Raconte moi des histoires

Pour bien raconter les histoires, il faut aussi savoir les écouter

Les protagonistes ont toujours un métier de rêve

Suite à mon article sur l’écriture comme plaisir solitaire où j’évoquais très rapidement le fait que l’écriture pouvait servir de déversoir aux frustrations, j’ai eu envie de poursuivre un peu sur cette veine. D’autant que ça recolle avec un sujet d’article noté sur un bout de papier. A savoir que selon la catégorie de ton roman, ton protagoniste va avoir un métier de rêve. Celui que tu rêves un peu d’avoir, mais…

Choisir son métier de rêve

J’ai eu cette première pensée en lisant A la lumière du petit matin d’Agnès Martin-Lugan où l’héroïne est prof de danse et tient un bed and breakfast dans le sud. Dans l’autre roman que j’avais lu d’elle, l’héroïne était libraire. Des métiers qui font rêver. Je vous avoue que pendant la lecture de A la lumière, je me suis bien imaginée dans cette vie de tenancière de gîte. Pas de prof de danse, curieusement… Même si ça implique de se lever tôt, je me dis que le jeu en vaudrait la chandelle. A la place, je passe mes journées sur un écran à piloter des campagnes pour encourager la surconsommation. Yay.

Gérer un gîte

Longtemps, je me suis dit que je n’étais pas à ma place professionnellement parlant. Aujourd’hui encore… Même si j’ai fait un petit switch dans ma tête qui me permet de me dire que ce qui compte, c’est le salaire. La grosse moula. Parce que dans métier de rêve, y a quand même la notion de rêve. Et j’ai toujours eu cette intuition, cette croyance, que travailler dans sa passion, c’est finir par la gâcher. Donc mon but dans la vie, c’est de remplir les caisses au plus vite pour anticiper au max ma retraite et passer mes journées à faire de l’écriture, du loisir créatif et de la marche sur la plage. Voire dans l’eau comme à Royan. Mais je rêve régulièrement d’une autre vie…

Marcher sur la plage

Vie rêvée que je peux mettre en scène dans les romans que j’écris, pourquoi pas ? Par exemple, dans le projet Audrey que je ne devrais pas tarder à accoucher, j’ai décidé qu’Audrey serait journaliste. Le métier que je voulais faire plus jeune et pour lequel j’ai fait mes études. Bon, par contre, elle sera journaliste people sur un site pure player et parfois, elle aura des crises de vocation. A côté, sa pote Elisabeth sera journaliste radio et ça, mes amis, c’est un vrai rêve. J’ai toujours considéré que j’étais faite pour le journalisme écrit, qu’il soit papier ou numérique, mais la radio, quand même… L’écriture est plus intéressante, il y a un travail sur le son… Parfois, je rêve de rejoindre une radio associative comme je l’avais fait à la fac… Remarque, faudrait peut-être que je me renseigne. Sinon, j’ai toujours la solution podcast mais je m’égare.

Créer un podcast

Par contre, si Audrey n’est pas sûre de son travail, elle va se lancer dans un sport… le canoé kayak. En vrai, pour une de ses love affairs, j’ai besoin qu’elle fréquente un groupe de gens et qu’un joli garçon apparaisse ponctuellement. Et il me paraît évident qu’Audrey va se lancer dans ce sport dont je vous parle tout le temps et que je ne fais jamais : le kayak. L’écriture est une façon de s’imaginer une vie rêvée et d’explorer toutes ces voies qui ne seront jamais objectivement les nôtres. Et c’est l’une des meilleures vertus de l’écriture selon moi. Si demain, j’ai envie d’écrire l’histoire de Katell, data journaliste qui fait du kayak et voyage à travers le monde, vivant ainsi ma vie de rêve, je peux. Parce que dans ma vie de rêve, le data journalisme rapporte gros, le club de kayak n’est pas à 45 mn de vélo et l’avion ne dégage pas de CO2. Et en plus, Katell pourrait tout visiter sans qu’il y ait trop de touristes. 

Le grand canal à Venise

Alors, certes, il est possible que cette littérature des héroïnes aux métiers de rêve soit très blanc bourgeois et assez peu réaliste. J’adorerais tenir une librairie, par exemple. Un petit cocon douillet avec son coin dînette qui sentirait bon le café filtre et la madeleine. Mais ce n’est pas un métier rentable. Y a qu’à lire tous les témoignages des libraires en difficulté pour s’en convaincre. Je vous passe les moments paperasse, le mal de dos à force de porter des cartons plein de livres, de les ranger à droite, à gauche sur les étagères. Libraire, c’est un métier de rêve quand tu ne connais pas la réalité du métier ou que tu n’as pas besoin de réellement gagner ta vie. Comme la tenue d’un gîte, ce n’est pas si rose. Et rien ne garantit la rentabilité.

Bed and breakfast

On pourrait reprocher le réalisme de ces univers. J’avais eu la même avec “T​a deuxième vie commence quand tu comprends que tu n’en as qu’une”, un roman totalement dans la veine du développement personnel à base de “faut qu’on, y a qu’à”. Où l’héroïne lâche son job de bureau qui, me semble-t-il, n’est jamais vraiment défini dans le roman, pour lancer sa marque de vêtements pour enfants car c’est ce qu’elle a envie de faire. C’est cool mais combien de personnes peuvent se permettre de lâcher leur job pour tenter une aventure entrepreneuriale incertaine ? Si j’en crois mon LinkedIn, ça concerne surtout les personnes d’un certain milieu. Par exemple, si je dois lancer ma marque de je ne sais quoi à temps plein… Bah autant attendre l’héritage parental qui devrait effectivement me permettre de finir de payer ma part de l’appart et tenter l’aventure pendant un an, je dirais. 

Les cafés librairie

On en revient à la question de base : pour qui on écrit et pour quoi ? Il me semble évident que mon écriture est avant tout un travail de plaisir égoïste. C’est pas compliqué : dès que j’essaie d’y intégrer la notion de réécriture pour le rendre accessible à une tierce personne, j’abandonne. Donc oui, si j’écris pour moi, je peux faire en sorte que mes personnages réalisent tous mes rêves, indépendamment d’un quelconque réalisme. Mais si je souhaite partager mon livre, puis-je rester dans cette même veine du rêve ?

Ecrire pour canaliser son imagination

C’est là que le choix du métier des protagonistes est révélateur d’une certaine vision de la société. Quand on écrit un livre destiné à être lu par une audience relativement large, on cherche à provoquer des émotions et l’encourager à avoir de la sympathie pour lae protagoniste principal·e. Voir rêver être ellui. Ainsi, il me semble que dans les comédies romantiques, les romans feel good et tout ce type de romans, les protagonistes sont rarement caissier·es en supermarché. Et si l’héroïne a un métier peu glamour genre prostituée, l’homme qui débarque dans sa vie va lui permettre de sortir de là. Donc en résumé : pour raconter un conte de fée ou assimilé, faut pas que me héros ou l’héroïne fasse un job qui ne fasse pas rêver. Alors que bon, Emily in Paris, elle est community manager et je peux vous garantir qu’en vrai, ça n’envoie pas du rêve. Du tout. Tiens, si Audrey devenait CM ? Quoi que j’ai vraiment besoin de la dimension people. 

Paparazzi

Conclusion : la littérature est souvent le prolongement d’un idéal bourgeois, surtout dans sa dimension la plus légère. Que si lae protagoniste commence avec un job nul, elle trouvera sa voie avant le mot fin. Celle où la galère n’est que passagère avant la happy end. Même chez Zola où la petite vendeuse finira madame… 

Nina

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