Raconte moi des histoires

Pour bien raconter les histoires, il faut aussi savoir les écouter

T’as la ref ? 

J’adore rire. Même si je peux être un public relativement difficile sur le sujet. C’est à dire que l‘humour oppressif, ça m’agace plus qu’autre chose. Mais s’il y a un humour que j’aime bien, c’est la parodie et l’absurde. Et la connivence. Vous savez, cette petite vanne que tu comprends si t’as la ref. Ah, que c’est gratifiant quand tu chopes le sous-texte. Cependant autant je suis cliente de ce genre d’humour, autant il peut être vite excluant. 

Kirsten Dunst dans Melancholia, la ref à Ofelia

Un film à ref

Peut-être l’avez-vous manqué mais un nouvel Astérix est sorti récemment. Le sixième en version live. L’occasion pour de nombreux cinéphiles de se repencher sur l’ensemble des Astérix pour en faire une analyse. D’ailleurs, certaines vidéos YouTube sont fort intéressantes car on réalise qu’Asterix est une pâte à modeler que chaque réalisateur a interprété à sa façon. De façon assez éloignée des BD mais je ne suis pas là pour disserter sur les films Astérix vu que j’en ai vu… Un. Un seul. Mission Cleopatre. Et justement, c’est de lui dont on va parler parce que niveau ref… 

Des clins d’oeil discrets

En plus d’Asterix et Cleopatre, on va aussi parler de la Cité de la peur. J’ai adoré la Cité de la peur pour sa dimension hyper parodique, comme Hot shots! ou Y a-t-il un pilote dans l’avion. Parce qu’on plonge les personnages dans un univers absurde composé d’un patchwork de références pop cultures. On va parodier les films du box office de la période mais, dans les films français on va y coller des bouts de pubs ou d’émissions tv. Des fois de façon très premier degré comme le passage du Millionnaire avec Philippe Risoli dans Les trois frères ou plus subtilement dans La cité de la peur avec des vannes à la limite de l’arrière plan. Comme le « Loulou ? Oui, c’est moi » ou le Terminator qui tue dans la chambre voisine. Cette discrétion a un avantage certain. Si t’as pas la ref, tu t’en fous. Tu ne rates pas une marche. 

Chantal Lauby dans la Cité de la Peur

Itineris ne fonctionne plus

Si on prend Mission Cleopatre, c’est déjà un peu plus compliqué. Déjà parce que ça déborde d’humour Canal de son époque. Plein de guests viennent faire un coucou alors qu’un bon tiers sont tombés dans l’oubli. Je montrerais le film à mon neveu, il capterait pas la vanne d’Itineris qui parle en haché. Très bonne vanne, pourtant mais… Et je pense que Saturnin serait frustré de ce passage car il comprendrait qu’il y a une vanne mais il n’a pas le vécu pour la comprendre. Et je trouve ce sentiment fort pénible. 

Itineris dans Mission Cléopâtre, la ref rigolote mais dépassée

Plein de refs partout

Mon mec et moi nous sommes rematés les Karim Debbache Production la semaine dernière. Crossed et Chroma. Et des refs, t’en as tout le temps, partout. On en découvre encore. Mais ça va très vite donc à part la vanne de « A l’un d’eux” “Lon !” (Alain Delon) qui m’a vraiment turlupinée pendant des mois car je ne comprenais pas ce que criait la personne, je ne m’en sortais pas mal. Ca ne nuisait pas à ma compréhension du propos. Et surtout, on parle d’une émission d’une vingtaine de minutes que je peux revoir immédiatement après si j’en ai envie. Aller lire les commentaires pour avoir une explication. 

Jérémy Morvan, référence aux Profanateurs de sépultures

T’as la ref, clin d’oeil, clin d’oeil

Mais dans les films, ça peut vite m’agacer. Surtout quand la réf n’est pas subtile. Tu sais qu’il y a une vanne, une référence à un truc mais tu n’as aucune idée de ce dont il s’agit. Et si la vanne est un peu trop appuyée, le silence qui la suit un peu trop long ou un regard un peu trop insistant, ça ne passe pas. Parce que je sais que le film a voulu instaurer une connivence avec moi mais que je ne l’ai pas. Et je l’ai de moins en moins car depuis que je ne passe plus des heures devant la télé, je suis un peu déconnectée. A la fin du premier épisode de la Flamme, j’ai pas trop chopé la blague de la jolie fille dans le costume Panda. Ah, c’est Angèle, ok. Oui, je ne connais aucune chanson d’Angèle, de Clara Luciani ou de Juliette Armanet. La seule que je connais d’Armanet, c’est une chanson dont j’ai rêvé et qui fait “Faire le ménage, faire le vide” qui est nulle. Ce qui explique pourquoi elle n’existe pas mais ça va faire pas loin d’un mois que je l’ai en tête. Ah et Le dernier jour du disco. Je n’en tire aucune fierté, aucune honte non plus. Juste un fait. Idem pour les émissions télé. J’ai regardé le Palmashow l’autre jour, y avait une parodie de HPI avec Audrey Fleurot. J’ai capté uniquement parce que j’avais vu des affiches sur la série. Pour le reste, le sketch est drôle parce que la série est juste l’archétype du flic normcore qui fait équipe avec un personnage ayant une singularité. Genre mentaliste, écrivain, medium, etc. 

Parodie HPI par le Palmashow

La ref périme vite

En fait, ce qui est compliqué avec la réf, c’est sa temporalité. Quand je parle des Nuls, du Palmashow, de La Flamme ou des Inconnus, on parle d’un humour ultra référencé au moment T. Prenons les Inconnus, je ne me suis pas trop arrêtée dessus. Leur gloire est due essentiellement à leurs parodies télé. Certains sketches fonctionnent encore aujourd’hui car l’émission existe encore (Fort boyard) ou que la parodie transcende l’émission parodiée pour  un genre. Typiquement Télématin youpi. C’est absolument une parodie de Télématin mais ça marche aussi sur le fait que c’est fait très tôt le matin et que tous les intervenants sont morts de fatigue. Même après la disparition de Télématin, le gag marchera encore. De la même façon, dans Les Vedettes du Palmashow, film qui a eu l’étrange pouvoir de me faire réaliser à quel point je haïssais le cynisme des “gens qui font la télé”, on a une grosse séquence Le juste prix. Assez cocasse qu’un film de 2022 intègre un gros passage concernant une émission disparue en 2015. Bon, les auteurs ayant environ mon âge, cette émission a forcément marqué leur enfance autant que la mienne. D’ailleurs, leur version du Juste Prix me semble plus proche de celle présentée par Patrick Roy puis Philippe Risoli que la version de Lagaf-Gérard Vives… Que je n’ai jamais vue mais je me doute que ça devait être un poil plus vulgaire, comme tous les reboots des jeux télés de cette époque. Cependant, ce n’est pas gênant de ne pas connaître cette émission à la base parce que les personnages en expliquent le principe. Idem pour une émission de chant de type N’oubliez pas les paroles. Je n’ai jamais regardé cette émission dans la vraie vie mais ça m’a pas perdue dans le film…

Les Vedettes du Palmashow

Ce qui existe dans la diégèse

Parce que ces émissions existent dans la diégèse du film. Dans cette histoire, aucun besoin de clin d’oeil appuyé à destination de l’audience. Y a une émission de télé, les personnages vont y aller, point. Parce que le risque dans le fait de caler des refs, c’est de casser le quatrième mur. Un film me raconte une histoire. ll me demande de suspendre mon incrédulité et de partir du principe que l’histoire qu’on me raconte est vraie. On peut poser un personnage dans un contexte socio-culturel. Si on me parle d’un personnage fan de cinéma et qu’on me présente son intérieur, je vais m’attendre à y trouver des affiches de films, du matériel lié… Des choses qui existent dans nos deux univers. Dans American Psycho, le fait que l’auteur me fasse un article de 4 pages sur Whitney Houston ne casse pas ma suspension consentie de l’incrédulité. Il vit dans le même New-York que celui qui existe dans ma vie et écoute les mêmes artistes, ok. Par contre, j’ai trouvé ça chiant et inutile. Alors que la réf à un truc qui existe dans ma réalité et qui n’est pas mentionnée dans la diégèse de l’univers, ça peut un peu trop casser le quatrième mur car je vais un peu trop sentir le coude du réal qui vient s’enfoncer dans mes côtes. Genre quand Barjavel utilise la magie de Merlin pour faire apparaître un centre commercial avec escalator et que les pécores qui assistent à cette apparition décrivent le lieu avec une naïveté confondante, je me suis retrouvée projetée loin de l’histoire, loin, loin. Jamais compris ce que faisait ce passage là. L’anachronisme peut être un très bon ressort humoristique référencé, d’ailleurs. Si ça reste subtil, comme toujours.

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Petites vannes sur des gens dont on se souviendra pas

e crois que l’humour est le genre le plus difficile à écrire. Si on pleure tous peu ou prou pour les mêmes choses, avec plus ou moins de sensibilité, le rire est difficilement universel. Donc on peut avoir l’impression que je tire un peu à boulets rouges sur toutes ces fictions qui jouent la carte de la ref commune mais j’ai conscience que c’est un exercice compliqué. Surtout que la ref, elle peut vite périmer. Autant les Hot shots ! fonctionnent toujours très bien parce qu’ils parodient des monuments du cinéma, ce qui est déjà moins le cas de Y a-t-il un pilote, inscrit dans son époque de prolifération des films catastrophe. Autant Mission Cléopâtre étant pas loin du film de potes, comme pas mal de films français. Je pense que je buguerais peut-être sur une vanne ou deux. Même si c’est moins pire que le caméo pété de Francis Lalanne dans Astérix aux Jeux olympiques. Genre on était censé se souvenir que ce mec était le troubadour supporter collant de la France en 2002 alors qu’on est tous resté bloqué sur Johnny qui chantait Allumez le feu ? Dans le dernier Astérix, ils ont foutu Zlatan qui fait du Zlatan. La ref périmée dès sa sortie. Zlatan, c’est un épiphénomène. Depuis on a eu Messi, Neymar, MBappé. Mbappé ! Bref, l’humour, je sais que c’est difficile mais un peu de subtilité, des fois… 

Nina

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