasard, les humains avec qui il est tombé sont motivés à faire caner le tripode. Mais surtout, ce que j’ai du mal à accepter, c’est la toute fin. Que la mère des gamins et ses parents aient survécus, bon. Que la mère sorte de la maison en ville de ses parents comme après un orage pour accueillir sa fille et son ex-mari, c’est un parti-pris. Mais que le fils ait survécu et arrive en même temps que le reste de la smala, aaaah. Je sais qu’il existe une théorie comme quoi ils sont tous morts mais ce n’est pas ce que le film raconte ou souhaite sous-entendre. J’ai pas trop aimé le film mais cette fin était une vraie insulte à mon intelligence. Et au temps que j’ai consacré à cette fiction.
Une astuce de paresseux
Bref, je ne suis pas une grande fan de la chance en fiction parce que souvent, ça pue la paresse d’écriture ou le suivi un peu bêta de trames déjà connues. Ca peut dépanner mais vraiment, ou on y va mollo… Ou on assume en glissant un peu de comédie avec, pourquoi pas, un personnage qui ironise sur la situation en mode “ah ben comme par hasard…”. Quoi que ça aussi, c’est cliché.