Raconte moi des histoires

Pour bien raconter les histoires, il faut aussi savoir les écouter

Parce que sinon, y a pas de film

Je m’étais noté de faire un article sur le sujet depuis ouhlala. Mais ça y est, je me lance ! Ayant un peu plus de temps à consacrer au matage de fictions qu’à l’accoutumée, comme vous l’aurez peut-être noté sur ce modeste blog, je note pas mal de… mmm… incongruités de la part de certains personnages. Vous savez, ce moment où vous dégustez tranquillement une fiction et soudain… Y a un truc qui vous agace. Vous criez au personnage de ne surtout pas faire ce qu’il est en train de faire car… c’est très con, ça va provoquer des catastrophes. Et surtout ça n’a aucun sens. Ca fait sortir de l’histoire car le comportement est incompréhensible et ne se justifie que par un seul truc : parce que sinon, y a pas de film.

L'exaspération des décisions stupides des personnages motivés par le seul "parce que sinon, y a pas de film"

Les personnages font n’importe quoi pour faire avancer le scénario

Alors je parle de film parce que j’ai piqué un peu l’expression à Ratelrock qui démonte je ne sais plus quel massacre à la tronçonneuse car le scénario est débile. Les personnages agissent en dépit du bon sens mais le font “parce que sinon, y a pas de film”. Je me suis déjà agacée du fait que certains scénaristes jouent sur la stupidité des personnages pour faire avancer une action. Typiquement tout le scénario des saisons 1 et 2 de la Casa de Papel. Je ne suis pas allée au-delà donc je ne sais pas si ça s’est amélioré après… Mais on me vend une série avec un casse incroyable réalisé par un pur génie du cambriolage. Le mec est tellement un génie qu’il constitue une équipe des pires bras cassés de l’univers, des têtes brûlées incapables de réfléchir par eux-mêmes. On peut même pas lui accorder qu’il ne les connaissait pas tant que ça. Son bras droit est un ami proche… et aussi un putain de psychopathe violeur mais hé, qu’est-ce qu’il pourrait mal se passer ? Tu rajoutes à ça que le mec s’offre une amourette avec l’inspectrice chargée de l’enquête pour aucune raison, ce qui le compromet d’autant plus. Tu parles d’un génie… Et tout ça pour quoi ? Parce que sinon, y a pas de film !

Casa de Papel et ses personnages qui font n'importe quoi

Il faut donner aux personnages une raison crédible d’agir

J’ai découvert en me plantant assez violemment que le pourquoi est une question essentielle dans le process d’écriture. Evidemment, dans la vraie vie, tout le monde n’agit pas avec la plus grande rationalité. Mais la narration demande un effort à celui qui la reçoit. L’effort d’adhérer au propos. Actuellement, l’offre narrative n’a jamais été aussi importante. Les séries poppent encore plus vite que les champignons dans mon bac à fraisier. Avec certainement une baisse de qualité mais c’est pas mon sujet. Si un pilote ne me convainct pas, je lâche l’affaire. Même si je donne parfois trop de chances aux produits genre j’ai regardé toute la saison 01 de Resident Evil, là… On en reparlera. Alors vous allez me dire que Casa De Papel que je passe trop de temps à défoncer, ça a marché. Peu importe que les gens agissent juste pour faire avancer l’intrigue, en dépit du bon sens. C’est vrai. Et ça me navre beaucoup. Quoi que j’ai presque envie de mater la version coréenne pour voir s’ils ont corrigé deux ou trois trucs. Genre viré Tokyo parce que, elle, vraiment, je la détestais de toutes les fibres de mon être de téléspectatrice. Surtout que pardon mais d’où c’était pas Nairobi, l’actrice principale ? Son personnage était bien plus intéressant et presque un peu réfléchi.

Tokyo version espagnole et version coréenne
Et bien raté…

Ou alors on s’en fout de la vraisemblance

Finalement, quelle est la tolérance au “parce que sinon, y a pas de film”. Peut-être que les gens s’intéressent au peu à la vraisemblance tant que ça suscite de l’action et du suspense. Ah oui, Casa De Papel, c’est bourré de clichés, notamment avec l’accident qui empêche la révélation. Tu sais que chaque indice trouvé va être désamorcé. Qu’à chaque fois que le Professeur a chaud au cul, il va s’en sortir par une pirouette parfois un peu pétée. Mais ça t’amène à vouloir découvrir comment il va s’en sortir. Je tire à boulets rouges sur la série mais j’ai regardé les deux premières saisons quand même. Essentiellement pour savoir comment ça finit mais combien de séries n’ont même pas réussi ça ? Il y a certes du contexte. Par moment, dans ma vie, j’ai pas forcément envie de réfléchir plus que ça. Je veux de la série tambour battant. Comme Manifest ou Zoo. Ce dernier aussi a peu de sens et j’ai quasi oublié la moitié des plots tellement c’était osef. J’ai fini par abandonner quelque part dans la saison 04 parce qu’à force de faire autre chose en même temps, je pinais plus rien. Ah tiens… Y aurait pas un truc, là.

Zoo, une série netflix débile

Peut-être que la fiction veut juste vous divertir et le reste importe peu

Il y a deux types de fictions. Je parle parfois de mon rapport aux fictions. Celles qui me hantent comme Dark, Lost, After Yang. Pas par leur perfection, non. Mais elles suscitent quelque chose. Et pas que de l’agacement, je veux dire. Même Lost. On critique beaucoup le reveal final qui a déçu de nombreux téléspectateurs (moi-même…) mais on n’est pas au niveau catastrophe industrielle de Game of thrones, il me semble. Il y a une prétention aussi. Il y a des fictions, leur but, c’est juste de vous divertir. Monte dans la voiture, je t’amène en voyage ! Comme Zoo, par exemple, que j’ai vaguement regardé et dont je ne me souviens guère mais la série ne m’a jamais semblé proposer autre chose. Casa De Papel, pour le coup, j’ai l’impression que c’est la promo et le buzz qui m’a raconté une toute autre histoire. Moi, je croyais qu’il y avait de la lutte et de la révolution, là-dedans. On y chante Bella ciao, quand même. J’ai cru à un nouveau Mr Robot sauce espagnole où on fait péter le système en s’attaquant à la Banque centrale. Ouais, imaginez ma déception. Casa De Papel, c’est juste une histoire de cambriolage avec des gens idiots et plein de rebondissements.

Mr. Robot et son masque emblématique

J’aurais pu accepter le manque de logique s’il n’y avait pas eu malentendu

Et au fond, on peut accepter ça. Mes souvenirs de Casa De Papel commencent à s’effacer et j’aurais certainement plus accepté ces énormes ficelles et faiblesses d’écriture si ça m’avait été vendu comme “simple fiction divertissante”. Si c’est juste du spectacle, je peux accepter les “sinon y a pas de film”. Si la montagne russe est suffisamment bien gérée, je vais pas me poser de questions existentielles dans les moments de ralentissement. Après, j’aimerais qu’on prenne un peu moins l’auditeur, spectacteur, lecteur pour un con. Qu’on soigne un peu plus les histoires. Mais puisqu’on est à l’ère de l’abondance fictionnelle, est-ce que ça a vraiment une importante. On s’avale les 4 (5?) saisons de Casa de Papel, on enchaîne sur autre chose et restera ce qu’il restera. Tant pis si les personnages agissaient uniquement pour faire avancer l’intrigue. Après tout, on a bien fait 9 films Fast & Furious où les voitures défient les lois de la physique juste pour le spectacle, alors…

Nina

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