Raconte moi des histoires

Pour bien raconter les histoires, il faut aussi savoir les écouter

Les personnages drogués ou la triche d’écriture

Lors de ma rédaction d’article sur la série The Woman in the House Across the Street from the Girl in the Window, titre que je ne retiens jamais, j’avais souligné un point. Je déteste les personnages alcooliques ou drogués. Dans The Woman in the House Across the Street from the Girl in the Window, je l’ai accepté. Essentiellement parce que la série assume son côté mindfuck total. Mais souvent, c’est une facilité narrative qui m’exaspère. Parce que c’est trop simple et surtout mal géré. Petite analyse au débotté.

Les personnages drogués ou alcoolique, une facilité d'écriture

Le personnage fait n’importe quoi car sous substance

Le but d’une écriture fictionnelle, c’est d’amener son lecteur ou spectateur jusqu’à un climax qu’on va essayer de lui cacher le plus possible. Les fameux écrans de fumée dont je parlais récemment. Oui, le conteur est un illusionniste qui doit travailler ses effets de manche sinon, c’est râpé. Il existe mille et unes ficelles pour activer ses trucages. Le fameux jeu sur les clichés dont je parlais dernièrement ou… le personnage peu en phase avec sa raison, sa logique. Parce qu’il est sous emprise. Ah oui, ahah ! Dans de nombreux récits, les personnages ont des comportements que nous pourrions qualifier d’incohérents. Oui, nous ne sommes pas tous en droite ligne en permanence, je suis d’accord. Mais faut pas non plus pousser mémé dans les orties. Pour faire avancer l’intrigue, l’auteurice peut se reposer sur la stupidité du personnage ou… son manque de discernement lié à l’ingestion de substances. 

Zendaya joue Rue, une adolescente droguée

Amnésie de drogué

Certes, dans la vraie vie, la consommation de drogue et ou d’alcool peut faire vriller. Certaines personnes calmes et douces à jeun se révèlent agressives ou survoltées une fois chargées. Ce que j’ai toujours trouvé incroyablement pénible. Tu sais pas te gérer sous alcool ou prod, tu évites d’en prendre, merci. J’avais prévu de passer une bonne soirée, moi, pas de jouer ta psy, ton mouchoir ou ta garde du corps parce que tu veux taper tout le monde et que je dois t’éviter des bagarres. Donc si je trouve ça pénible dans la vraie vie, y a zéro chance que je trouve ça cool dans un roman. Surtout si c’est juste un écran de fumée nul genre “ah oui, le narrateur sait qui a tué Joyce mais il s’en souvient pas parce qu’il a trop bu ou trop pris de drogue”. Oh pinaise…

La fille du train et ses problèmes d'alcool

Il faut manier les ficelles avec finesse

L’amnésie traumatique avec des flashbacks qui mettent peu à peu sur la piste, ça peut être une écriture intéressante. Y avait le thriller Blink qui avait été écrit exactement sur ce principe. Le film Sleepwalker aussi. Ou Memento. Après tout, pourquoi pas puisqu’un thriller, ça peut se résumer à une traque de pièces de puzzle. Tu peux trouver des indices en interrogeant les gens, en fouillant une pièce ou parce que ta mémoire a soudain envie de te raconter un truc. Ok, c’est un peu de la triche mais dans certaines circonstances, je peux l’admettre. Si c’est bien fait, en gros. Et vraiment la ficelle de l’alcool et/ou de la drogue, on va pas se mentir mais c’est souvent très mal géré.

Blink avec Madeleine Stowe

Moi ma drogue, c’est l’alcool

Déjà parce que c’est souvent écrit par des personnes non concernées. Vous savez pourquoi mes personnages ne se droguent pas ? Parce que moi même, je ne suis jamais allée au-delà du joint. Plus jeune, je me disais qu’il faudrait que j’expérimente des fois qu’un de mes persos ait besoin de se droguer mais finalement… Même quand j’en ai eu l’occasion, j’ai pas sauté le pas. Essentiellement parce que j’ai vu comment la conso excessive de coke peut être destructrice et puis… Je saigne du nez dès que je prends un long-courrier tellement j’ai les capillaires fragiles, je vais pas aller les poncer avec de la poudre corrosive. Mes seules drogues restent le café et l’alcool. Et le CBD pour essayer de calmer mes tuyaux. Mais j’ai fortement diminué tout ça et ça ne m’empêche pas d’écrire. Juste que je n’utilise pas ces ficelles-là. C’est exactement la même chose pour les maladies mentales sur lesquelles j’avais déjà écrit un article. Ah, c’est bien pratique les personnages bipolaires qui font n’imp’ parce que ça aide le scénario. Tant pis pour les vrais malades qui se retrouvent en proie aux pires clichés sur leur maladie. Marche aussi avec les autistes.

Modern Love

Basculer du côté obscur de la force

La grosse difficulté quand tu écris, c’est de répondre à un pourquoi. Pourquoi un personnage devient hors de contrôle et change de camp. Parce que c’est souvent ça. Il passe de gentil à méchant, en quelque sorte. Comme on ne peut pas toujours tuer sa femme ou sa copine pour le ou la rendre fou, il faut trouver d’autres raisons de perdre le contrôle. Et forcément une substance réputée pour ses effets désinhibiteurs, quelle merveille. Pourquoi il a soudain pété un câble et agressé telle ou telle personne sans réelle raison ou fait un truc totalement stupide ? Parce que la drogue, l’alcool ou ce que tu veux. Bon, par contre, l’alcool ou la drogue, c’est pas censé te faire radicalement changer de personnalité. Comme dit juste avant, c’est un déshinibiteur. 

James Bond et ses soucis d'alcoolisme

Drogué et désorienté

Evidemment, j’ai voulu utiliser cette ficelle, il y a fort longtemps. Dans Technopolis 2. Pas la V2, non, ce qui devait représenter le deuxième volet. Celui qui devait suivre la version originale. Je l’ai arrêté à la page 360. Décidément, je vais arrêter d’insister… Bref, pour mon récit, j’avais besoin qu’Ethan pète un câble et devienne un sale connard violent et vraiment pas gentil avec Oceany. Du coup… et bah je l’ai drogué. A son insu. Comme ça, ça permettait de rajouter le volet “mais mon Dieu, je perds la tête”. Ohlala, je tombe de ma chaise devant tant d’originalité.

Un personnage drogué en plein délire

On n’a pas à être 100% fidèle à la vraie vie

Parler de drogue ou d’alcool peut être intéressant… Surtout si l’auteurice maîtrise un minimum son sujet, évidemment. Ce ne sont pas des sujets que je trouve rhédibitoires en soi, à partir du moment où ils servent un réel propos. Même pas forcément un propos moralisateur même si je ne suis pas trop fan des “l’alcool et la drogue, ça rend trop cool”.  Le souci ici n’est pas le sujet mais comment on utilise ce tropisme pour nous pondre des personnages nuls et incohérents qui font avancer le scénario en dépit du bon sens. En plus de constituer des personnages fortement antipathiques que tu n’as pas forcément envie de suivre. Je sais que dans la vraie vie, on n’agit pas toujours logiquement et qu’on prend parfois de mauvaises décisions. Ca va, le verre de trop, je l’ai bien connu. Ou ce verre tout court que je m’enfilais solo chez moi parce que j’avais pas la patate, m’enfonçant un doigt de plus dans ma rhétorique de “je ne suis qu’une merde”. Mais dans la vraie vie, je vais aux toilettes plusieurs fois par jour et la fiction n’en parle jamais, sauf s’il doit se passer un truc pendant que tu es occupé à te vider la tuyauterie. 

Russian doll

Un personnage riche en clichés

Bref, le personnage drogué ou alcoolique est à manier avec grande précaution car souvent trop générateur de clichés pas très intéressants pour le spectacteur/lecteur. Si la seule façon que tu as trouvé pour faire avancer ton intrigue, c’est de changer la personnalité de ton personnage, c’est sans doute que celui-ci est pas très bien écrit. Y a que dans les soaps ou telenovelas que tu peux. Essentiellement parce que les personnages ne sont que des archétypes et qu’ils n’ont pas de réelle personnalité.

Nina

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