Raconte moi des histoires

Pour bien raconter les histoires, il faut aussi savoir les écouter

La fiction non-oppressive est-elle forcément chiante ?

Non. Merci pour votre attention. Bon, allez, je vais développer un peu parce que je suis sympa. Et aussi parce que les chialeurs à base de “le wokisme gâche tout” commencent à me les briser menu. Donc aujourd’hui, on va se rappeler qu’on peut faire de très bonnes fictions sans sauter à pieds joints dans le sexisme, homophobie, grossophobie, racisme, transphobie, culture du viol… Et je rajouterais même que les fictions qui utilisent les ficelles susnommées sont généralement de piètre qualité. Bref, la fiction non-oppressive, ça peut être cool et j’ai même des exemples.

Legends of tomorrow
On a ici : deux Iraniens, trois homosexuel·les, deux bisexuel·les, une sorcière noire, une latina. Faut que j’écrive un article sur cette série

Le premier exemple qui me vient en tête, et qui m’a inspiré l’article, c’est la série Scott Pilgrim prend son envol, actuellement diffusée sur Netflix. Une revisite assez sympa du film de Scott Pilgrim avec un twist intrigant et les acteurs du film qui font les voix de leur incarnation animée. Une petite série franchement sympa que je recommande. A condition d’avoir vu le film néanmoins sinon, vous allez rater toute la dimension méta. Bref, au début de la série, Ramona et Scott ont un date. A la fin de la soirée, les voilà dans le même lit mais Scott est un peu impressionné. Ramona lui déclare alors “finalement, je ne coucherai pas avec toi ce soir. Mais je me réserve le droit de changer d’avis”. Et ils s’endorment tranquille. Oh wouah, un dialogue exprimant clairement qu’un consentement peut se révoquer puis se donner plus tard sans aucune ambiguité. C’est… rafraîchissant.

Scott et Ramona dans Scott Pilgrim prend son envol

Par ailleurs, Ramona est bisexuelle, un autre personnage masculin découvre également sa bisexualité avec un personnage ouvertement gay. Oh well, un personnage masculin bisexuel, c’est assez rare pour être noté. Il y a d’ailleurs un discours sur la masculinité toxique où un personnage masculin avec un comportement de trou du cul souffre d’un déficit de popularité. Alors certes, on peut noter un casting assez blanc puisque les deux personnages racisées sont une jeune Asiatique et un Indien un peu cliché. Moins que dans le film néanmoins. La série, comme le film avant lui, est pleine d’humour et de vannes sans que ça tape large sur un groupe. Ce n’est pas offensant et ce n’était pas si compliqué.

Scott Pilgrim prend son envol, une fiction non-oppressive

Curieusement, cette série m’a fait penser à Daybreak, un film post-apo zombie un peu cheloue qui était passée sur Netflix y a quelques temps. En fait, c’est le personnage féminin, love interest du héros qui m’a un peu fait penser à Ramona. J’avais aimé le concept de ce personnage, présentée comme une douce demoiselle en détresse par le héros mais qui est bien plus complexe que ça. On découvre qu’elle entretient plusieurs relations en même temps, cherchant ce qui lui convient le mieux. Quand le héros la retrouve à la fin et lui propose de rejoindre son clan, elle refuse, préférant fonder le sien. Ce qui énerve beaucoup certains mecs sur les commentaires en ligne et me régale. Là encore, on peut écrire un personnage plus nuancé et plus profond qu’un simple love interest. Et le gang du héros est constitué en majorité des losers du coin qui se révèlent bien plus forts et utiles qu’attendu. 

Daybreak, une série ado sympa

Ok, Daybreak, vous êtes passé à côté. Scott Pilgrim, ça vous chauffe pas. Legend of tomorrow non plus. Sense8, non ? Alors je sors de ma besace la série de films que vous avez tous vu : Retour vers le futur. On s’est fait la trilogie sur cette fin d’année et ça a très bien vieilli. Bon, y a quelques incrustes qui piquent, je ne dis pas, mais c’est bien écrit. On retrouve le même méchant que dans Daybreaker, d’ailleurs, le quaterback bully. Pas de vannes sexistes, homophobes, racistes, etc. Faudra que j’en reparle de Retour vers le futur, d’ailleurs. Les acharnés de l’anti-wokisme n’arrêtent pas de pleurer que les fictions sont trop édulcorées mais beaucoup de fictions du passé ne sont pas oppressives. Prenez Star Wars. Vous chialez parce que y a trop de diversité mais en 1980, Lando était déjà noir. Avec une très belle moustache. Beaucoup considèrent que certaines oeuvres d’hier ne pourraient plus être faites aujourd’hui, c’est relativement faux. Rabbi Jacob, par exemple. “Ohlala, aujourd’hui, ça ne passerait plus”. Sauf que le film ne se moque pas des Juifs mais des antisémites. Enfin d’un en particulier. Vous allez me dire que Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu aussi sauf que non. Parce que Qu’est-ce qu’on a fait… ne base pas son humour sur le ridicule du raciste mais “sur le ridicule du raciste mais quand même, il a raison, regardez”. Ok donc pour le non-oppressif, on repassera.

Retour vers le futur

Je suis toujours un peu étonnée quand ça gueule au “cahier des charges woke”, qu’on ne peut plus rien dire, etc. C’est faux, il y a beaucoup à dire, beaucoup à raconter. Je soupçonne fortement les tenants de ce discours de n’avoir aucune imagination, pas d’humour et pas énormément d’intelligence. Du Biff Tannen dans le texte, finalement. Ecraser les autres pour se donner la sensation de briller, waaah. Je dirais même qu’en cherchant à faire une fiction qui ne blesse personne, qui prend en compte les évolutions de la société en terme de multiculturalisme, d’évolution des moeurs, etc., tu t’ouvres un terrain de jeu bien plus vaste. Tu dois être attentif à la façon dont d’autres peuvent recevoir tes propos. C’est une équation excitante à résoudre. Et à la portée de n’importe quelle personne dotée d’un peu d’empathie.

Biff Tannen est un connard

Bref, les fictions non-oppressives, c’est cool et ce n’est pas nouveau. Pas du tout. Après, c’est comme d’hab : si vous êtes gêné par un casting trop multiculturel, je crois pas que ce soit le wokisme votre problème. Juste votre racisme. Et l’humour cruel n’a jamais été universel. Blesser les gens devrait mettre mal à l’aise. Pas se dire que “roh, ça va, c’est pour rire”. Et si la seule chose qui te fait rire, c’est de faire mal, c’est pas de l’humour, juste de la cruauté.

Nina

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