Maintenant, on va sauver le side kick rigolo. Vendredi, je suis allée voir Mario. Oui, le film et c’était tout à fait sympathique. Bon, si on ne connaît pas l’univers Mario, le fan service peut être un calvaire mais sinon, c’est sympa. Il y a cependant un élément narratif que je trouve très intéressant et dont j’avais envie de parler ici : la fin de la demoiselle en détresse. Et oui, on est en 2023, les princesses n’ont plus besoin d’un plombier potelé pour se défaire d’une énorme tortue à la carapace hérissée de piques en métal. Une créature fort étrange quand on y pense… Et je trouve ça fort intéressant.
Le but, c’est de sauver la princesse
Mario, à la base, c’est quoi ? Un mec qui va régulièrement sauver une princesse kidnappée par un Monstre ayant quelques velléités amoureuses vis-à-vis d’elle. Ce n’est certes pas toujours le cas. Parfois, tu sauves un Royaume ou tu te bats contre ton double maléfique. Parfois d’ailleurs, tu peux jouer la-dite princesse qui, grâce à sa robe, peut planer un peu. Mais l’essentiel des jeux consiste à sauver Peach. La demoiselle en détresse. Même si dans Mario Galaxy, j’ai l’impression que d’être prisonnière de Bowser la fait beaucoup rire. Bref, c’est la base de nombreux jeux vidéos de notre enfance : faut sauver la princesse.
Les filles se bagarrent aussi
Cependant, si la princesse est en mauvaise posture et reste enfermée dans le rôle de demoiselle en détresse en puissance, elle devient de moins en moins passive. Fini la pauvre prisonnière qui attend en haut de son donjon, parfois endormie pour de longues années. Dans le Zelda Breath of the wild, elle s’est mise en sommeil pour essayer de contenir le pouvoir maléfique de Gannon. Tout comme dans Skyward Swords, d’ailleurs. De la même façon, la princesse n’est plus une récompense pour le héros. Dans Mario Odyssée, à la fin de l’aventure, Peach refuse d’épouser Mario, préférant parcourir le monde. Seule. Oui, je joue essentiellement aux Mario et aux Zelda. Et un peu aux Final Fantasy où la demoiselle en détresse tatane du monstre comme les autres.
La princesse n’est plus une récompense
Dans le film Mario, on rebrasse carrément les cartes puisque la demoiselle en détresse, c’est carrément Luigi. Luigi qu’il faut déjà régulièrement sauver dans Mario galaxy pour choper des étoiles. Mais Luigi qui sauve Peach et Mario dans Luigi’s mansion. On dirait qu’ils ont une roue des personnages qui détermine qui doit être sauvé par qui… Et c’est drôle parce que dans le film, Mario, il ne calcule pas particulièrement Peach. Y a une vanne à un moment en mode “hé, tu la dragues ?” et Bowser est jaloux car amoureux de Peach. Mais clairement, Mario ne voit en Peach qu’une façon de sauver son frère. C’est son seul but et il n’a pas le time pour le reste. La princesse n’est pas un lot pour le héros.
Une princesse d’un nouveau genre pour la génération qui arrive
Et je trouve ça assez cool. Je ne pense pas que ça offusque qui que ce soit pour commencer. Ou alors faut penser à aller consulter, là. Mais surtout ce film s’adresse quand même à un public jeune. Et aux fans de Mario comme moi. C’est gentil, les protagonistes sont assez bien caractérisés, ils agissent pour des raisons assez claires. Je pense notamment à Donkey Kong qui aurait pu être un antagoniste de passage mais qui a une dimension psychologique qui entre en écho avec celle de Mario et éclaire d’autant plus ses motivations. Oui, c’est bourré à ras bord de clin d’oeil aux jeux mais ça passe vu qu’on est dans l’univers Champignon et si tu n’as pas toutes les refs, t’es pas largué, je pense. Et ça me réjouit que dans une fiction destinée à un jeune public, le personnage féminin est actif. Et drôlement actif parce que Peach, elle envoie du bois par stères entières.
Les princesses sont badass
De temps en temps, je fréquente mes neveux-nièces et j’ai l’occasion de jeter un oeil sur ce qu’ils regardent vu qu’ils regardent beaucoup… Et leur truc en ce moment, ce sont les aventures d’Arthur et les enfants de la table ronde. Oh ouah. Et autant vous dire que Guenièvre, elle reste pas dans son château à soupirer auprès d’Arthur ou Lancelot. Non, elle range sa tenue de princesse et part à l’aventure avec ses potes. Y a Morgane aussi pour avoir une équipée trois garçons et deux filles. Comme pas mal de séries de notre enfance, certes. Il en fallait bien pour tout le monde et dans le gang d’enfants qui font des trucs, c’était assez mixte. Mais dans mon enfance, les princesses étaient souvent vues comme de petites choses fragiles. Ce qui est faux en plus quand on y réfléchit deux secondes puisque Blanche-Neige n’a besoin de son prince qu’après avoir survécu aux dangers de la forêt. Et Cendrillon se tape tout le travail alors que son prince est incapable de reconnaître son visage. Et même la petite sirène, Belle, Nala, Pocahontas, elles sont pas mal actives, plus que leur prince dans la plupart des cas… Mais la dernière action étant accomplie par le prince, c’est lui le sauveur. Bonjour l’arnaque narrative.
Et c’est pas juste pour les enfants
Je parle de fictions pour enfants où les princesses deviennent badass, j’aurais pu ajouter Elsa dans le lot. Mais finalement, on retrouve ça dans les fictions pour adultes. Genre Game of thrones. Dans Game of thrones, qui sont les demoiselles en détresse ? Daenerys au tout début mais surtout Sansa. Pendant les premières saisons et premiers romans, Sansa est décrite comme faible. Maline mais faible. Elle utilise toute sa politesse et son savoir-vivre pour éviter les ennuis tant que faire se peut. Elle se rebelle peu, sachant qu’elle a plus à perdre qu’à gagner. Si dans le roman, elle n’est pas mariée de force à Ramsey Bolton mais entre les griffes de Little bird, elle déploie peu à peu sa ruse pour se libérer toute seule. Dans la série, elle est aidée par le lâche Theon mais elle finit maîtresse de son royaume. Une reine froide mais qui semble juste. D’ailleurs, Game of Thrones est globalement une histoire de femmes fortes. Les femmes et filles Stark, Daenerys, Cersei, Ella Sand, Melisandre. Même la jeune Margery qui utilise la douceur et sa beauté pour arriver à ses fins. Les hommes semblent plus les pions de ces dames que l’inverse. Inutile de venir me libérer, je me débrouille toute seule, t’inquiète.
La demoiselle en détresse, gros classique des films de super-héros
Mais comment parler du personnage de la demoiselle en détresse sans parler des super héros ? Ca partait plutôt mal, cette décennie, avec une Loïs Lane perpétuellement sauvée par Superman. Oui, ça a toujours été l’histoire de Loïs Lane. C’était même drôle dans la série avec Teri Hatcher et Dean Cain, chaque épisode pouvait se résumer ainsi : « Lois enquête et à un moment, quelqu’un la jette d’un toit ou d’un hélicoptère”. Avec ses improbables vols planés sur fond vert. Mais Loïs se retrouvait dans des situations compliquées de par son courage et sa témérité. Elle est clairement une journaliste exceptionnelle, bien meilleure que Clark. Dans la version Zack Snyder, Clark est effectivement un modeste journaliste mais pour le coup, Loïs se retrouve beaucoup plus dans des situations de demoiselle en détresse. Et elle n’est pas très fine avec cette scène ahurissante où elle va poser comme question à un chef de guerre surarmé “Bonjour, êtes-vous un terroriste ?”. Meuf… Par contre, là où la demoiselle en détresse est atténuée, c’est côté Spiderman. Spiderman, c’est un peu comme Superman : ses petites copines se retrouvent souvent à chuter dans le vide. Y en a même une qui meurt. Si dans le dernier opus, MJ s’offre également une superbe chute libre, elle n’est pas un personnage passif à sauver toutes les trois minutes. Elle s’implique aux côtés de Spiderman pour l’aider tant que faire se peut. Elle quitte le pur rôle de demoiselle en détresse qui ne peut s’empêcher de se mettre en danger pour celui de jolie acolyte.
Les damoiseaux en détresse, par contre…
Alors il y a encore du travail. Si je prends Supergirl, on a beau suivre une histoire de super héroïne, elle se retrouve régulièrement en danger. Alors qu’elle est censée être bien plus puissante que Superman au passage. Mais surtout, il n’y a pas eu de switch sur le damoiseau en détresse. Déjà, dans la série, Kara a assez peu de relations amoureuses. Un petit flirt avec Jimmy Olsen, un amour avec un autre Kryptonien qui est un peu son cousin il me semble. Après, y a un flirt avec un joli journaliste très talentueux mais qui n’ira pas très loin car il sera tué par Lex Luthor. Donc je résume : sur trois histoires d’amour, deux gars finissent par devenir aussi des héros et n’ont plus besoin d’elle et le troisième meurt. Et dans la série, c’est le seul personnage qui n’a pas de relation amoureuse. Les autres trouvent toujours une moitié, même le gars censé être le seul survivant de sa planète, mais, elle, non. D’ailleurs, notons que sur les deux autres héroïnes badass, Alex et Nya, une est lesbienne, l’autre trans en couple avec un extraterrestre chelou.
Les femmes pourraient sauver les hommes normaux ?
J’ai donc l’impression que si on sort du schéma de la demoiselle en détresse, l’héroïne n’a pas droit à son damoiseau en détresse. Les femmes sans pouvoir peuvent être en couple avec des super héros ou des hommes exceptionnellement fort mais l’inverse bloque encore… Et quand ça arrive, il meurt. Comme le joli journaliste ou Steve de Wonder Woman. Mais bon, à l’heure où les princesses deviennent badass, j’ai espoir qu’elles finissent par sauver des hommes normaux. Ou alors je pourrais l’écrire… Même si les histoires de super-héros, moi…
