Raconte moi des histoires

Pour bien raconter les histoires, il faut aussi savoir les écouter

Arrival ou la suspension consentie de l’incrédulité


On a des phases. Avec Victor genre “tiens, si on allait au ciné”, ce qui fait qu’on y est déjà allés 2 fois en 2017… mais qu’on devrait très rapidement arrêter. Dernier film vu : Arrival de Denis Villeneuve. Une oeuvre sur laquelle on est radicalement pas d’accord à l’arrivée et qui nous a occasionné une petite dispute. Car on a un souci avec la suspension consentie de l’incrédulité.

La suspension consentie de l'incrédulité

Les Heptapodes débarquent

Je vous pitche rapidement le film. Douze vaisseaux extraterrestres arrivent sur Terre mais on ne sait pas trop ce qu’ils veulent. L’armée fait donc appel à Louise Banks (Amy Adams), très éminente linguiste, pour tenter d’entrer en contact avec eux, et Ian Donnelly (Jeremy Renner) un physicien. Le film va donc se concentrer sur les liens qui se tissent entre eux et les extraterrestres. Des espèces de poulpes géants à sept pattes, appelés donc heptapodes. Ce film est esthétiquement très beau et assez émouvant, j’ai eu la gorge serrée sur les dernières scènes. Car ça parle pêle-mêle de langues, de réaction des Terriens face à ce contact compliqué. Avec évidemment le camp des belliqueux incarnés comme il se doit par le camp de l’Est, à savoir Chine et Russie. Mais ça parle aussi de choix.

The arrival de Denis Villeneuve

Une histoire folle mais un univers cohérent

Maintenant, définissons la suspension consentie de l’incrédulité. Dans une histoire qui met en place des éléments difficiles à admettre au départ, on les accepte à partir du moment où l’univers construit est cohérent. Karim Debbache en parle ici, par exemple. Ici, on peut admettre sans trop de soucis cette arrivée extraterrestre. C’est une hypothèse qu’on a vu dans de très nombreux films. Genre Independence Day et Independence Day : Resurgence, Signs, la guerre des mondes, E.T., Rencontre du 3e type, X files, etc. Cependant, il faut que le reste du récit fonctionne et c’est là que Victor et moi ne sommes pas d’accord. Attention, spoiler dans le paragraphe suivant.

Amy Adans dans The arrival

Et si le temps était cyclique

Dans Arrival, les extraterrestres utilisent un langage écrit à base de cercles, tracés dans les airs par une espèce d’encre. Je salue une nouvelle fois le travail sur l’esthétique du film. On apprend à mi parcours que chez les heptapodes, le temps n’est pas linéaire mais cyclique. On peut naviguer entre présent, passé et futur. Louise, en apprenant le langage des heptapodes, développe malgré elle la capacité de voir le futur. On découvre alors que l’histoire de sa fille qui nous est présentée en début de film se passe en fait après la fin de celui-ci. Le film est conçu comme un palindrome. Il peut se lire dans les deux sens, le nom du film apparaît d’ailleurs à la toute fin de celui-ci. Ainsi Louise entrevoit alors une scène du futur où le général chinois qui voulait tout péter lui donne son numéro de téléphone pour qu’elle l’appelle dans le présent et qu’elle lui dise les derniers mots de sa défunte épouse. Et là, craquage de Victor. “C’est pas possible, ça crée un paradoxe temporel, c’est nul”. “Mais non puisque quand il lui parle dans le futur, ils savent comment ça fonctionne. Il sait qu’il doit lui parler pour lui donner la clé”.

Arrival avec Amy Adams

Un deal difficile à accepter

J’ai accepté le deal, lui non. En rentrant, je cherchais à quel film ça me faisait furieusement penser et quelques notes d’orgue m’ont donné la solution : Interstellar. C’est peu ou prou le même dénouement : un élément du futur qui influe sur le passé pour lancer l’intrigue, deux points du temps solidement imbriquées… et j’avais pas aimé Interstellar, même si je ne m’étais pas offusquée de ce loop temporel. On est dans la base même de Terminator également : si John n’avait pas renvoyé Kyle dans le passé, il n’aurait pas existé… Ok mais la première fois que l’histoire s’est déroulée ? Ah ben non : Skynet n’existe que parce que le Terminator avait été renvoyé dans le passé mais du coup, s’ils arrivent à supprimer tout le matériel de base servant à Skynet pour devenir ce qu’il est (ce qui est censé se passer dans le 2), John devrait dès lors disparaître puisque le futur a changé et que son père ne reviendra jamais voir sa mère  dans le passé ? Un peu comme dans Retour vers le futur où en modifiant le passé, Marty met en péril son présent…

Terminator de James Cameron

Comment ça te fait sortir du film

Du coup, je me demande : à quel moment tu peux sortir d’un film et être écrasé par l’aspect pas crédible du truc, même si tu as accepté le fait qu’on t’embarquait dans un univers pas vraiment réaliste ? On a peut-être pas tous le même prisme de lecture. Je me rends compte qu’en général, je réagis par empathie. Quand un personnage fait un truc con ou illogique, ça me fait sortir du film. Justement ce que je reprochais à Interstellar dont les personnages étaient beaucoup trop placides à mon goût. Victor semble lui plus sensible à la rigueur scientifique : si c’est pas bien expliqué, ça se peut pas et c’est tout.

Les heptapodes de Arrival

Pourquoi on accepte une histoire compliquée ?

De l’univers tissé ou de l’empathie pour les personnages, qu’est-ce qui rend la suspension consentie de l’incrédulité plus facile à accepter ? Apparemment, il n’y a pas de généralités.

Si vous avez vu le film, j’aimerais bien votre avis sur la question, d’ailleurs.

PS : Et sinon, deux petites vidéos sur le film que j’ai bien aimées : Linguisticae pour le côté linguistique et nexus 6 pour le côté « première rencontre »

Nina

6 réflexions sur « Arrival ou la suspension consentie de l’incrédulité »

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