Raconte moi des histoires

Pour bien raconter les histoires, il faut aussi savoir les écouter

Tricher sur la mise en place des personnages

Il y a un truc relou quand tu racontes une histoire, surtout visuelle, c’est comment introduire les personnages. Dans un roman, tu peux jeter direct le prénom. Genre “Roméo, le meilleur ami d’Alex, entra dans la pièce, l’air endormi, bla bla bla”. Bon, la phrase précédente était franchement nulle mais voyez l’idée. Dans les films et séries, par contre, il va falloir ruser pour que le prénom soit lâché. Et surtout que vous le reteniez. Heureusement, il existe quelques astuces pour la mise en place des personnages… pas toujours très fines.

Mise en place des personnages : le nom carton

Un nom sur un carton

Cet article m’ayant été plus ou moins inspirés par les téléfilms qui n’ont jamais le temps de niaiser. Commençons par là. A tout Seigneur, tout honneur, parlons de Cinq lycéens en danger, un téléfilm flirtant entre nullité et génie. Comme il faut rentrer vite dans l’action, on s’emmerde pas à placer les personnages dans un contexte. Pendant le générique, on leur colle un prénom, emballé, c’est pesé. Ca arrive parfois, certains ajoutent même un archétype ou la relation avec le personnage principal. Des fois qu’on ait des hésitations. Après, ça peut devenir un élément sympa. Comme dans le générique d’Arrested Development où, dans la saison 04, l’étiquette du personnage change selon le narrateur de l’histoire. Oui, ce n’est pas toujours une astuce nulle, ça peut être un élément faisant parfaitement partie de l’identité d’une série. Par contre, dans un téléfilm, non.

Générique de Arrested Development

Nommer autour d’un petit déjeuner

Autre moyen assez classique du téléfilm : le moment en famille ou entre amis. Par exemple, scène assez classique de début de téléfilm : un des deux parents est en train de préparer le petit déjeuner et convoque tout le monde à la cuisine. Exactement le début de Les leçons dangereuses, par exemple. C’est la mise ecn place facile : alors que notre héroïne a fait un petit dej de folie, son mari dépose un baiser timide sur ses lèvres, chope un truc ou deux à grignoter sans lâcher son ordinateur. Sous-entendu : le couple est un peu branlant, notre héroïne est un peu délaissée. Il y a la fille ado qui sera appelée plusieurs fois et on voit aussi qu’elle s’en branle de sa reum. Donc voilà, le petit déj est le meilleur moment pour placer les relations familiales. Si notre héroïne est plus du genre célibataire en goguette ou meuf en couple un peu délaissée, on plantera tout ce décor-là au détour d’un verre entre copines comme dans Rendez-vous interdits ou Plus jamais ça.

Miranda et Charlotte boivent un verre

Ou alors, la voix off

Mais le moyen phare qui vous économise de prendre un acteur ou une actrice doué·e donc potentiellement cher·e pour faire passer des émotions, c’est la voix off. Alors y a des fois où j’aime bien la voix off. J’ai un exemple qui m’avait touché : Clara Sheller. Alors je parle assez régulièrement de cette série dont j’ai pas super aimé la saison 01  mais j’ai été marquée par le dernier épisode de la saison 02, j’avais même écrit un article sur le sujet. Sur ce dernier épisode, on lâche un peu le focus sur l’égocentrique et franchement agaçante Clara pour s’attacher à d’autres personnages avec de jolis passages en voix off. Cet épisode était particulièrement psychanalytique avec Clara chez le psy et surtout une belle symbolique du passage à l’âge adulte et la maternité avec un passage de flambeau entre Clara et sa mère. Cet épisode m’a donné envie d’écrire des histoires réalistes racontées à la première personne telle une voix off sur 200 ou 300 pages de narration. 

Clara Sheller

La voix off et ses punchlines creuses

Mais la voix off est souvent un énorme piège. Parce que ça balance de la punchline creuse et même parfois mensongère. Niveau téléfilm, on a péchés de jeunesse ou L’enfer au Paradis où la voix off nous arrose d’aphorismes creux de type “les familles parfaites ont toujours des secrets. Parfois mortels”, enchaîné sur une musique souvent nase de générique. Ou une voix langoureuse qui te jette un “mais la victime était-elle si innocente ? » Oh mais chut en fait. Mais y a pas que les téléfilms qui utilisent la voix off de façon loupée, il y a aussi… Casa de Papel. Oui, pardon mais cette série m’a saoulée surtout que la voix off était celle du personnage le plus mal écrit et insupportable de la série : Tokyo. Alors en plus de nous balancer des aphorismes par paquets de dix, elle nous tease un peu l’intrigue, parfois de façon bien mensongère. C’est pas une mauvaise façon de nous raccrocher à l’intrigue, je ne dis pas. Sauf que là, ça participe au faux suspense de la série et la ficelle est trop usée pour marcher sur deux saisons. Ouais, j’ai pas relancé la suite et ça n’arrivera pas. 

Casa de Papel

J’y pense et puis j’oublie…

Par exemple, à un moment, elle nous balance un “jusque là, tout se passait bien. Jusqu’à ce que ça dérape pour une putain d’histoire d’amour”. Oui, la voix off peut être vulgaire, elle a le droit. Sauf que… non, en fait. Les différentes romances compliquent la donne mais à la fin, tout est bien qui finit bien, à deux morts près. Dont une dont on se fout complet vu que je crois que le personnage a eu zéro lignes de dialogue. Ca nous lance sur une fausse piste, on est là “ah mais quelle histoire d’amour va-t-elle tout faire échouer ?” Puis on finit par oublier qu’elle a dit ça vu qu’elle a dit plein de trucs. 

Casa de Papel, Tokyo

Bref, placer un personnage, c’est dur. Mais avec une écriture fine et subtile, on peut faire une très belle chose. Sans meuf qui raconte n’importe quoi ou de petit déjeuner dans une cuisine de 88 m².

Nina

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