J’ai des marottes passagères. En ce moment, ça me titille d’apprendre l’espagnol. Pourquoi ? Parce que j’adore entendre cette langue, chaque mot semblant être une forme de revendication. Un phrasé empreint d’une fierté. Je suis entrée dans ma phase “espagnole” avec l’improbable chanson Europa de Monica Naranjo. Monique Orange dans la langue de Jul, oui. Chanson qui m’a aussi décidée à m’intéresser aux chansons de l’Eurovision parce que je trouve qu’elle a le potentiel pour y participer et au vu des commentaires sur Youtube, je suis pas la seule à y avoir pensée. Mais trève de digression, aujourd’hui, parlons de la série Sagrada Familia.
Une famille pleine de secrets
L’histoire. Dans un quartier résidentiel de Madrid, Gloria, une femme quadragénaire, vient s’installer avec son bébé et sa jeune fille au pair, Aitana. Peu après, une autre famille débarque : il s’agit de Germàn et Caterina, eux aussi accompagnés d’un jeune bébé. Mais on découvre très vite que ces deux-là sont des sortes de détective privés qui traquent Gloria. Qui s’appelle en vérité Julia et qui a débarqué à Madrid avec sa fille Mariana, jouant la jeune fille au pair, et son fils Eduardo enfermé dans le sous-sol de la maison. Que cache Julia et ses enfants ? Qui est le troisième fils que l’on voit dans le générique ? On va découvrir tout ça au fur et à mesure de la série. D’autant que Mariana et Eduardo ont envie de vivre leur vie, loin de l’autorité maternelle.
Un créateur entre l’Espagne et le Mexique
La série a été créée par Manolo Caro, réalisateur mexicain qui a fait ses études à Madrid. Ses oeuvres réalisent très souvent des ponts entre ces deux pays comme La casa de las flores qui se passe au Mexique avec des personnages vivant en Espagne ou Quelqu’un doit mourir qui se passe en Espagne avec des personnages mexicains ou revenant du Mexique. J’avais adoré ces deux séries sans savoir qu’elles étaient du même auteur. Même si on retrouvait l’actrice Cecilia Suarez qui lance d’ailleurs l’intrigue de Sagrada Familia. J’avais particulièrement aimé La casa de las flores que j’avais trouvé très sarcastique même si j’avais un peu moins adhéré à la saison 03. Mais en comparant ces trois oeuvres, on commence à voir se dessiner un certain tableau.
Le petit dernier aime les garçons
Tout d’abord, on a systématiquement un fils héritier homosexuel. Ou juste bi pour Julian dans La casa de las flores. Une homosexualité active mais vécue dans l’ombre de la mère. Quand je dis active, Caro n’est pas avare en scène de sexe même si, dans Sagrada Familia, les deux saisons nous offre un passage “scène croisée” de sexe impliquant Mariana et Eduardo, les deux jumeaux, sur de la musique. Et je mentionne que sur la saison 02, il a choisi la chanson “Good bye” d’Apparat. Qui est super, je l’ai dans ma playlist mais… n’est-ce pas étrange de choisir le titre générique d’une série qui a cartonné sur Netflix (Dark) quand tu te retrouves diffusé sur la même plateforme ? Oui, je sais, j’ai dit que le choix de la musique était signifiant pour un.e auteurice, quel que soit le support. A noter également que sur la saison 01, c’est une version planante de Voyage voyage et que dans la scène de cul de la saison 02, Mariana pratique un anulingus à son partenaire. Et je trouve intéressant de poser là une pratique qui peut sonner “gay” pour des hétéros à la masculinité fragile.
Une mère autoritaire
Autre thème que l’on retrouve systématiquement, c’est celui de la matriarche. Les personnages maternels sont très forts dans ces fictions. Dans Sagrada Familia, il n’y a, de toute façon, quasi pas de figure paternelle. Julia élève seule ses enfants, le père de Lorenzo, fils de Bianca, n’est quasi jamais là et est rejeté par son fils. Quant à Caterina et German, ils ne sont pas les vrais parents de leur bébé. Seul Pedro, le mari d’Alicia, souhaite ardemment devenir père… alors que sa compagne est stérile et peu intéressée par la maternité. Une inversion des rôles plutôt bienvenue dans une série où les mères sont des figures très fortes. Et très autoritaires puisque leur volonté de faire le bien de leur enfant peuvent les pousser au pire.
Des filles étouffées par leur mère
Il y a d’ailleurs un antagonisme fort entre la mère et la fille. Dans La casa de las flores, Paulina connaît le secret de son père et l’aide au cabaret tandis qu’Elena a choisi de fuir sa famille en s’installant aux Etats-Unis. Dans Sagrada Familia, la relation d’amour-haine entre Mariana et Julia est un véritable moteur pour faire avancer l’intrigue, tandis qu’Eduardo reste soumis à sa mère, même dans les plus grands moments de doute. C’est aussi ça, le coeur des intrigues Caro : ce moment où un enfant finit par sortir des jupes de sa mère pour devenir un individu à son tour. Totalement indépendant. Le fait que Mariana essaie de sortir régulièrement du rôle d’Aitana et tente de s’enfuir est assez symptomatique de ça.
Toutes les familles ont leurs secrets
Mais, évidemment, la marotte de Manolo Caro, ce sont les secrets de famille. La casa de las flores commence par le suicide de la maîtresse du père. On découvre alors qu’il avait une fille illégitime et… un cabaret transformiste qu’il avait également appelé “La casa de las flores”. Sans doute pour faire chier son épouse quelque peu castratrice et obsédée par son magasin de fleurs. Dans Sagrada Familia, les secrets n’explosent pas en début de série. On va rapidement découvrir les identités de Gloria, Aitana et le fils caché dans la cave mais comment on en est arrivé là… Ca, on ne le découvrira qu’au fur et à mesure du récit. Des rebondissements et révélations qui ne cesseront pas, jusqu’à la dernière scène de la dernière saison où l’on découvre les prémices d’un nouveau mensonge.
Une esthétique marquante
Bref, une série assez étrange avec une esthétique assez marquée. Car Caro aime les gueules, y a pas à dire. Les couleurs sont vives, les motifs assez improbables, quelques compositions qui frappent l’oeil. Deux saisons que j’ai avalées sans m’en rendre compte avec cette envie : apprendre l’espagnol et organiser un Spain tour en train pour de prochaines vacances. Olé !