Raconte moi des histoires

Pour bien raconter les histoires, il faut aussi savoir les écouter

Beetlejuice vs Beetlejuice Beetlejuice, patient typique de la maladie du cinéma

Aujourd’hui, je vais comparer deux films. Un joyeux film de la fin des  années 88 et sa suite plus de 30 ans tard. Alors comme il est possible que je sois subjective car j’en ai aimé un et moins l’autre, je pose ça dès l’intro. Et j’étais un peu craintive de ce deuxième opus car j’y voyais une tentative un peu cra cra de surfer sur une vieille vibe. Je suis un peu rigide sur les univers fictionnels, je n’aime que rarement quand je vois des reboots car ils ont souvent l’odeur nauséabonde des mauvaises intentions. Alors Beetlejuice Beetlejuice a-t-il été fait avec ces mauvaises intentions ?

Beetlejuice Beetlejuice

Avant de répondre à cette question, je vais consacrer un paragraphe ou deux à chaque film pour expliciter mon ressenti. A noter que j’ai vu ces deux films à une semaine d’intervalle donc pas d’effet nostalgie qui pourrait me rendre particulièrement bienveillante avec Beetlejuice, version 88. Oui, je continue à travailler ma culture ciné, je progresse. Bref, j’ai trouvé le film très feel good. J’ai bien aimé Lydia et l’évolution de sa relation avec Delia. J’ai beaucoup aimé Adam et j’ai surtout adoré Barbara, un personnage absolument adorable et sa relation maternelle avec Lydia m’avait touchée. J’avais trouvé le film marrant, bien rythmé et la présence de Beetlejuice bien équilibrée. J’avais également bien aimé la grosse maquette du village, passion diorama forever.

Barbara et Adam dans Beetlejuice

Et Beetlejuice Beetlejuice ? Je ne l’ai pas trouvé adorable et pas franchement touchant non plus. Divertissant, oui. Même si j’ai pas compris le délire comédie musicale sur la fin mais j’ai l’impression que c’est la mode depuis quelques années. Pas toujours une réussite, apparemment. Bref, c’est un détail. J’ai continué à aimer Lydia, d’une fragilité émouvante. Mais, en vrac : 

  • Cette suite semble oublier que la relation de Lydia et Delia à évolué dans le premier film et Delia suit à nouveau le même schéma, passant d’égocentrique insupportable à belle-mère et grand-mère tendre. 
  • Le personnage de Monica Bellucci ne sert à rien et est un antagoniste sans aucune saveur. Même si j’ai trouvé intéressant de faire basculer Beetlejuice d’antagoniste à relatif allié. Mais ça marchait mieux dans Terminator 2, par contre. La présence de Beetlejuice est plus imposante mais ça va, ça reste drôle ou supportable. Pas de vannes trop lourdes.
  • Où est Barbara ? Alors ok, on a un souci sur les acteurices du premier Beetlejuice. Adam était interprété par un jeune et cute Alec Baldwin qui a eu quelques déboires judiciaires ces derniers temps. On a aussi Jeffrey Jones aka Charles qui a eu quelques soucis de type pédopornographie donc on garde le personnage de Charles avec une petite astuce mais pfff. Inutile. Alors oui, ça aurait été compliqué de faire revenir Geena Davis avec 36 ans de plus l’air de rien. Et les techniques de rajeunissement des acteurs ne sont pas toujours au point. Mais je l’aimais tellement. Vraiment, avant de voir Beetlejuice, je n’avais aucun avis sur Geena Davis et maintenant, je l’aime bien.
Barbara est adorable

Mais mon vrai soucis, pour moi, c’est le personnage d’Astrid, jouée par Jenna Ortega. J’ai avec Jenna Ortega le même rapport qu’avec Ana Taylor Joy ou Pedro Pascal : j’ai l’impression de les voir partout et ça me saoule un peu. Alors que j’ai bien aimé Last night in Soho avec Ana Taylor Joy et elle m’a convaincue dans Furiosa. Mais y a cet effet “on ne peut plus faire un film sans elle”. A l’arrivée, Jenna Ortega a bien joué ce rôle… Mais son personnage était assez mal écrit. Pour vous la faire courte, pour ceux qui n’auraient pas vu : Lydia est devenue une star de la télé qui va dans des maisons hantées. Astrid, sa fille, vit très mal la notoriété de sa mère, on la voit se faire maltraiter à l’école à cause de ça. On peut comprendre qu’elle ait les nerfs. Sauf qu’elle a décidé que sa mère était une usurpatrice et tient cette ligne de conduite durant la moitié du film. Il y a des moments où on frôle le syndrome Scully tellement elle s’entête dans son narratif de “les fantômes n’existent pas, ma mère se fout de tout le monde”. Après, mon problème sur Astrid vient peut-être du fait qu’elle est censée être ado (16-17 ans ?) alors que Jenna Ortega en a 22. Du coup, je n’avais pas devant moi une ado en pleine crise mais une jeune adulte absurdement ronchonne.

Lydia et Astrid dans Beetlejuice Beetlejuice

Puis, une fois de plus, le fan service pas toujours bien vu m’a agacée. Globalement, Beetlejuice Beetlejuice ne se contente pas de réécrire le premier en interchangeant les personnages, ce qui est un énorme point positif. Beetlejuice Beetlejuice est par ailleurs une vraie suite et je ne suis pas certaine que tous les éléments soient clairs pour ceux qui n’auraient pas vu le premier, notamment la fixette de Beetlejuice sur Lydia. Cependant, moi-même, je ne suis pas certaine d’accepter ce narratif mais passons. Le film nous adresse quelques clins d’oeil comme la multiplication des personnes à tête réduite. Ou comment une petit vanne rigolote du premier film devient une sorte de normalité dans le deuxième. Mmm. De la même façon, on a droit, lors de l’enterrement de Charles, à une version chorale pour enfants de Day O (Banana boat song) qui intervenait dans une scène mythique du premier Beetlejuice. Mais là, pfff, c’est forcé et en plus, les personnages ne réagissent même pas. C’est vraiment un “hé, tu as aimé le premier Beetlejuice ? Tiens petit cadeau”. Surtout que cette scène intervient relativement tôt dans le film, à un moment où, pour moi, la magie n’avait pas du tout fait son effet.

Scène d'enterrement dans Beetlejuice Beetlejuice

Je suis sortie de la salle mitigée. Oui, c’est un bon divertissement et c’est sans doute mieux que ce que je craignais. Je n’ai aucun retour négatif à faire sur les acteurs que j’ai trouvés bon, du moins ceux qui avaient un vrai rôle. Mais je n’ai pas été aussi emballée que par le premier. Et je crois qu’il y a là quelque chose de symptomatique de ce qui m’agace dans le cinéma d’aujourd’hui. Je vais résumer Beetlejuice : Barbara et Adam meurent dans un accident de voiture. Ils hantent leur jolie maison mais la famille Deetz débarque. Effrayés à l’idée de voir leur maison saccagée, Barbara et Adam font appel à Beetlejuice qui se révèle plus nocif qu’efficace. Barbara et Adam, répérés par Lydia qui a un don médiumnique. Quelques péripéties dont une scène de possession sur la musique de Day O (Banana Boat song). Puis c’est la confrontation finale entre Beetlejuice, la famille Deetz et le couple fantôme. Beetlejuice est battu, tout est bien qui finit bien. Tout est narré à travers les yeux de Barbara, Adam et Lydia.

Adam, Barbara et Lydia

Beetlejuice Beetlejuice maintenant. Attention, spoilers. Lydia est medium à la télé et sort avec un mec un peu nul, producteur de son émission. Après nous avoir exposé son métier et sa relation avec son mec nul, elle est appelée par Delia qui lui annonce la mort de Charles, bouffé par un requin suite à un crash d’avion dans l’océan. Retour donc à Winter River pour l’enterrement. Mais entre temps, il faut aller chercher Astrid dans son lycée privé. Enterrement sur une version choralisée de Day O. Astrid fait la gueule à sa mère car elle la prend pour une menteuse et lui reproche de n’avoir jamais réussi à communiquer avec le fantôme de son père. Lors du cocktail post enterrement, le petit ami nul de Lydia la demande en mariage. Astrid est contrariée et part bouder. Elle se plante en vélo dans la barrière d’un joli garçon avec qui elle parle pendant des heures. Ils décident de se revoir le lendemain, soirée d’Halloween et du mariage de Lydia avec son mec nul. Pendant ce temps dans les enfers, une dévoreuse d’âme démembrée est ré-assemblée par accident et elle veut tuer Beetlejuice, son époux depuis l’époque médiévale. Beetlejuice qui est toujours obsédé par Lydia et essaie de la hanter.

Trop de personnages dans Beetlejuice Beetlejuice

Je suis obligée de faire un deuxième paragraphe. Spoilers, toujours. En fait, le mec d’Astrid est un fantôme car elle a les mêmes pouvoirs que sa mère, en fait. Le mec la manipule pour qu’elle lui offre son âme, ils se retrouvent à se balader dans le monde des morts. Comprenant le mic mac, Lydia appelle Beetlejuice à la rescousse, ils partent à la poursuite d’Astrid qu’ils finissent par retrouver. Ils parviennent à s’enfuir grâce au père d’Astrid. Gros hasard mais passons. Là, c’est le mariage mais Beetlejuice a obtenu la promesse de Lydia de se marier avec lui. On se retrouve à l’église avec Lydia, Beetlejuice, le fiancé nul, Delia qui est morte entre temps dans une histoire de serpent. Et Astrid, revenue des morts. Et un prêtre, je crois. Alors que c’est déjà le bordel, voilà Delores qui en veut toujours à Beetlejuice. Confrontation finale un avec Delores et le fiancé nul, devenu antagoniste puis avec Beetlejuice. Niveau point de vue, on suit Lydia et Astrid mais aussi Beetlejuice, Delores, Delia, un inspecteur de l’au-delà, un sbire de Beetlejuice, Charles à moitié mangé et même un street artist mort en début de film sans que je comprenne pourquoi. 

Beetlejuice Beetlejuice, le mariage
Ah oui, il y a bien un prêtre

C’est trop. En tout cas pour moi. Je trouve que pas mal de films des dernières années tombent dans ce déluge de mini-histoires avec plein de points de vue. Un héritage des films chorals très en vogue début des 2000 et que je n’aimais pas. Car à force de raconter un peu des histoires de chacun, on finit par ne plus rien raconter. Et puis on n’a pas le temps de s’attacher aux personnages. Je trouve Delores inutile, juste le traditionnel kink de Burton qui adore mettre ses compagnes dans des rôles de femmes sexy et dangereuses. Je suis pas sa psy, je ne commenterai pas. Astrid passe d’un claquement de doigt de sceptique à l’absurde à hyper croyante récitant une incantation. Delia suit exactement la même trajectoire que dans le 1. Pourquoi le street artist, pourquoi autant de Beetlejuice ? Pourquoi le fiancé nul de Lydia ? Et pourquoi Charles ou l’histoire du père d’Astrid ? 

Willem Dafoe dans Beetlejuice Beetlejuice

Alors oui, ça va vite, on n’a pas le temps de se faire chier, c’est vrai. Mais ça reste en surface. J’ai vu le film il y a trois semaines et j’ai déjà oublié plein de trucs. Parce que le but est de divertir et pas de raconter une histoire. Et au vu du nom de mon blog, vous comprendrez facilement pourquoi cette volonté de rester en surface ne me convient pas. Après, je crois que cette critique, j’aurais pu la faire pour le film Dark Shadows dont je n’ai quasi aucun souvenir à part que c’était un bordel sans nom avec plein de personnages avec des petites intrigues dans tous les sens. 

Nina

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