Raconte moi des histoires

Pour bien raconter les histoires, il faut aussi savoir les écouter

Ecrire un univers bizarre, bonne ou mauvaise idée ?

Ah oui, en voilà une question. Ces derniers temps, je suis entrée en contact avec des fictions un peu bizarres sans que ce soit forcément ma volonté. Parce qu’e des fois, il m’arrive de lancer ou lire une fiction sans trop me renseigner dessus et je patauge dans des univers opaques. Des fois, ça marche et des fois… Ok, c’est cool mais j’ai rien compris au projet. Et en tant que narratologue amatrice, ne pas piger une histoire, c’est limite un crime de lèse-majesté. Du coup, me plonger dans un univers bizarre, c’est oui ou c’est meeeeh.

Mullholland drive, un de mes films pref’

Quand on pense univers narratif bizarre, on pense immédiatement à David Lynch. Etant une grande cinéphile (non), j’ai dû attendre 2001 pour me frotter à l’œuvre du monsieur avec Mullholland drive. Film que je classe parmi mes films préférés. C’est vrai… mais pas au premier visionnage. Je me souviens de ma première fois avec David. Anne et moi étions allés à l’Utopia Toulouse pour découvrir ce film. On a regardé le film et on est sorties de là en mode “Heu…quoi ?”. Bon, on avait commencé à démêler les fils mais ce film est devenu culte pour moi… quand j’ai vu un documentaire donnant toutes les clés pour comprendre le film. Parce que oui, vu à froid, ça paraît sacrément barré. Mais en vrai, tout ceci a du sens.

Mullholland drive

Des univers difficiles à découvrir

Ensuite, j’ai découvert Twin peaks. Une histoire fort alambiquée pour narrer peu explicitement une histoire d’inceste. Oui, Twin Peaks, c’est l’histoire d’une ado ravagée par les abus de son père tandis que sa mère se réfugie dans le déni. Une gamine qui s’abîme dans l’autodestruction parce qu’elle veut mourir, cherchant néanmoins celui qui pourrait la tirer de là. D’ailleurs Mullholland drive est une suite non officielle de Twin peaks, Diane aurait dû être Audrey Horne. Bref, on peut se perdre assez facilement dans l’univers de Lynch. Ca peut rebuter. Mais ce n’est pas juste un délire pour créer un univers bizarre et perdre son audience. Non, les choses sont pensées. Bon, ça va mieux avec le guide mais ce n’est pas du pif.

Audrey et Cooper dans Twin Peaks

N’oublie pas de mettre du sens, quand même…

Alors que parfois, y a des univers bizarres auxquels je ne pine rien. Mais rien. On va commencer soft si ça vous va avec Everything dont j’ai parlé sur dystopie où, au début, j’ai eu peur. “Oui, c’est comme Twin peaks ou The leftovers.” Et pendant le premier tiers, j’étais en mode “alors oui mais faudrait que ça ait du sens quand même”. Bon, finalement, les pièces du puzzle finissent par se mettre en place et ce n’est pas si barré que ça. Mais j’ai vraiment bugué au début en mode “aïe”… 

Everything, BD

Une histoire banale sous un vernis chelou

On passe au niveau supérieur avec I’m endless like the space dont j’ai déjà parlé. Film qui continue de me turlupiner et qui mériterait sans doute un deuxième visionnage pour bien saisir le sous-texte mais je n’ai actuellement pas ce temps. J’ai trop à voir, je veux dire. Mais finalement, on est dans le même délire que Lynch : un vernis bizarre sur une histoire somme toute banale. Encore plus banale, même. Mais le bizarre était moins prononcé et les clés de compréhension étaient pas mal offertes directement par la narration. Ca me navre que ce film n’ait pas eu plus de succès car j’aurais aimé lire quelques articles pour comprendre l’univers et l’intention des auteurs. Parce que la scène Alice aux pays des merveilles, vraiment, je l’ai pas captée. Peut-être parce que j’aurais dû en reconnaître les auteurs ? Peut-être qu’un détail m’a échappée ? Mmm.

I'm endless like the space

Une série belle mais je capte rien

Et puis, cet été, j’ai vu Copenhagen Cowboy. Certes, le “et puis” ne marche pas trop vu que je ne respecte pas la temporalité mais bon… Cette série, je m’étais noté d’en faire un article parce que… J’ai à peu près rien compris. Je vous mets le résumé tel que je le trouve sur Google parce que je suis même pas capable de l’écrire moi-même. Miu, une jeune femme qui était esclavagisée en temps de porte-bonheur humain, retrouve sa liberté et décide de se venger. Y a du surnaturel et moi, j’aime bien, à priori. Sauf que… Alors on va dire de suite la force de la série : son univers graphique. C’est superbe. C’est une série réalisée par Nicolas Winding Refn à qui on doit notamment The Neon Demon ou Drive. Bon, j’avoue avoir regardé Drive d’un oeil, j’en ai environ aucun souvenir mais passons. Donc l’univers est beau mais… j’ai pas compris le truc. Déjà, Miu est là. Les trois-quarts du temps, elle est juste là. Elle ne parle pas, ne réagit pas. On comprend bien qu’elle a des pouvoirs mais les trois-quarts du temps, elle ne fait rien. J’ai maté toute la saison 1 en attendant un reveal mais…

Copenhagen cowboy

Une série un peu gênante

En fait, cette série est surtout un miscellanée de scènes plus que gênantes. Voire franchement dérangeantes. Au début, Miu est embauchée par une femme qui veut un enfant et a besoin de son porte-bonheur. Elle est la soeur d’un gros mafieux local, spécialisé dans le proxénétisme. Donc on a droit à une scène où Miu regarde le mari de sa patronne agresser et violer une des prostituées. Un peu plus tard, Miu doit assister au coït de sa patronne avec son mari afin de favoriser sa fertilité. Curieusement, cette scène est beaucoup moins frontale que celle du viol. Après, les antagonistes sont une famille cheloue où le père veut montrer sa bite à tout le monde car il est modèle bite (?) et le fils qui est un serial killer. A qui Miu coupera la bite, d’ailleurs… Non mais à un moment, ce serait bien que les réalisateurs obsédés par le sujet aillent voir un psy plutôt que de nous imposer leurs délires.

Copenhagen Cowboy
La lumière, c’est surfait

Tu as oublié le sous-texte…

Parce que Copenhagen Cowboy m’a agacée. Je peux trouver intéressant qu’un auteur ou une autrice ne nous donne pas une fiction à avaler toute prête, sans effort. J’aime la purée mais parfois, j’ai envie de mâcher un peu. Métaphore nulle. Mais oui, j’aime pouvoir réfléchir à une fiction, à son sous-texte. Encore faut-il qu’il y en ait un. C’est souvent ce qui m’inquiète quand je m’apprête à voir ou lire une œuvre estampillée bizarre. Faut pas que je plisse le front durant tout le visionnage en ne comprenant pas les tenants et aboutissants. Les audiences aiment le mystère. On l’a vu avec Lost, autre série à univers opaque qui avait finalement pas mal d’explications prosaïques à certains phénomènes, notamment les ours polaires. Lost me paraît être un cas typique d’univers bizarre qui n’a pas vraiment été pensé en amont. D’où l’immense déception en fin de série. Je ne crois pas que, dans l’absolu, le plot twist de fin était inacceptable. Je pense juste qu’il sent trop l’idée tirée du chapeau bien après le début de la série, ne permettant pas au spectateur de pleinement y adhérer. Un immense “tout ça pour ça”. Ce qui est déjà pas si mal si je compare à Copenhagen Cowboy où j’ai toujours pas compris ce qu’on a voulu me raconter. Et des critiques que j’en ai lues, on va résumer à “j’ai rien compris” et pour les plus élogieuses “c’est magnifique, j’adore Refn. Mais j’ai rien compris”. Super…

Miu dans Copenhagen Cowboy

Envie d’écrire un roman bizarre

Dans la fin de mon adolescence, j’ai eu envie d’écrire un roman un peu loufoque que j’aurais appelé genre “Shref” ou je ne sais plus quel nom j’avais choisi. Un truc qui ne voulait rien dire. Peut-être le nom du bled où mes personnages, un inspecteur et une inspectrice devait se rendre. Et que s’appelerio Mulder et Scully, on dirait. Oui, à cet âge-là, j’étais à fond dans X-files. J’avais même des petits livres sur la série. Dont un qui n’arrêtait pas de dire que Chris Carter, le créateur de la série, adorait Twin Peaks. On retrouve d’ailleurs pas mal d’acteurs de Twin Peaks dans les épisodes bizarres de X-files, sans oublier David Duchovny qui a joué dans les deux. A l’époque, je n’avais pas vu Twin Peaks. Je m’étais imaginé un Twin Peaks à moi qui était un peu les prémices de mon “Shref”. Oui, il existe un Twin Peaks totalement alternatif dans ma tête comme il existe une série de meufs qui était le croisement entre “The new girl” et “Girls” parce que j’avais pas capté qu’il ne s’agissait pas de la même série et que j’avais commencé à écrire dans le projet Audrey. 

Twin Peaks ft X-files

Atténuer une histoire effroyable

Sauf que mon univers bizarre n’avait pas de sens. J’avais juste envie d’écrire un truc barré dont mes protagonistes allaient sortir rincés. Autant vous dire que ce roman est mort à la page 5 vu que je n’avais pas la moindre idée d’où j’allais avec ça. Alors, certes, à 16 ou 17 ans, je n’avais pas la même culture fictionnelle qu’aujourd’hui. Je ferais mieux aujourd’hui mais… Pourquoi le choix du bizarre, finalement ? Soit pour nous faire adhérer à l’idée que la résolution sera surnaturelle comme dans Everything ou X-files, par exemple. Parce que l’on veut raconter une histoire cruelle et qu’on préfère maquiller la laideur humaine en truc fantasmagorique ? Eventuellement pour capter une audience sur 6 saisons… L’histoire de Twin Peaks racontée sans surnaturel et scènes bizarroïdes serait juste glaçante. Personne ne veut regarder l’histoire de la queen prom qui cherche à mourir à tout prix pour échapper aux viols répétés de son père. Alors que l’inceste est un véritable sujet, un sujet très grave sur lequel il existe un tel tabou que de nombreux incesteurs s’en sortent sans dommage. Essentiellement car le poids de la honte repose sur la famille et parler, c’est exposer tout le monde au jugement. Après, je me demande si Twin Peaks ne va pas trop loin dans le bizarre et fait perdre de vue l’essence de l’histoire qui nous est racontée. Tous les spectateurs ont-ils bien réalisé cette dimension incestueuse ? Je me demande presque si le film n’a pas été fait pour bien remettre ce point au centre, avec cette scène glaçante du petit-déjeuner où Laura, ayant enfin compris qui était l’homme qui venait la violer, est en terreur totale face à son père qui débarque dans la cuisine. Sheryl Lee n’a peut-être pas eu la carrière qu’elle méritait.

Sheryl Lee est Laura Palmer

Me perdre mais pas gratos

Bref, je suis une grosse cliente de bizarre, j’aime bien perdre un peu mes repères. Mais je déteste que ce soit gratos. Un délire de réalisateur, ok, pourquoi pas mais ne prétend pas raconter une histoire, alors. Parce que si je pense que le film I’m endless like the space souffre de pas mal de défauts et que j’aurais du mal à le recommander dans l’absolu, il m’a marquée, d’une façon ou d’une autre. Alors que Copenhagen Cowboy, j’ai dû aller chercher sur Google le titre de la série et il ne me reste que des bribes. Et je pense qu’à présent que j’ai écrit cet article, je vais juste oublier cette série. A part, peut-être, deux ou trois plans esthétiques car oui, la série est belle. Mais si l’esthétique et la narratologie ne matchent pas, moi, j’ai juste l’impression de perdre mon temps. Exactement comme la série Arès qui avait beaucoup soigné son esthétique “tableaux néerlandais” mais oublié de nous raconter une histoire intéressante. 

Nina

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