Il était une fois une petite écrivaine du dimanche qui abandonna un manuscrit de 340 pages car soudain, ça coinçait. Pourquoi le méchant était méchant, en fait ? Quel était le but de ce grand antagoniste de l’ombre ? Et bien mes scrupules, Auteur de Best Seller ne les a pas eus. Car alors que la fin du roman approche, on a droit à la scène classique “le grand méchant se réveille et dévoile toute l’histoire de son point de vue”. Ah oui alors, c’était quoi la motivation du grand méchant ? Et bien… j’ai rien compris.
Le tueur froid agit pour une éminence grise
Petit résumé des épisodes précédents pour ceux qui n’auraient pas suivis. On a un Tueur froid dans la pampa qui tue tout le monde. Enfin sauf les jolies filles. Soit il les rate, soit il leur raconte sa vie, permettant au preux chevalier de sauver la demoiselle en détresse. Durant tout le roman, les motivations de Tueur froid sont assez obscures, ce qui permet au roman de se dérouler puisque les flics galèrent un peu à le retrouver. Mais on comprend à un moment que le Tueur n’est pas seul. Oh non. Il agit pour le compte d’une éminence grise.
Oh oui, une éminence grise !
Très honnêtement, ça doit être mon côté “j’ai grandi avec X-files” mais j’adore les éminences grises. Y en avait une dans Technopolis, d’ailleurs… Celui-là même que j’ai abandonné parce que finalement, je voyais pas trop pourquoi il agissait comme il agissait. Les éminences grises, c’est toujours chouette parce que souvent, ça touche aux complots d’Etats ou aux sociétés secrètes. Et ça fait partie de mes petits kinks… Kinks fictionnels, hein. C’est parfois un peu grossier, certes. C’est un grand truc de dystopie, ça. Niveau complot dans le complot, on ne fera jamais aussi poussé qu’Un bonheur insoutenable, je crois. Quoi que Logan’s run en avait un peu mal aussi. Hunger Games également, Silo, Divergente, Le labyrinthe… Ah oui, tu m’étonnes que j’aime bien les dystopies. Donc moi, l’éminence grise, j’achète à fond. Sauf que… Bah il lui faudrait une motivation un peu crédible.
Surprise, c’est moi le grand méchant !
Revenons à notre roman Une quelconque aventure. On approche de la fin du roman. Tueur froid est neutralisé mais toujours en vie donc il commence à pérorer
“Ahlalalalala, vous n’avez aucune idée à qui vous vous frottez. C’est pas moi le grand méchant, en fait !
– Ah ouais ?
– Hé ouais !”.
En parallèle, on a la jeune fliquette en pleine anémie du fait qu’elle s’est pris un couteau dans la poitrine qui reçoit la visite d’une autorité quelconque et là, révélation ! C’est l’autorité quelconque, l’Eminence grise ! Alors je vous cache pas qu’en tant que lectrice, j’étais moyennement surprise. D’abord parce que Tueur Froid savait beaucoup trop de choses de type secret d’Etat qu’il n’avait pas moyen de savoir par un autre biais. Que le policier ténébreux s’était posé une question sur les actes de Tueur Froid qui te propulsait directement sur la bonne piste. Et puis surtout, l’auteur ayant tué pas mal de persos plus ou moins secondaires, la liste des suspects était réduite à à peu près un. C’est dommage parce que moi, j’avais une meilleure idée pour l’Eminence grise mais on ne m’a pas demandé mon avis.
C’est l’heure de révéler le Grand Plan de Grand Méchant !
Bref, on est partis pour une double scène de révélation. D’un côté Tueur froid et de l’autre, l’autorité quelconque qui raconte son plan machiavélique. Je vous jure, il ne manque plus que les “ahah” tonitruants. Alors je ne peux pas vraiment vous dévoiler son plan parce qu’à ce niveau-là, autant donner direct le titre du livre. Livre que je ne déconseille pas vraiment, je le rappelle. Il y a juste quelques points bancaux dont le Grand Méchant qui est nul et sa motivation si alambiquée pour rien. En gros, il a fait des coups tonitruants pour pouvoir réprimer un groupe dont tout le monde ignore l’existence sans que ça choque l’opinion publique. Hein ? Mais puisqu’on ne sait pas qu’ils existent, tu aurais pu faire ton coup discrétos, non ? Et puis pourquoi une telle complexité ? Pourquoi avoir tué tant d’innocents pour ton plan ? Pourquoi Tueur Froid ne t’a pas dit clairement que c’était de la merde ? Je veux dire si tu es prêt à tuer des gens pour te débarrasser d’une poignée d’individus… Bah fais les tuer directement ? Non ?
Un plan tellement compliqué…
Même la jeune fliquette, elle se rend bien compte qu’il est en toc, le Grand Méchant. “Vous êtes intelligente, rejoignez-moi !”. Bah, franchement, non. Oui, je te comprends, jeune fliquette. Non parce que vraiment, le plan, c’est
- j’organise un immense événement de portée mondiale autour duquel je fais le buzz pendant des mois
- je tue des gens lambdas pour faire monter une fausse menace terroriste
- je fais en sorte qu’un groupe dissident dont personne n’a connaissance se pointe à l’événement mondial.
- J’annule l’événement mondial à la dernière minute ou presque mais le groupe dissident ne pourra pas savoir car il vit plus ou moins déconnecté
- Je les capture, je les mets en prison où ils croupiront jusqu’à la fin de leurs jours sans que personne n’ait jamais connaissance de leur existence, ahahah !
Sachant que le Grand Méchant sait où se tapit le groupe dissident qui vit sa vie en marge de la société. Non, vraiment, j’ai beau retourner dans tous les sens : la motivation du Grand Méchant est pétée et son plan moisi. La jeune fliquette doit lui sortir un classique “Mais vous êtes fous !” (oh oui !) mais assez justifié, finalement.
Si y a pas de bon pourquoi, oublie
Bref, Une quelconque aventure est un roman assez typique du “j’ai une bonne idée d’univers mais je sais pas trop quoi en faire”. Parce que oui, l’univers créé est cool et il s’agit effectivement d’une très bonne idée. Mais les personnages sont assez vite caricaturaux et vraiment, le pourquoi du comment de toute cette histoire m’a un peu fait vriller. Mais ça fait toujours de bonnes leçons à retenir. Moi, c’est désormais mon premier travail préparatoire avant de me lancer dans l’écriture : pourquoi les personnages agissent comme ils le font. Et si la seule réponse, c’est “parce que sinon, y a pas de film” ou de livre, ma foi… C’est que l’idée n’est pas si ouf. Ou qu’éventuellement, ça peut se glisser en nouvelle ou une histoire dans l’histoire.
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