Aujourd’hui, c’est samedi ! Et vous savez ce que j’aime faire ? Paresser ! Ce qui est drôle, c’est que je publie cet article pile un samedi sans paresse puisque je me suis levée à l’aube pour prendre le train. Mais tel n’est pas le sujet, non, non. Aujourd’hui, on va parler d’un cliché qui fait beaucoup rigoler mais qui continue d’envahir nos fictions : le réveil en sursaut. Le truc, à chaque fois, on se dit “non mais personne ne se réveille comme ça”. Et pourtant, et pourtant… Alors, j’ai décidé d’en parler. Pourquoi ce cliché perdure ? Paresse d’écriture, convention ou dramaturgie ?
Tremble pour le personnage !
Les fictions aiment nous perdre. C’est la règle. On veut nous placer dans un vrai roller coaster émotionnel. Il faut que l’on tremble pour les héros et héroïnes que l’on suit. Il nous faut du suspense, de la tension. Dans le cas de séries, en plus, faut gérer les cliffhangers de fin d’épisode. Alors oui, des fois, y a de la triche. Déjà les jumpscares à base d’animaux. Genre cette scène dans Robin des Bois avec Kevin Kostner qui m’a toujours mis les nerfs avec Marianne, seule, la nuit, qui erre dans son château sombre et là, t’as un chat des enfers qui saute sur son bureau en lâchant un feulement improbable. Tiens, je vais écrire un article sur les chats dans les fictions parce qu’aucun chat ne fait ça dans la vraie vie. Quoi que la mienne, actuellement sourde et toute petite, se met parfois dans un recoin et hurle quand je passe pour réclamer des croquettes. J’ai manqué un battement de coeur ou deux à chaque fois. Bref, le jumpscare, on aime ou pas (j’aime pas) mais avouons que pour te mettre les nerfs en pelote, ça fonctionne.
Les hallucinations pour créer de fausses scènes
Et puis il y a les visions hallucinatoires. Ici, on peut mettre en vrac les hallucinations, les fantasmes et les rêves donc. Un petit exemple de fantasme dans ma désormais série préférée “The Penthouse”. Que j’ai finie, je suis orpheline. Bref, à un moment, le Docteur Ha découvre que sa femme, Seo-jin, le trompe avec Dan-Tae. Il se rend donc à la villa qui abrite leurs amours. Le docteur Ha réapparaît quelques heures plus tard chez Yoon-Hee, les mains pleines de sang. La série nous fait donc un flashback, on voit le bon docteur prendre un fusil, surgir dans la chambre où ça hurle dans tous les sens et il tire une balle dans la tête des deux amants. Quoi ? Pardon ? Il a tué Seo-jin et Dan-Tae ? Ah non, il a fantasmé le faire et a tabassé le mur à la place. On parlera de masculinité toxique dans les séries coréennes un autre jour, c’est pas le sujet. Ahah, tu nous as bien eue, série. Cette série joue pas mal sur les phobies d’impulsion. Comme Yoon-Hee qui s’imagine pousser une gamine de 16 ans dans les interminables escaliers des quartiers résidentiels de Seoul.
Le cauchemar, pourquoi pas mais…
Et puis y a le rêve, donc. Ou plutôt le cauchemar. En général, l’occasion de caler une scène étrangement réaliste où le personnage se fait tuer ou voit un de ses amis se faire massacrer. Une scène terrible qui se termine par un réveil en sursaut et en sueur. Mais… Alors point un : pourquoi pas, le cauchemar. Ca permet de mettre des images sur l’angoisse du personnage. Même si je trouve que neuf fois sur dix, c’est soit une énorme paresse d’écriture, soit une façon de rallonger discrètement la sauce en glissant une scène assez inutile. Non parce qu’en général, les angoisses du personnage, on les connaît, hein. Surtout dans des fictions où il est question de meurtre, par exemple. Le rêve ou le cauchemar, je l’accepte absolument quand ça part dans des trucs barrés, David Lynch style. Mais le rêve hyper réaliste pour nous faire croire qu’un personnage vient de se faire buter pour enchaîner sur le réveil en sursaut, là…
Les dormeurs de cinéma sont très agités
Comme je disais dans l’intro de l’article, c’est souvent ridicule car personne ne se réveille comme ça. Surtout la version où le personnage se retrouve assis sur le lit, haletant. Eventuellement un petit grand angle sur sa gueule pour accentuer l’effet. La seule fois de ma vie où c’est arrivé, c’est l’époque où j’avais des visions au réveil. Et donc une fois, ma vision, c’était un mec assis au pied de mon lit qui me regardait en souriant. Oui, là, j’ai crié et je me suis assise sur mon lit en panique. Et encore, j’écris ça, je vivais seule à l’époque donc j’ai peut-être pas tant surréagi que ça. Mais dans les fictions, les rêves agitent énormément le dormeur. Ce qui permet d’introduire un autre point. La personne qui partage la couche du dormeur agité et qui devine donc que quelque chose lae tracasse. Yeah, bien joué Sherlock ! Ca aussi, c’est déconcertant de facilité scénaristique. Dans la vraie vie, on peut tout à fait faire des cauchemars sans que ce soit lié à un secret terrible. Moi, j’ai passé l’été à rêver que je commençais un nouveau travail et que c’était absolument nul. Version vraiment cauchemar, c’est toujours la nuit, y a souvent des ascenseurs flippants et je rate des trucs, j’arrive en retard… De l’angoisse. Mais je ne me réveille pas en sursaut et je n’ai aucun terrible secret. Je veux dire tout le monde sait bien que je suis trauma par le monde du travail. Mais dans la fiction, c’est un indice pour dire “cette personne a un terrible secret”.
Certes, c’est une convention
Après, c’est une convention. La fiction n’est jamais tout à fait fidèle à la vraie vie. Essentiellement parce que la vraie vie, c’est chiant 90% du temps. Enfin, chiant à montrer. Le nombre de fois où j’appelle mes parents le dimanche et que j’ai rien à leur raconter de ma semaine. C’est pas que je me sois fait chier. C’est juste que j’ai fait ce que j’avais à faire et il ne s’est rien passé de notable. Tout va bien, merci. Donc oui, la fiction travestit la vie et lui met un petit supplément d’enjeu et de dramaturgie. Quand on vous explique que le personnage se réveille en sursaut, l’idée n’est pas tant de dire qu’il se réveille que de dire que même la nuit, il ne trouve pas le repos. Qu’il est harcelé par son angoisse. Et que la personne qui dort à ses côtés peut avoir des soupçons quant à un éventuel secret, bla bla bla.
Ok pour le réveil mais le rêve, vraiment ?
Finalement, ce qui me dérange, ce n’est pas tant le réveil en sursaut, cliché qui me fait pouffer comme les meufs qui s’emballent dans les draps après le sexe pour cacher leurs seins. Ce que je trouve de plus en plus paresseux, c’est l’utilisation du rêve. Niveau écriture facile et rebondissement cheapos, ça se pose là. A part de très rares exceptions et à part si on part dans un trip Lynchien, c’est juste une astuce pas chère pour nous raconter une histoire qui n’existe pas mais nous faire croire pendant quelques secondes que si, si, tel personnage est mort. Sauf que souvent, la ficelle est si grosse que j’ai l’impression de voir un enfant qui se cache mais donc je vois parfaitement les pieds sous le rideau. J’ai compris ton astuce, j’achète pas.
Moralité : laissez vos personnages dormir tranquilles. Ils ont besoin de se reposer avec toutes les dingueries que vous leur faites vivre dans vos fictions.
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