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Le tailleur, une télénovela turque

Je ne sais pas si le genre télénovela a un nom spécifique en Turquie mais avec Le tailleur, c’était clairement ça. Un triangle amoureux avec des gens riches qui agissent en toute impunité, c’est totalement dans le genre. Un peu coréen aussi. Des fois, tu lances une série pour des raisons très légères et pour Le tailleur, ce fut le cas. D’abord une série turque, un de mes péchés mignons mais surtout… j’ai déjà vu les deux acteurs principaux ! Obligé, je regarde. Et je n’ai pas regretté.

Firuze et Peyami dans Le tailleur

L’histoire. Peyami Dokumaci est un tailleur réputé à Istanbul. Sa vie est pleine de succès et le seul nuage est son insupportable meilleur ami, Dimitri. Qui semble prendre un malin plaisir à se conduire comme un trou du cul. Et justement, Dimitri va se marier ! Peyami est donc engagé pour réaliser la robe de mariée mais il n’a pas le droit de voir la future mariée, Esvet. Il doit donc retoucher la robe les yeux bandés. Ainsi quand, quelques jours plus tard, la jeune et belle Firuze se présente à son domicile pour devenir l’accompagnatrice de son père handicapé, Peyami ne peut savoir qu’il s’agit en fait d’Esvet qui a fui Dimitri qui la tyrannisait. Et c’est ainsi que Peyami va tomber peu à peu amoureux de la fiancée de son meilleur ami.

Esvet et Peyami dans le tailleur

Raconté comme ça, c’est caliente un peu, non ? En vrai, c’est moins érotique qu’une télénovela puisque la première saison ne comporte aucune scène de cul. Il y en aura quelques uns par la suite mais à part celles impliquant Cemre, ce sera très soft. On est plus dans la tension érotique avec des effleurements, jeux de regard et compagnie. Ce dont je suis très friande même si là, ça manque un peu de fluidité. Genre j’ai pas bien compris pourquoi Peyami est soudain amoureux de Firuze et, de façon générale, les relations entre Esvet/Firuze et Peyami ne fonctionnent pas très bien. Y a des moments où on oublie même qu’il y a une étincelle entre eux.

Le tailleur, série turque sur Netflix

La faute aux acteurs ? Comme dit plus haut, j’ai lancé la série parce que je connaissais le couple principal. Tout d’abord la belle Sifanur Gül que je venais de découvrir dans Yaratilan. Ici, elle est un peu plus en roue libre et surjoue parfois un peu. Ce qui compense le jeu très en dedans de Cagatay Ulosoy qui tenait le rôle principal dans Le protecteur. Un mec qui doit correspondre aux canons de beauté turcs car à chaque fois, on nous raconte que c’est l’ultime beau mec dont toutes les femmes tombent amoureuses. Alors que non. Je ne parle pas tant de son physique, ici. Les goûts, les couleurs, toi-même tu sais. Je parle du fait que le mec a un regard vide neuf fois sur dix et il y a des scènes où il oublie carrément de jouer. A un moment, il y a une scène de dîner où Esvet, ivre et désormais mariée à Dimitri, pète un câble et se met à hurler qu’elle préfère Peyami à Dimitri. Que fait Peyami ? Rien. Mais littéralement. Dimitri attise sa femme, la compagne temporaire de Peyami fait une tête gênée mais Peyami ne réagit pas. La femme de ton meilleur ami dont tu es fou amoureux te hurle son amour et toi, tu as une tête de mec qui réfléchit s’il est raisonnable de prendre un dessert ou pas. Allo, y a quelqu’un ? Sinon, l’acteur qui joue Dimitri est aussi très intense mais pour le coup, ça rend son personnage insupportable comme il est censé l’être.

Pourtant, si Cagatay Ulosoy ne joue pas très bien et que la série nous colle un personnage qui n’a rien à faire dans l’histoire à la saison 2, Cemre, parce que l’actrice doit être connue en Turquie, il y a des choses intéressantes dans la série. Il y a même de la subtilité dans l’écriture sur la relation Dimitri-Esvet. Clairement, au début, elle le déteste de toutes les fibres de son corps. Et vu qu’il l’enferme dans une malle pour… et bah on sait pas pourquoi, on peut comprendre. Mais à vivre avec lui, elle découvre un homme fragile qui cache sous une tonne d’arrogance et de provocation des blessures d’enfants. A savoir une relation conflictuelle avec son père. J’espérais même que la saison 03 nous proposerait un vrai triangle amoureux entre Dimitri, Peyami et Esvet qui hésite entre une passion amoureuse spontanée et son mari qu’elle a appris à aimer. Même si, ok, j’aurais pas trop toléré une happy end à base de “au début, il la torturait mais maintenant, elle l’aime”.

Dimitri et Esvet dans Le tailleur

Mais la série a l’air un peu amnésique. Elle nous pose des jalons qu’elle oublie. Les relations très on/off entre Esvet et Peyami ou Dimitri, par exemple. Cemre qui part à la fin de la saison 02 et dont plus personne ne parlera jamais. Le mariage entre Firuze et le père de Peyami. Oui, le père de Peyami est lourdement handicapé suite à une méningite qui l’a bloqué à un stade d’enfant. On ne sait rien de la mère de Peyami, ce sera toute une histoire, d’ailleurs. La grand-mère de Peyami, venant s’installer chez lui avec le daron-enfant, explique à Peyami que Firuze doit épouser Mustapha, le père, parce qu’il n’est pas câblé comme tout le monde et a des pulsions qu’il n’est pas capable de contrôler. Est-ce ainsi que Peyami a été conçu ? Alors non mais les pulsions de Mustapha ne seront plus jamais un sujet. Et si Firuze accepte de se marier avec Mustapha, toujours pour échapper à Dimitri… Elle finira par l’épouser. Puis plus personne ne parlera de cette union, certes uniquement religieux. Quoi ? Mustapha lui-même semble avoir oublié ce mariage. 

Le tailleur, Dimitri, Mustapha et Esvet

La série reste intéressante par les thèmes qu’elle aborde. D’abord la relation père-fils. Nous avons en miroir Peyami qui a du mal à accepter son père handicapé et qui souhaite le cacher et de l’autre Dimitri, en proie à une relation sadique avec son père qui adore l’humilier. Père qui a par ailleurs pris Peyami sous son aile en mode “c’est le fils que j’aurais voulu avoir”. Rajoutant à la rivalité entre les deux hommes. Rivalité qui sera au coeur du climax de la saison 01 avant d’être délaissé, encore une fois. La relation père-fils est assez présente dans les fictions turques que j’ai pu voir. C’est le cas dans Yaratilan, Le protecteur où Hakan perd une figure paternelle en début de série, Shahmeran aussi où on sent le poids de l’héritage. Les relations mères-filles sont généralement plus basées sur la complicité et le partage de savoirs presque mystérieux. Ce qui n’est pas le cas ici puisque la mère d’Esvet ne prend pas du tout son parti. Contrairement à son père qui acceptera de devenir complice de son évasion. 

Dimitri et son père

Autre thématique que j’ai vu dans cette série et que je n’avais que peu croisé : les grecs. L’aristocratie grecque pour être plus précise, installée en Turquie. Comme on peut le deviner à son prénom, DImitri fait partie de cette aristocratie, tout comme Esvet et sa famille. D’où ce mariage arrangé, d’ailleurs. Les liens avec la Grèce transparaissent parfois, comme dans Qui fuyons-nous où mère et fille fuient la Turquie pour se réfugier en Grèce. Faudrait que je creuse ce sujet pour ma culture. Car pour moi, les grecs et turcs ne sont pas trop copains depuis Chypre mais il semble exister des liens que je ne soupçonnais pas.

Esvet et Peyami, un couple sans alchimie

Bref, Le tailleur, ça se regarde bien. Trois saisons assez courtes avec des acteurices au jeu inégal mais reste une certaine beauté toujours agréable à l’oeil. Je ne parle pas que des personnages, il y a aussi Istanbul, en long, large et travers. Un Istanbul radicalement plus moderne que ce que j’avais pu voir jusqu’à présent, y compris dans les séries se passant à notre époque. Sans doute parce que nos protagonistes sont riches mais ils fréquentent les beaux quartiers, les restaurants chics et glandent sur leur bateau amarré à l’embouchure du détroit qui relie la mer Noire et celle de Marmara. Ah oui, ça donne envie, c’est sûr. 

Nina

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