Raconte moi des histoires

Pour bien raconter les histoires, il faut aussi savoir les écouter

Ecrire sur un sujet qu’on n’a pas expérimenté soi-même

Sorte de contre article sur ce que j’ai écrit samedi sur l’auteurice qui transparaît dans ses écrits. Oui, les écrivain·es aiment parfois profiter de leur écriture pour se mettre en scène dans des fictions diverses et variées, se donnant parfois le beau rôle. Mais parfois, l’envie d’écrire une fiction à mille lieux de nos vies s’en vient. Ca m’arrive régulièrement. Mais quelle légitimité ai-je à parler d’une situation que je n’ai pas expérimenté moi-même ? Parce que si mon audience est, elle, totalement concernée par mon pia pia, ça peut l’agacer que je raconte un peu nawak.

Ecrire sur ce qu'on n'a pas expérimenté

Rêver de Jessica

J’ai fait un rêve. Oui, encore. J’ai rêvé que j’écrivais un roman parlant de Jessica, une jeune quadra qui vient de se séparer et qui a un enfant. Mon histoire tournait donc autour de sa nouvelle vie amoureuse. Une sorte de projet Audrey 15 ans après. D’autant que Jessica a deux amies : une d’environ son âge ultra aigrie et une plus âgée, sans doute quinquagénaire, beaucoup plus sereine quant aux rapports amoureux. Et je me suis réveillée motivée à l’idée de raconter cette histoire.  

Trois amies quadra

Un deuil amoureux avant la renaissance

Je trouvais ça pas mal car j’ai l’impression que c’est pas un sujet si traité que ça. Le célibat, oui. Je me passionne un peu pour les autofictions documentaires sur le sujet, comme les écrits de Judith Duportail ou India Desjardins. J’ai le cœur sur la table qui m’attend dans ma pile à lire aussi. Mais quid des femmes séparées avec enfant ? Parce que le challenge est un peu plus corsé. Outre que certains hommes sont moyen chauds pour élever l’enfant d’un autre, il y a un deuil à faire. Comme toutes les ruptures, certes, mais là, tu ne fais pas simplement le deuil d’une relation mais d’une vie qui devait se passer à trois voire plus… Je veux dire qu’on ne fait pas un enfant un peu par hasard, il me semble. 

Je présume

Et je mets pile le doigt sur ce que je veux souligner. Oui, la phrase précédente un peu naïve et péremptoire est une illustration de ce que je veux souligner. Je ne sais pas pourquoi on fait un enfant. Par envie, ok, mais du coup, tu es prête à en faire un dans un couple trop jeune pour être sûre de ton coup ? Alors, oui, on ne peut jamais être sûre. Parfois, le joli prince se transforme en crapaud sans que tu l’aies vu venir. Et puis la fertilité, c’est pas un truc qui se gère sur excel. Des fois, la grossesse survient par surprise. Bref, je me raconte qu’un enfant ne se fait qu’après la construction d’un couple solide et donc que la rupture est d’autant plus violente. Alors que j’ai des dizaines de contre-exemples dans mon entourage, en plus. 

Enceinte et sereine

Pas d’exemples autour de moi

Les exemples justement, parlons-en. “Découvrant” soudain le sujet de la reprise d’une vie amoureuse à un certain âge avec enfant, je commence à réfléchir aux gens dans ce cas que je connais qui pourraient me permettre de vérifier deux ou trois trucs. Plot twist : j’en ai pas. J’ai soit des gens en couple (avec ou sans enfants) soit des célibataires sans enfant. Oh damned… Bon, il est probable que cette envie d’écrire cette histoire me passe avant que je ne me penche vraiment sur la question mais c’était une bonne illustration de ce que je voulais raconter car… perso, ça m’énerve quand je lis un roman écrit par une personne qui ne sait pas de quoi elle parle. 

L'auteur qui ne sait pas de quoi il parle

Restreindre son univers ?

Alors doit-on se restreindre à ce que l’on connaît ? Laisser les concernés parler ? Tout est relatif mais il faut faire un travail supplémentaire de recherche documentaire ou trouver quelques bêta-lecteurices qui pourront nous dire si tel point est ok ou non. Par exemple, je me pose épisodiquement la question de la paternité ou maternité de mes personnages parce que j’essaie de vieillir un peu mes protagonistes . Hé oui, j’ai plus 27 ans, j’utilise même pas Tiktok et j’ai jamais chassé sur Tinder. Et parfois, ça m’arrange un peu qu’il ait de la marmaille, ça peut être une excellente motivation pour entrer en résistance. Tiens, bon sujet d’article, ça, “le combat d’une mère”. Sauf que des enfants, je n’en ai pas. Mais j’en fréquente suffisamment pour m’agacer quand je croise des enfants irréalistes dans les fictions. Notamment tous les enfants fayots des séries qui aiment fort tout le monde, sont appliqués, serviables… Ou les enfants d’un an qui parlent en faisant des phrases complètes alors qu’en vrai, jamais de la vie. C’est pas grave en soi mais ça crée une petite dissonance qui m’agace. Surtout quand tout le monde s’extasie sur cet enfant alors qu’aucun mioche ne ressemblera jamais à ça, arrêtez.

Un bébé à tête bizarre

Erotisme délirant

Evidemment, le plus étrange dans le “écrit par un non-concerné”, ce sont les scènes de cul. Encore ! Celles écrites par des hommes qui décident de narrer ça à travers le regard de la femme ou qui lui font dire n’importe quoi. Genre dilatée comme jamais, tu sais…  Alors là, ça m’énerve puisque, une nouvelle fois, je vois l’auteur apparaître et je me retrouve dans sa petite séance de fiction porno perso. Laissez-moi, monsieur, je ne vous ai rien demandé. Mais en plus, ça véhicule deux ou trois clichés un peu discutables comme un besoin d’être pénétrée à tout prix, comme si l’orgasme ne pouvait venir d’ailleurs (spoiler : si). Les zones érogènes limitées aux seins et au vagin. Parfois, un clitoris apparaît maiiiiiiiis… Ou ce cliché des femmes qu’il faut brusquer un peu parce qu’elles adorent ça. Ah oui, la culture du viol, on aime fort. 

Scène de sexe gênante

Fétichisation des minorités pauvres

Et évidemment, je vais pas m’attarder sur les fictions qui essentialisent les immigrés (et surtout immigrées) de toutes couleurs dans des “films poignants sur la banlieue” écrits par des bourgeois bien blancs qui n’ont jamais mis le moindre orteil dans une cité. Ah, tous ces jeunes qui n’attendent qu’un·e gentil·le bourgeois·e pour être sauvés de leur misère. Fatigue, fatigue, fatigue. Même si le message véhiculé est souvent gentillet en mode “oui mais y a des pépites en banlieue mais ils ont une vie difficile, tu comprends”. Ok mais si tu veux parler des jeunes de banlieue transfuges de classe… Va leur parler pour commencer ? Oui, non ? Ah. 

Tenor, un film bourgeois

Respectez l’audience

Bref, investiguer un nouveau sujet est forcément stimulant mais il faut se montrer prudent. Ne pas essentialiser selon ses vues, ses envies… Parce que l’audience concernée, elle, ça va vite l’énerver. 

Nina

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Revenir en haut de page