Raconte moi des histoires

Pour bien raconter les histoires, il faut aussi savoir les écouter

La représentation, c’est important

Des fois, je promets des articles que j’écris pour de vrai. Incroyable. Donc aujourd’hui, on va parler de l’importance de la représentation et je vais essayer de le faire sans m’énerver. Je garantis pas car on va vite devoir parler des réacs “gna gna gna les wokes fragiles qui mettent des Noirs partout”. Et c’est jamais un sujet qui me laisse calme et indifférente, voyez. Mais clairement, la représentation, ça compte. Et avoir des héros de couleur différente, queer ou même, soyons fous, féminins, c’est important pour le développement des imaginaires. 

Docteur Who est une femme ou l'importance de la représentation

Sans représentation, pas d’imagination

Je vais partir d’un exemple très prosaïque. Il y a quelques années, j’avais vu une vidéo expliquant que les hommes Asiatiques avaient beaucoup de mal à trouver une compagne aux Etats-Unis, hors population asiatique. Pourquoi ? Car on ne les représentait jamais comme des Love interests ou dans des couples mixtes. A l’époque, les seuls acteurs asiatiques en couple dans des séries américaines étaient Jin de Lost, en couple non-mixte avec Sun et Glenn, en couple avec Maggie dans The Walking Dead. Dans la vidéo, on voyait des Américaines interviewées expliquer que, non, elles ne dateraient pas avec un Asiatique. Depuis, on a eu la déferlante K-Pop donc je pense que les réponses diffèreraient. Moi-même… Alors si, j’ai daté ++ avec un Asiatique mais en écrivant mes romans, jamais je n’avais envisagé de choisir un héros Asiatique. Sauf à écrire une histoire qui se passerait en Asie. Ce qui me plairait pas dans l’absolu. Mais n’étant pas Asiatique donc ce serait un roman “cliché d’une Blanche qui imagine une vie en Asie parce qu’elle a lu beaucoup de mangas”. Une sorte d’Emily in Paris mais à Tokyo.

Une fille se promène dans Tokyo

Quand mon imaginaire se peuple de beaux Coréens

Sauf que depuis, je me suis mise à regarder pas mal de fictions coréennes. Quand j’ai cherché une image pour le beau Richard Van Horetz dans Music Orchestra School Academy, je l’imaginais Coréen. Alors que Richard est impérativement Américain, énergie Brandon Walsh… Enfin plutôt Dylan McKay dans le corps de Brandon Walsh parce que c’est un fils à papa un peu connard rebelle. Mon imaginaire est nourri de ce que je vois. De ce que je lis aussi puisque quand je lis, mon cerveau colle des traits à un personnage. Des traits qui ne sortent pas du néant. Et dans le personnage féminin, je pars souvent sur Paget Brewster. Et je ne sais vraiment pas pourquoi. Ok, elle est très belle et j’adore son nez mais je l’ai vue que dans une demi-douzaine d’épisodes de Friends et à peine plus dans Esprits Criminels. Mais voilà, pour moi, Paget Brewster, c’est un peu la jolie brunette type. Pour beaucoup, ce doit être Anne Hathaway. Je vis dans une bulle fictionnelle et je suis un buvard. Et je ne suis en rien exceptionnelle. Nos goûts sont façonnés par ce que l’on nous bombarde toute la journée. Pensez à cette chanson qu’au début, vous n’aimiez pas mais à force de l’entendre, vous avez fini par y prendre goût. Ou à la rejeter si la dose est trop élevée. Perso, je ne vais pas pouvoir me lancer dans Mercredi avant au moins six mois tellement j’en peux plus de la promo. Sauf la reprise de Paint it black au violoncelle, ça, c’est oui.

Wednesday joue du violoncelle

On vit dans une société riche en stéréotypes

On se façonne bien malgré nous en fonction des modèles que l’on nous présente. Quand j’étais enfant, les femmes devaient être filiformes. Puis on a eu Pamela Anderson avec ses seins de l’espace. Puis Lara Croft avec son cul ultra-rebondi. Mais d’un autre côté Kate Moss. Un coup il faut être sculpturale. Un autre naturelle, sans artifice. Il y a des modes aussi chez l’Homme. Le visage ombré par une barbe de trois jours, une franche barbe, plus rien du tout. Des pommettes et des fossettes. Non, finalement, on part sur le bidou de papa. Et il est très difficile voire impossible de ne pas être imprégné par ce déferlement d’images de clones où on te dit que ça, c’est la nouvelle perfection. Même en matière de mode. Pendant des années, j’ai détesté les imprimés pois. Maintenant, j’en ai beaucoup trop dans ma penderie. Quand on a choisi notre cuisine, j’ai pris du meublement noir parce que je trouvais ça très chic. Puis j’ai réalisé que tout le monde avait une cuisine noire, maintenant. Imprégnée malgré moi.

Une cuisine moderne
Par contre, je comprends toujours pas cette mode de mettre ton évier ou ta plaque de cuisson là où tu manges

De la couleur des Sirènes

Alors oui, c’est important de mettre des héros autre que Blancs, mâles et hétéros en avant. Voire cis mais c’est encore plus compliqué ce sujet-là. Surtout quand on fait jouer des trans par des gens qui ne le sont pas. La représentation compte tellement qu’encore aujourd’hui, des gens qui se disent de gauche et réfléchis soutiennent sans sourciller que la couleur de peau blanche est la couleur “normale” alors qu’une autre couleur de peau est “politique”. Cf la polémique sur La petite sirène. Des jours et des jours de panique morale sur la couleur d’un être qui n’existe pas, wouah. Des mecs qui nous expliquent scientifiquement qu’elle peut pas avoir la peau noire rapport à la faible pénétration du soleil dans l’eau. Mais mec, la petite sirène aurait la même peau que nous, elle tiendrait pas trois jours dans la flotte, t’es con ou ? Oui, t’es con. Oh oups, j’avais dit que je m’énerverais pas.

De l'importance de la réprésentation : la petite sirène

Une sensation de quota

Je peux comprendre la sensation “liste à cocher” devant certaines fictions. Je viens de finir la série Supergirl. Faut que je fasse un article dessus car cette série a de gros défauts d’écritures. Derrière l’héroïne bien blanche, mince, jolie et hétéro, on a une galaxie de personnages plus nuancés. Des personnages noirs dont Jimmy Olsen. Un couple de lesbienne dont une qui a subi le lesbianisme soudain des séries mal écrites, une super-héroïne trans et un personnage vert qui fait un peu office de l’autiste de service, Sheldon energy. Mais en vachement moins connard et insupportable quand même. Supergirl est par ailleurs un univers très féminisé. Nous avons une rédactrice en chef en tête du gros canard local, une Présidente des Etats-Unis, une gouverneure chargée de la sécurité. Les hommes sont plutôt des sources d’ennui comme Lex Luthor, un petit chauve très énervé par son manque de charisme qui cherche à conquérir le monde. Je trouve ça assez réaliste. Alors je ne trouve pas que Supergirl soit très féministe. Il se veut un appel à la tolérance mais la série n’est pas très bien écrite donc meh. Par contre, cette diversité passe crème et Dreamer est bien jouée par une actrice trans. 

Dreamer dans Supergirl

Le faux délire des minorités visibles

Et je crois que cette sensation de liste à cocher vient surtout du fait qu’on nous a habitué à des héros et héroïnes tous sortis du même moule. De la diversité, il y en a toujours oui mais… au second plan. Dans les personnages secondaires. Si on prend Friends, la série a été pas mal progressiste sur quelques points, notamment le fait de montrer un mariage lesbien. Mais les seuls personnages noirs gravitant autour de la bande sont les love interest de Ross et Joey. Idem pour la seule protagoniste asiatique qui a quelques lignes de dialogue. Mais les personnages masculins ont une peur panique de tout ce qui est “gay”. C’est un des principaux ressorts de la série, même. Et la seule femme trans est jouée par une femme cis. Alors, ok, on rappelle que c’était dans les 90s mais on peut citer pas mal de séries qui ont le même travers. Les femmes asiatiques sont souvent fétichisées. Les Noir.e.s qui ont le premier rôle l’ont généralement dans des séries qui se passent “dans leur ghetto” façon Luke Cage. On a l’impression qu’on nous impose des quotas de minorités visibles mais… bah non, en fait.

Un personnage ne peut pas changer de couleur parce que c’est canon

Souvent, pour réimposer de la blanchité là où ça dégouline de partout, on nous impose les univers canon. Ah bah non, Hermione, elle peut pas être Noire, elle ne l’est pas dans le livre. Contrairement au dernier délire de JK. Rowling qui ne sait pas quoi inventer pour masquer le fait qu’elle est une horrible personne réac. Vraiment, trouvez-vous d’autres sagas et arrêtez de donner votre argent à cette femme. Alors j’ai lu beaucoup de livres dans ma vie et vu leurs adaptations et… Ah ben je viens de vous donner la clé : adaptation. Si la couleur de peau ou même le genre n’est pas important dans le roman, pourquoi à ce point tenir à conserver la blanchité d’un personnage. Dans l’adaptation de The Sandman, on a eu pas mal de swap-gender ou color et… Où est le problème ? Lucien est devenu une Femme noire et elle pète la classe. John Constantine est devenu Johanna. Et ça fait du bien à ce personnage avec qui j’ai quand même du mal tant on l’écrit souvent assez mal parce qu’on confond cool avec connard. Non mais le Constantine de Legends of Tomorrow, vraiment… Alors que j’aime vraiment cette série, pas mal diversifiée dans ses personnages aussi. Un couple lesbien en lead du show, des couples mixtes. On a même un gros macho qui écrit de la littérature romantique sous pseudo féminin. 

Auteur de littérature héroïco-romantique

Pourquoi rester bloqué sur une représentation

Question : pourquoi reproduire à l’infini le même personnage ? Déjà, si on repart d’Hermione, elle est censée n’être pas très jolie, dans le roman. L’actrice qui l’incarne, c’est Emma Watson. Qui oserait dire qu’Emma Watson n’est “pas très jolie” ? J’ai beaucoup de mal avec la tendance actuelle de reproduire la même histoire avec la même esthétique. Comme les live action de Disney qui nous font limite du plan par plan. Pourquoi ? Alors oui, du coup, nous remplacer une sirène rousse par une sirène noire, ça détonne un peu dans cet univers de décalque. Mais pensons aux petites filles Noires qui ont enfin droit à leur princesse dépouillée d’exotisme. Je veux dire les seules princesses non blanches ont été une Indienne (Pocahontas) dans une histoire où elle devait être indienne. Une Chinoise (Mulan) car l’histoire se passait en Chine. Une Arabe car l’action se passe à Bagdad et une Noire car l’histoire se passe dans le bayou de la Nouvelle-Orléans. Quand la princesse évolue dans un univers neutre genre pays magique, elle est Blanche. Alors ok pour Blanche-Neige ou la Reine des Neige qui doit se dérouler quelque part vers le cercle polaire. Mais Cendrillon, la Belle au bois dormant, Raiponce… ça peut se passer n’importe où. Alors il est temps de changer un peu ça, n’en déplaise aux Blancos fragiles. Plutôt de sexe mâle, d’ailleurs.

Une Cendrillon Noire

De la diversité dans mes écrits ?

Dans mon écriture, comment je peux rendre tout ça ? J’avais pris le parti de décrire au minimum mes personnages pour permettre à chacun d’y mettre ce qu’il lui venait spontanément. Si la couleur de cheveux, de yeux ou de peau n’est pas importante, je ne la donne pas. De toute façon, dès qu’une autre personne va lire mon roman, il imaginera un physique différent de ce que j’ai imaginé, quand bien même je l’aurais décrit très précisément. Mais au-delà de la couleur de peau, reste d’autres éléments à prendre en considération comme l’orientation sexuelle ou la transidentité. Alors il m’arrive parfois d’écrire des femmes hétéros qui tombent amoureuses d’une autre femme mais pas en mode “ah ben je suis lesbienne maintenant” mais plus “ah ben je suis amoureuse d’elle mais si notre amour meurt, rien ne m’interdit de retomber amoureuse d’un homme”. Je suis plus sur cette ligne flottante là. Et ce lesbianisme vient par logique, parce que mon héroïne est devenue très proche d’une autre femme et qu’il est parfaitement cohérent qu’elles finissent ensemble. Pour la transidentité, par contre, j’évite de me lancer dans ce que je ne maîtrise pas pour éviter d’écrire un cliché nul. 

Jules dans Euphoria, une trans jouée par une actrice trans

Ca dérange qui, en vrai ?

Bref, alors que j’envisage de me lancer dans la BD (lol quand même parce que ça n’existera sans doute que dans ma tête), donc dans un art visuel, je pense que je dois faire attention à mes représentations. On doit se réjouir de la diversité des personnages qui nous sont proposés, surtout s’ils permettent à tous de s’identifier. On a beau dire, on se construit à coup de modèles. Et si une petite fille noire peut s’imaginer princesse car cette princesse existe dans la pop culture, ça fait du mal à qui, franchement ? La petite fille blanche, elle a toutes les autres princesses à disposition. Et si vous voulez vraiment que votre petite fille blanche s’identifie à une sirène, reste la version animée qui était vraiment bien avec quelques musiques anthologiques. Sous l’océan, sous l’océan… Et à un moment, si ça vous crispe autant les swap-gender ou color, c’est peut-être que le problème ne vient pas de la série ou du film, hein. 

Nina

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