Raconte moi des histoires

Pour bien raconter les histoires, il faut aussi savoir les écouter

Ecrire un roman botanique et perdre des lecteurs ?

Depuis que j’écris, je me pose une question : pour qui écrit-on ? Je dis toujours que c’est pour moi avant tout mais on va pas se mentir, ce n’est pas si évident. Parce que même si je prétends écrire pour moi, je cherche un minimum de cohérence. Je fais quelques recherches pour ne pas raconter trop de bêtises. Mais si je ne cours pas après la publication, certains auteurs ou autrices reconnus nous amènent parfois dans des terrains un peu difficiles pour le lecteur genre : la botanique.

La botanique

Je suis nulle en fleur

Alors on va poser un truc : j’y connais rien en botanique. Jusqu’à récemment, je reconnaissais quelques fleurs genre les roses, les tulipes, les glycines et les pâquerettes. A peu près. Et le pissenlit dont la version vieille m’a traumatisée enfant. Heureusement, j’ai lancé un Instagram fleurs avec mon vrai nom et j’ai appris deux ou trois noms de fleurs supplémentaires. Je reconnais le lilas, l’oranger du Mexique et sa merveilleuse senteur, la sauge de Jérusalem, la nigelle ou la zinnia. J’avais déjà pu me plonger dans l’incroyable variété des dahlias lors de notre voyage au Japon. Mais j’en rate encore pas mal. Genre les magnolias, je dois chercher pour voir à quoi cela ça ressemble. 

La botanique
Ah ok, voici les magnolias. J’appelais ça des rhododendrons, moi

Des fleurs partout

Alors même si je commence à avoir un petit bagage, je n’étais pas prête. Pas prête à lire “Une rose seule”, un court roman dévoré en deux ou trois jours et… je n’ai pas trop aimé. Alors que ça se passe au Japon, à Kyoto, précisément. Mais les romans aiment trop les personnages “caractériels”. J’appelle ça antipathique mais ce doit être moi. Dans le roman, l’héroïne, Rose, est botaniste, et l’amour des fleurs parcourt sa vie. Elle croise donc de nombreuses fleurs au Japon, notamment dans la demeure dans laquelle elle réside où, chaque jour, elle est accueillie par une fleur différente dans un vase. Et ça m’a interpellée. 

Ikebana
Si vous aimez ce vase, vous pouvez l’acheter en cliquant sur l’image

Une lectrice visuelle

Je suis une lectrice visuelle. J’ai pas forcément besoin d’avoir mille détails pour me créer l’univers graphique du roman. Et je dis univers graphique car, pour des raisons qui m’échappent un peu, j’ai des fois des images dessinées quand je lis un roman. Ce n’est pas moi qui choisis, c’est mon imagination qui tranche. Ca me l’a fait très fort quand j’ai lu le premier tome de la Passe-Miroir, Les fiancés de l’hiver. Je sais pas pourquoi mais j’avais une imagerie très proche du Roi et de l’oiseau… que je n’ai jamais vu au demeurant. C’est vraiment curieux, l’imagination. Je n’ai pas eu le même tropisme en lisant Une rose seule. J’avais des images très précises puisque j’y suis allée, à Kyoto. Et on y retournera (2022, je compte sur toi). Par contre, cette histoire de fleurs, ça m’a tracassée un peu. Parce que Muriel Barbery m’a mis un magnolia, là, et je sais pas exactement à quoi ça ressemble. 

Un bouquet de magnolias

Verrouiller le récit en étant trop précis ?

Alors ma question. Si Barbery a précisé la nature de la fleur présente dans ce vase à ce moment-là, c’est qu’elle décrit simplement les images qu’elle a dans la tête. Doit-on dès lors se “censurer” en prenant un modèle un peu plus répandu genre une rose ? Mais une rose, c’est commun, c’est pas symbolique. Et puis les magnolias, c’est pas non plus une datura ou une buddléia, c’est connu quand même. Et puis, moi, quand j’écris, ça m’arrive aussi de glisser un détail qui ne parlera peut-être pas à tout le monde. Non parce que là, je parle fleurs mais c’est pareil pour la musique. Il arrive souvent qu’un auteur ou une autrice nous insère une scène en voiture où le personnage écoute un titre à la radio. Et plus le roman est daté, plus il y a de risques que vous ne connaissiez pas le dit titre. Après tout, si j’écris dans un roman qu’un de mes personnages écoute Despacito dans sa voiture, il y a peu de chances qu’une personne qui lit ça dans dix ou quinze ans pige de quel titre je parle. Alors pour le coup, pour une chanson dans une voiture, j’ai tendance à donner un vague descriptif. Genre dans le roman de Maja, il y a une scène d’écoute de musique en voiture (et voilà comment je me vautre dans un cliché), j’explique qu’il s’agit d’une reprise d’un titre sirupeux par un groupe de rock. Moi, je parle de Remember même si je préfère la version de The Eden House. Juste parce qu’au moment où j’ai débuté ce roman, j’étais dans une petite obsession sur cette chanson. Mais voilà, vous, en lisant ça, vous aurez peut-être choisi un autre titre.

Aerosmith- Remember

Canaliser l’imagination des lecteurs ?

C’est vraiment un dilemme. Je m’étais déjà interrogée quant à la description des personnages, me disant qu’il n’était pas si mal de laisser grande latitude aux lecteurs de choisir le physique des protagonistes. De façon radicale, je m’interrogeais sur le besoin de donner des informations sur le personnage, à partir du moment où les caractéristiques physiques n’ont pas d’incidence sur le récit. C’est sûr que si je parle d’une histoire de racisme, on va se douter que le personnage concerné n’a pas le profil viking, quoi… Mais si je dois juste avoir des personnages lambda, dois-je imposer ma vision du personnage à mes lecteurs. Mais peut-être que ça a une importance pour moi de préciser que l’héroïne a une chevelure rousse parce que peut-être que j’ai une scène très précise en tête d’un point de vue visuel. Peut-être que je vais entourer ma rouquine de cattleya en hommage discret à Proust mais… est-ce que je risque pas de jeter mes lecteurs sur google pour voir à quoi ressemble une cattleya. On n’est pas tous les rois de la botanique. A partir du moment où on livre son récit aux lecteurs, ne doit-on pas accepter qu’il se crééra son propre univers et donc ne pas trop l’enfermer dans des détails trop précis qui pourraient le perdre ?

Cattleya

Tant de questions…

Ca ou c’est juste moi qui me prends trop la tête, qui sait ? Bonne semaine les loulous ! (les loulous, Seigneur, je ne me respecte plus)

Nina

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