Raconte moi des histoires

Pour bien raconter les histoires, il faut aussi savoir les écouter

L’auteurice qui prend trop de place dans son roman

Sorte de volume 2 de l’article “l’auteurice qui est le héros de son roman” parce que c’est franchement la même veine. Quand on lit un roman, il y a un narrateur, soit actif soit passif. En gros soit on colle à la voix du ou des héros, soit c’est Dieu qui te raconte une histoire sans que l’on sache trop ce qu’il se passe dans la tête des héros. Bon, en général, c’est un peu un mix des deux. Il y a des scènes très pragmatiques où on te raconte un fait, un univers. Puis une scène où Babeth est dans sa salle de bain à se poser des questions sur les sentiments de Tim. Ou sur son envie de cramer le système parce que c’est franchement n’importe quoi. Un roman est un tissage de voix, on va dire. Mais parfois, à travers ces voix, tu en entends une autre qui n’est pas censée être là, qui devrait être en sourdine : celle de l’auteurice. Oups.

Un écrivain heureux

On sent bien ton excitation, oui…

Commençons par le plus évident, surtout que j’en ai déjà parlé : les scènes de sexe. C’est toujours compliqué de trouver l’équilibre entre évocation un peu trop pudique et scène digne d’un porno hardcore. Autant les romans qui ferment discrètement la porte de la chambre conjugale me font sourire, autant avoir le menu détail de ce qu’il se passe peut me faire sortir du roman. A un moment qui parle là ? Le narrateur, un des protagonistes où l’écrivain·e qui se fait son kiff ? Franchement, je n’ai aucun souci avec le fait que l’on puisse écrire des scènes de sexe très explicites, je m’étonne néanmoins qu’elles soient publiées tant, souvent, ça n’apporte rien. Et cette description quasi clinique d’un rapport sexuel devient aussi excitant qu’un mode d’emploi. Cf la scène de cul ultra longue de Glamorama où j’ai un plan à trois écrit dans le moindre détail. Déjà, tant pis pour mon imagination mais surtout… en quoi c’est censé être excitant ? On dirait la transcription détaillée d’une vidéo de cul trouvée sur Youporn. Et puis on se concentre tellement sur l’acte que les personnages ont l’air de ne rien ressentir. On est limite dans un « on a baisé parce qu’il le fallait ». Oueeeeee… 

QI Allison Paradis

Le torture porn qui te fait douter de la santé mentale de l’auteurice

Bon, les scènes de cul too much, ca m’exaspère ou ça me fait rire mais encore, ça passe. Je suis un peu gênée d’en savoir soudain autant sur les kinks de l’auteurice mais ça passe. Par contre, y a le cran au-dessus qui, lui, me fait fermer un roman pour ne jamais y retourner : les torture porn. A un moment, trop, c’est trop. Il y a toujours une surenchère là-dessus avec des corps violés, torturés, découpés, crucifiés… Et tu finis par te poser des questions sur les fantasmes très malsains de l’auteur. C’est ainsi que j’ai abandonné mes lectures de Bernard Minier. Enough is enough. Et apparemment, le dernier sorti est atroce. Ma mère arrête avec lui, aussi. Les longues descriptions dégueulasses des victimes suppliciées, vraiment, stop. Alors oui, je connais le body horror, je sais que c’est un genre à part entière. Et je sais que dans la vraie vie, il arrive des trucs tout aussi dégueulasses. Mais justement, je lis pour m’échapper de la crasse du réel. Et je ne suis pas à l’aise à lire un auteur aussi imaginatif sur le volet torture porn. Je vais pas aller fouiller son historique Internet, non, non… 

Un usage inquiétant d'Internet

C’est moi la star

Autre grand classique : l’auteurice qui se donne le premier rôle. Un peu comme une actrice que personne ne veut faire tourner et qui donne un rôle à un acteur juste parce qu’il la fait vibrer. Alors encore une fois, pourquoi pas. Ca peut même être une motivation d’écriture. Mais faudrait voir à doser. Parce que souvent, ça dérape. Version masculine, ça donne souvent des héros increvables, doués en tout, à qui aucune femme ne résiste. 100% Dan Brown energy. Je suppose qu’on avait peu ou prou le même phénomène dans Une quelconque aventure avec le héros qui se serre l’héroïne en fin de roman de façon un peu gratos vu qu’ils ne s’étaient quasi jamais parlé avant ça. Même s’il l’avait matée en plein acte sexuel. Cringe sur 20. 

Le héros voyeur

L’auteurice apparaît à travers les coutures

Quand j’ai voulu envoyer mon manuscrit aux maisons d’édition, je m’étais vite fait renseigné sur le prix d’un relecteur et j’avais décrété que je n’avais pas assez d’ambition pour payer ce prix là. J’ai dû payer quasi autant pour le balancer sur une maison d’édition à compte d’auteur qui ne m’a pas beaucoup aidée mais ok. Une relectrice professionnelle avait utilisé l’expression “personnages sans couture” que j’aime bien et que je trouve particulièrement adaptée ici. Je déteste quand la couture craque et que je vois l’auteurice derrière ses personnages, vraiment. Parfois, ça passe. Comme dans la saga La bicyclette bleue, on devine Deforge derrière Léa, une Deforge qui se fantasme peut-être un peu mais le rythme du roman fait que ça passe. D’autant que Léa n’est pas une héroïne parfaite à l’épreuve des balles pour qui je ne peux avoir aucune empathie vu que je ne crois pas en son existence. 

Evidemment qu’on écrit sur ce que l’on connaît

Bien sûr qu’un·e auteurice met de lui dans chaque roman. Comme j’aime à dire, une fiction ne naît pas de l’Ether. Les sentiments que je décris quand un personnage vit une péripétie, ce sont des choses que j’ai pu expérimenter, par exemple. J’écris sur des thèmes qui me sont chers et qui sont souvent chers à mes personnages. Quand ils parlent, ils prennent mes tics de langage, par exemple. Tout ça est bien normal. Non, le problème est souvent dans l’egotrip. Et je ne comprends pas que ce travers soit toujours présent dans de trop nombreuses fictions. Ou alors assumons le côté autofiction.

Nina

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