Raconte moi des histoires

Pour bien raconter les histoires, il faut aussi savoir les écouter

Ecrire des héroïnes lesbiennes pour éviter les clichés sexistes ?


La question peut paraître curieuse mais je me la suis posée et j’ai envie de vous la soumettre. C’est en lisant le très bon Commando Culotte de Mirion Malle que j’ai beaucoup questionné les rapports entre les genres que j’instillais dans mes histoires. Si je joue sur l’alliance d’un homme et d’une femme, est-ce que je ne risque pas de reproduire, malgré moi, les archétypes sexistes assez courants. Du coup, si j’écris des héroïnes lesbiennes, est-ce que j’y échappe ?

Mulholland drive et son duo d'héroïnes lesbiennes

J’écris ce que j’ai déjà vu ou lu

Mon écriture est la somme de tous les produits culturels que j’ai pu avaler. Pas que des romans d’ailleurs. Par exemple, dans la V1 de Technopolis, il y a une scène de premier baiser sous la pluie. Enfin, sous l’arrosage automatique vu qu’ils vivent sous une bulle. Mon mec de l’époque, qui avait commencé à le lire, avait tiqué sur cette scène. Trop cliché. Du coup, je la virerai de la V2. Mais je suis un pur produit de ce que j’ai consommé. Quand on dit qu’on est ce que l’on mange, ça marche aussi pour ce que l’on écrit ou imagine. C’est pas pour rien que j’essaie, dans mes articles, de disséquer quelques clichés. Histoire de ne pas reproduire les mêmes travers que ceux qui m’agacent. Genre les baisers sous la pluie ou le bruit de sirène de police qui retentit juste après que le héros ait maté les méchants. Peut-être devrais-je consommer beaucoup plus de produits culturels issus de cultures autres qu’américaines ou européennes. Genre coréennesjaponaisessud américaines ou encore africaines

Des héroïnes lesbiennes chinoises

La femme comme autre chose qu’un simple Love interest

Bien que, pour le coup, le rôle de la femme n’est pas toujours incroyable. Parce que dans cet article, je veux vraiment éviter de faire de la femme le love interest d’un mec qui passait par là. En finir avec l’amoureuse qui se soumet à son adoré dès le premier baiser. Qu’elle peut avoir besoin de lui car faire équipe peut être une bonne idée. Mais je ne veux pas donner l’impression que sans lui, elle n’est pas complète. Qu’elle n’aurait pas pu y arriver sans lui. Du coup, éliminer les hommes serait-ce la bonne solution. Ou tout du moins une solution de facilité ? Je suis dans l’absolu assez pour des héros principaux et héroïnes principales homosexuel.le.s. Ca permettrait de casser cette sensation que l’amour romanesque n’est réservé qu’aux hétéros.

Sara dans Legend of Tomorrow

Attention à ce que l’on raconte

Sauf que… et bien, je ne suis pas lesbienne. Vous allez me dire que je ne suis pas non plus la plupart des personnages que j’ai écrits. Mais si je fais de mes héroïnes des lesbiennes, est-ce que je ne risque pas de jeter un cliché pour en mettre un autre à la place ? Surtout que l’image des lesbiennes dans la culture populaire est très fortement liée à l’imaginaire masculin. Soit la “vraie” lesbienne, très virile, peu attirante, on est à la limite du “non mais aucun mec n’en voudrait de toute façon, c’est une perte pour personne”. Soit la femme sexy que l’on va voir en plein ébat avec une autre femme (tout aussi sexy), les deux semblant prêtes à accueillir tout pénis qui aurait la bonne idée de se présenter à ce moment là de l’histoire. Finalement, une des seules exceptions qui me vient en tête, c’est The L word, créée par une lesbienne. Ou Sense8 aussi avec le couple Nomi-Amanita… dans une série créée par les soeurs Wachowski qui doivent effectivement mieux s’y connaître que moi sur la question de l’amour transsexuel…

Amanita et Nomi, couple adorable de Sense8

Attention à ne pas retomber dans les travers du Love Interest

Mais surtout la question, c’est “est-ce que je ne risque pas de transposer les comportements genrés clichés sur ce couple lesbien”. C’est pas parce que je remplace Michel par Michèle que je ne vais pas placer sa douce moitié dans le rôle de love interest, que je purgerai la relation amoureuse de toute trace de domination patriarcale, finalement. Ma Michèle sera la puissance incarnée, celle qui prend les décisions, tandis que sa moitié sera la jolie petite chose fragile.

Carmen et Shane dans The L world

Des héroïnes lesbiennes ne préserve pas des clichés

Du coup, vouloir tenter d’écrire des romans à tendance féministe, c’est cool mais il ne suffit pas de muter un chromosome Y en chromosome X pour s’assurer d’une production garantie sans patriarcat et sans cliché sexiste…

Nina

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