Raconte moi des histoires

Pour bien raconter les histoires, il faut aussi savoir les écouter

Quand la fiction confond cool et connard

Il y a un point qu’on a tendance à sous-estimer dans la fiction : le pouvoir de la représentation. Et je me demande si la tendance “les psychopathes sont trop cools” ne viennent pas de cette confusion que l’on croise très souvent dans les fictions. On confond cool et connard. Genre pour montrer qu’un personnage est badass, on aime le montrer s’affranchir des règles. Y compris celles de la politesse la plus élémentaire. Et, spoiler : je déteste ces personnages-là. 

Billy est un connard

Depuis quand être malpoli, c’est cool

Pour illustrer mon propos, je vous invite à regarder la vidéo de Not serious sur Tomb Raider car il y a une scène qui est très précisément ce que je veux raconter et qu’il souligne. D’ailleurs, il n’est pas impossible que cet article soit dû à ce point de détail dans sa chronique. Lara Croft arrive donc à une vente aux enchères et s’assoit comme une merde sur deux chaises. Deux oui. Une pour son cul et une pour ses bottes. Rock n’ roll, Lara ! Alors non. Déjà faut vraiment arrêter de mettre vos pieds chaussés là où les gens posent leurs fesses, c’est insupportable. Ca vaut pour tous les gens qui se veulent un peu “cools” qui mettent systématiquement leurs pieds sur le siège en face d’eux dans le métro, tram, train… Tous les transports où il y a des sièges en face à face. Et généralement, ils jettent leur sac sur un troisième siège et mettent leur musique de merde fort. Parce que oui, selon une loi universelle, celui qui partage sa musique avec toute une rame qui n’a rien demandé écoute de la merde. 

Angelina est une héroïne insupportable

Les chefs toxiques, c’est trop bien !

Des personnages de fiction qui se comportent comme de parfaits trous du cul, y en a pléthore. Y a déjà toute la galaxie des chefs toxiques sur lesquels j’avais écrit un petit billet. Ouais, j’ai une petite expertise sur le sujet vu que je m’en ramasse systématiquement un ou deux dès que je change de job. Gibbs de NCIS, AnaLise de Murder, Docteur House. Non mais Docteur House, j’ai jamais compris le projet. Le mec brutalise son équipe et ses patients, patients qu’il va cambrioler tranquille. Il parle mal à tout le monde mais “ohlala, trop bien, que de subversivité.” Faut pas s’étonner que le monde aille mal après. Selon ma théorie, les managers trous du cul “mais si, il est charismatique” des fictions, c’est juste pour nous rajouter quelques maillons sur la chaîne. Genre Gibbs, j’ai jamais compris. Le mec tape son subordonné régulièrement pour rien, il traite mal tout le monde mais “oh, trop bien, quel leader”. Vous avez un souci, les gars.

Sacraliser les grosses merdes

Evidemment, quand on écrit un personnage, on ne veut pas forcément en faire le monsieur ou madame Tout le monde. Si on suit ses aventures, c’est qu’il ou elle a quelque chose de plus. Enfin, on pourrait écrire un roman avec M. ou Mme Tout le monde mais va falloir travailler dur pour rendre ça intéressant. Neuf fois sur dix, le personnage principal est l’élu. Celui ou celle qui va bouleverser la donne grâce à sa force, son intelligence, son charisme. Ses pouvoirs même, dans certains cas. Ca, je l’accepte, même si le côté “je sais tout et je suis le plus fort en toute circonstance” m’a toujours un peu saoulée. Cf les personnages sans nuance type Robert Langdon ou Darwin Minor. Mais que l’auteurice confonde cool et connard, ça me fait vriller mais d’une force. Parce que ça crée un imaginaire qui craint et pas qu’un peu.

Sheldon est malpoli

Les connards sont sexy

Je ne sais pas exactement d’où ça sort. Mais ça pullule pas mal dans la littérature “sexy young adult” où l’héroïne va s’enticher d’un mec qui se comporte comme le pire des trous du cul mais que tout le monde va trouver cool. Les After, évidemment, Beautiful Bastard, le truc des Royals… Et j’ai vraiment lu que ça mais déjà, c’est problématique. Je crois que c’est la même salade dans 50 nuances avec un personnage masculin plus qu’abusif. Mais wouah, le mec tabasse un gars qui parle à sa target, quel sexyness, quel charisme ! Ouais, non, appelle la police, plutôt… Je sais que selon des croyances populaires flinguées, il faut du frisson pour faire naître le sentiment amoureux. Mais le frisson doit-il être lié à la peur de s’en prendre une ou que son pote se fasse tabasser gratos ? Je ne crois pas, non. Et arrêtez de faire croire aux femmes que leur destin, c’est de soigner l’immonde connard qui leur sert de mec.

Christian Grey est un psychopathe
Non mais on est d’accord qu’il fait peur, là ??

Les bullies sont des merdes que tout le monde devrait ignorer

C’est environ la même dans toutes les fictions dans les lycées américains. Vous savez, les populars qui sont d’horribles personnes qui maltraitent les gros, les moches, les faibles et les filles dites faciles. En gros. Tout le monde les déteste, à priori, mais ils sont populaires au-delà du raisonnable. C’était Alison dans Pretty Little Liars. La meuf était détestable avec absolument tout le monde, y compris ses propres amies. Pendant les deux ou trois premières saisons, quand on ne sait pas qui est A, la liste des suspects potentiels est infinie tant la meuf a été une crevure. Mais personne ne l’envoie chier. Tout le monde veut être ami avec elle. Ca n’a pas de sens. Enfin si : si tu lui dis d’aller se faire voir, tu vas mourir ou à peu près. La meuf n’est pas cool mais terrifiante. 

Alison Dilaurentis, la popular biatch

Le manque d’empathie, c’est vraiment pourri

Dans ces fictions, les personnages identifiés comme cool sont souvent de purs psychopathes dénués de la moindre empathie. Pas la moindre politesse ni la moindre prévenance. Ils sont bruts de pomme et il paraît que ça fait leur charme. Alors il est possible que ça vienne de moi mais ces gens-là, j’ai plus envie de leur vomir sur les chaussures que de leur lécher les bottes. Je n’ai jamais compris qu’on associe charme et manque d’empathie. Vraiment. Et quand je vois le paysage fictionnel, je me demande vraiment pourquoi je déteste tant de séries que tout le monde adooooooore. Genre Succession. J’ai trouvé les personnages horribles et méchants, je les ai détestés durant toute la saison 01. Et je ne suis pas allée au-delà car je me respecte un minimum. Alors oui, j’adore les histoires des horribles gens riches et sans pitié puisque je suis fan de Dynastie et de The Penthouse. Mais ces deux séries sont si intenses que tu comprends bien le côté un peu parodique. Succession, c’était du cynisme à l’état brut, de l’acide en bouteille. Le pire, c’était le personnage de Roman : irrévérencieux, merdeux dernier stade. Evidemment lâche et con. Lui, j’avais envie de lui envoyer une tête de marteau en travers des dents. Mais manifestement, je suis à peu près la seule à ne pas le trouver génial. 

Roman dans Succession, un connard lâche

Je déteste les petits cons

J’en peux plus de ces fictions qui veulent me faire aimer les petits cons en vérité. Moi, les petits cons, j’ai envie que la vie les punisse. Et je ne suis pas la seule. Y a qu’à voir comment les gens partagent avec délice les vidéos de petits cons remis à la place dans le métro. Mais pourquoi vous aimez ces gens-là dans les fictions ? Certes, personne n’aime vraiment ce genre de trou du cul en particulier. Cf Joker où tout le monde a été bien satisfait de voir le Joker pas encore Joker régler son compte aux petits merdeux tout droit sorti du pire BDE d’école de commerce. Même si, dans les écoles de commerce, le BDE impose souvent des choses fortement humiliantes aux étudiants et tout le monde trouve ça très drôle. Sauf les femmes qui en sont particulièrement victimes… Mais vraiment, cette confusion entre cool et connard me dépasse. Pourquoi vous aimez autant les gens qui n’ont que très peu de valeur ? Qu’est-ce que je rate pour, moi, les détester autant. Même dans les fictions coréennes poussées à l’extrême, même si je sais que les méchants riches finiront par payer à la fin, y a toujours un moment où leur impunité me tape sur les nerfs. Ah impunité, c’est le mot. Les cools mais connards des fictions bénéficient d’une impunité qui m’horripile au dernier stade. Je te chie sur la tête et tu m’applaudis. C’est quoi le truc ? Ca vous excite de vous dire que vous aimeriez vous conduire de la sorte.

Won Sang-A, l'horrible méchante de Little Women

Et si on parlait des gens gentils, plutôt ?

Bref, à l’heure où le monde ne tourne plus très rond, je suis tellement saoulée par cette permanence des personnages humainement effroyables que l’on place au centre de ces séries, films, livres… Je rêve d’un monde où on fait plutôt des films comme Everything, everywhere, all at once où la morale de l’histoire, c’est que c’est le petit mec sans charisme qui fait des cookies qui est dans le vrai. Qu’on s’en sort mieux sans écraser personne. Et qu’écraser les gens, ce n’est absolument pas cool mais un comportement qui ne doit être toléré au aucun cas. Peut-être que si on remettait un peu le bon curseur dans les fictions, tout irait un peu mieux ? C’est mon rêve, en tout cas. 

Nina

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