Raconte moi des histoires

Pour bien raconter les histoires, il faut aussi savoir les écouter

Le Pinocchio de Del Toro ou comment refaçonner une oeuvre

C’est mercredi, c’est jour des enfants ! Alors pourquoi pas un petit Pinocchio des familles ? C’est bien Pinocchio, ça apprend aux enfants qu’il ne faut pas mentir et que si tu vas au cirque plutôt qu’à l’école, il va t’arriver des embrouilles. Bon, certes, Pinocchio, c’est pas mal fasciste dans l’esprit. Quoi ? SI vous me croyez pas, je vous renvoie à Bolchegeek et à Contes à rebours. D’ailleurs, matez tous les contes à rebours si vous ne connaissez pas. Mais justement, ici, le Pinocchio qu’on nous présente prend un virage à 180° vs le matériel de base et ça, ça m’intéresse grandement.

Un pantin dans une Italie fasciste

Je ne vais pas vous résumer l’histoire de Pinocchio, je pense que vous la connaissez. Au moins à travers le Disney. C’est comme ça que je la connais, hein. Même si je l’ai pas revu depuis bien 35 ans et que j’ai un souvenir imprécis. Ici, cependant, on va ancrer Pinocchio dans l’histoire réelle avec les débuts du fascisme, Mussolini et puis finalement la guerre. Et d’ailleurs, exit l’Ile des plaisirs où Pinocchio boit et se drogue (environ), le petit garçon va se retrouver dans un camp d’entrainement pour enfants. Bref, Pinocchio est passé d’un conte fasciste à un conte qui critique justement ce fascisme. Même si c’est franchement pas le coeur du récit, on va surtout parler de relation père-fils et de la volonté de rester fidèle à soi-même quand on ne correspond pas à ce que la société attend de nous. La présence de La mèche est intéressante par rapport à ça puisque ce petit garçon va essayer de se conformer à ce qu’on attend de lui.

Pinocchio et La Mèche

Dépoussiérer un monument culturel

Je trouve ça assez courageux de s’attaquer à un conte que tout le monde connaît et empreint d’un imaginaire très précis. Si je vous dis Pinocchio, vous pensez instantanément à la version Disney parce qu’on a grandi avec elle. Et que pendant des années, on ne nous a proposé aucune version alternative. Comme la plupart des Disney d’ailleurs puisque soit on a droit à des live-action identiques à la scène près au dessin-animé… et j’ai toujours pas compris l’intérêt. Soit on va sortir de la ligne pour proposer une version plus dark mais en gardant une certaine cohérence graphique. Je pense notamment à Maleficient où Angelina Jolie se retrouve avec les cornes de la méchante Reine de La Belle au Bois dormant. Par contre, j’ai pas vu le film donc je n’ai aucun avis. Mais Pinocchio, à part la version de Begnini que je n’ai pas vu puisque tout le monde s’accordait à dire que c’était nul… Ah et j’ai eu droit à la version communiste avec Bouratino, offerte à l’époque avec un lot de VHS.

Un Pinocchio facétieux

Mêler mythe connu et thèmes récurrents

Du coup, Pinocchio, il y avait un monument un peu inébranlable sur cette histoire. Un monument plutôt dépolitisé, qui se passe on ne sait trop où avec une jolie fée et qui expliquait que si t’étais sage, à la fin, tu avais une récompense. La fée bleue, c’est le Père Noël, quoi. Evidemment, Disney a sorti sa version live cette année et apparemment, c’est nul. Mais voilà Del Toro qui arrive et qui va proposer quelque chose de différent. En reprenant un mythe connu, il va y coller ses thèmes récurrents. Comme il le dit lui-même “tous mes films parlent de mon père, celui-ci ne fait pas exception”. D’ailleurs, si vous regardez Pinocchio, je ne saurais trop vous conseiller le making-off qui va avec. Ca m’a relancé mon envie de diorama. Qui n’a jamais besoin de beaucoup pour revenir, certes. 

Del Toro sur le tournage de Pinocchio

Un pantin fort turbulent

En fait, il va pas mal déconstruire l’imagerie autour de Pinocchio. On avait l’habitude d’un pantin hyper réaliste ? Ici, on aura un petit garçon en bois façonné une nuit d’ivresse donc rigoureusement simple et un peu imparfait. Pinocchio est un personnage naïf ? Ici, il est candide puissance 1000 mais turbulent comme jamais. Mais avec un sens de l’amitié extrêmement développé. Espiègle, désobéissant, menteur, gourmand. Un vrai gamin, quoi. Un enfant de la vraie vie, j’entends, pas ces versions policées et souvent insupportables des séries, films ou même pubs TV.  Et puis le Pinocchio de Del Toro prend pied en plein dans l’histoire, resitué dans la période qui a vu naître ce personnage mais avec le recul historique que nous avons aujourd’hui. Pinocchio sort dès lors du simple conte enfantin pour nous offrir une fable qui parle tant aux enfants qu’aux adultes.

Pinocchio est un enfant turbulent

Chacun sa vision de la fable

En vérité, j’aime assez bien qu’on bouscule les monuments narratifs. J’en parlais pour Starmania qui, en reprenant le livret de base et en réarrangeant l’ordre, nous raconte l’histoire de façon différente. Un jeu d’éclairage qui bouscule un monolithe que tu pensais inamovible. On pourrait me rétorquer qu’on n’est pas obligé de reprendre une histoire connue de tous pour faire cette histoire mais si. Parce que Pinocchio a été imaginé d’une certaine façon par son auteur, avec ses thématiques à lui. Mais une oeuvre a l’éclairage de son audience. Dès que tu la publies, ta fiction ne t’appartient plus, souviens-toi. Del Toro nous propose ici une double expérience. D’abord écouter une histoire mais aussi redécouvrir une fable que l’on croyait connaître par coeur. Tu croyais que Pinocchio parlait du fait qu’il fallait être sage et obéissant ? Moi, j’y ai vu un autre message, regarde. Bon, il y a la troisième expérience de cette esthétique géniale et du travail époustouflant des marionnettistes mais c’est un autre sujet. 

Guillermo Del Toro pensif

Jusque là, Pinocchio, je m’en foutais un peu

Je n’avais, jusqu’à présent, que peu d’attache à Pinocchio. Un dessin-animé de mon enfance que je mettrais au même rang que Dumbo. C’était cool mais je ne ressens ni nostalgie ni envie particulière de le revoir. Peut-être un jour avec mes neveux-nièces mais moi, toute seule, non. Mais cette version change un peu la donne. J’ai aimé ce doux dépoussiérage. J’ai aimé les thématiques de ce film, ce plaidoyer pour rester qui l’on est. E

t tant pis si on n’est pas adapté aux circonstances. J’ai même eu un peu de poussière dans l’œil à la fin. Il est culotté de s’attaquer à un mythe ultra-connu. Surtout quand celui-ci a fait l’objet d’une adaptation Disney qu’on a tous vu et qui a ancré notre imaginaire. Il est encore plus culotté de sortir du chemin tracé par ce dessin-animé pour nous raconter la même histoire mais autrement. Ca peut heurter. Mais finalement… Tout ça pour dire : regardez Pinocchio de Del Toro. Et croisons les doigts pour qu’il gagne l’Oscar du meilleur film d’animation. Et je suis dégoûtée qu’ils soient pas nommés pour les meilleurs effets spéciaux parce que j’aurais aimé une récompense pour ces marionnettistes de génie. 

Nina

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