Raconte moi des histoires

Pour bien raconter les histoires, il faut aussi savoir les écouter

Une certaine représentation de la violence

C’est compliqué la violence en narration. En tant que lectrice ou spectatrice, je ne l’aime pas beaucoup. Essentiellement parce que neuf fois sur dix, je ne la comprends pas. Enfin, je la trouve injustifiée et ça me gonfle. J’ai déjà parlé du torture porn sur les femmes mais là, c’est une remarque qui concerne la violence au global. Pas forcément sexuelle et pas forcément faite aux femmes. Du coup, ma question est simple. Cette violence dont j’ai besoin pour faire avancer mon récit, je la détaille ou je la suggère ?

La violence dans les séries télé

Violence graphique

Pour faire clair, on va comparer deux séries. D’un côté, Luther et de l’autre Alice in Borderland. J’ai pas super apprécié la première et j’ai été complètement happée par la seconde. Les deux séries proposent une certaine dose de violence et pourtant… je l’ai acceptée dans Alice in Borderland. Alors que ce dernier propose une violence très graphique assez poussée. Alors que dans Luther, c’est pas particulièrement gore. Mais j’ai levé les yeux au ciel à chaque meurtre au marteau qui dure une plombe. Ils ont bien aimé ça, les scénaristes, les tueurs au marteau. Je suppose que c’est juste que ça fait flipper, les gens qui tuent avec des objets du quotidien. Ou alors, vu qu’ils tournent un épisode tous les trois ans, ils oublient qu’ils l’ont déjà fait.

Idriss Elba dans Luther

Pourquoi ça me dérange ?

Il y a notamment ce double-épisode avec des espèces de jumeaux rôlistes qui tuent les gens de façon absolument gratuite. On commence donc par un massacre au marteau dans une station-service. Puis dans une scène plus loin, un des tueurs va massacrer un couple dans une voiture. On ne voit pas tant que ça, ce n’est pas montré explicitement mais ça m’a marquée tellement j’en avais marre. Oui, ok, il est hors de contrôle, tout le monde est en danger, ok. Alors d’abord, j’ai pensé que j’avais été dérangée par le son, le bruit un peu mat et mou… sauf que j’ai vu le 1er épisode de la saison 07 de The walking dead. Autant cet épisode m’a légèrement traumatisée, autant il ne m’a pas saoulée…

Negan dans The Walking Dead

Le basculement nécessaire

Parce que je comprends la démarche, en fait. Dans ce fameux épisode 07 comme dans Alice in Borderland, la violence est un basculement nécessaire pour créer de l’empathie pour les personnages et de l’enjeu. Ah, l’enjeu, ça aussi, ça mériterait un article en entier. Dans les deux séries sus-nommées, la violence sert à nous rappeler que les héros sont mortels. Alors que dans Luther, non seulement les vilains tueurs s’en prennent à des inconnus mais surtout… Luther passe sa vie à survivre. Le mec doit se prendre une balle par saison mais ça va, c’est dans la jambe ou l’épaule, ça passe. Je vous renvoie au Pr Moustache sur le sujet, elle vous expliquera tout ça mieux que moi.

Luther et Alice

De la nécessité d’une scène

En vérité, je vois la ligne entre violence nécessaire et violence racoleuse se dessiner. La question est : si cette scène n’avait pas été filmée, est-ce que j’aurais vraiment perdu quelque chose ? J’ai un bon exemple de ça sur un livre audio Spotify. A un moment, un chapitre débute par “attention, le chapitre suivant inclut un viol sur mineur donc si ça vous met mal à l’aise, vous pouvez passer au chapitre suivant”. Alors merci pour le trigger warning mais… si je peux sauter le chapitre comme on m’y invite à le faire, on est d’accord qu’elle est superfétatoire ? Je trouve assez dingue que l’on nous explique tranquillement que “attention, scène trash, tu peux la passer, ça n’apporte rien à l’intrigue”. Alors pourquoi ? Je peux éventuellement comprendre qu’on puisse écrire ce type de scène dans une sorte d’élan qui nous amène plus loin que ce qu’on aurait voulu. L’écriture est parfois une dérive plus ou moins maîtrisée. Mais que tout le monde soit ok pour la garder alors qu’elle ne sert à rien et peut choquer… pour rien ? Ca me dépasse. 

Alice in Borderland

Assombrir une série

Dans Luther et comme dans pas mal de séries, j’ai souvent l’impression que la violence n’est là pour pour assombrir une série qui se veut trash mais qui ne l’est pas tant que ça. Je parle de Luther mais des tas de séries font ça avec des morts parfois dégueulasses qui n’apportent rien au récit. J’ai poursuivi The walking dead après l’épisode 01 de la saison 07 car j’acceptais la remise en question de la toute puissance de Rick. J’ai eu plus de mal lors de la saison 04 où il arrache la carotide d’un mec avec ses dents. Par contre, j’ai arrêté Black Lightning après qu’un ado se soit fait arracher sa colonne vertébrale par le grand méchant. Ca a du sens en soi car le gamin était paraplégique à la base mais la scène était dégueulasse et assez peu utile en fin de compte vu que le grand méchant, on savait qu’il était grand méchant depuis longtemps et j’ai trouvé ça peu probant. La scène était peu lisible et il aurait pu tuer le gamin de façon plus radicale, moins longue et pénible pour tout le monde. Surtout que moi, sur le coup, j’étais même pas sûre d’avoir vu ce que j’ai vu tellement c’est… improbable.   

Black Lightning
Sinon, le début de la série est super intéressant par rapport à son traitement d’une relation père-filles super sympa et toute la question d’être Noir aux Etats-Unis, même quand on est un notable de la ville.

Etait-ce utile ?

Bref, tout ça pour dire que dans l’écriture, une question doit toujours se poser : si je dois écrire ou filmer une scène un peu trashouille, est-ce que cette scène sert vraiment le propos ? Parce qu’à force de noyer les lecteurs ou spectateurs dans une violence plus ou moins graphique, ça finit par ne plus faire réagir. Exactement comme les scènes de cul gratuites qui ne choquent ou ne surprennent plus personne. Tiens, ça me donne une idée d’article… à suivre !

Nina

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