Raconte moi des histoires

Pour bien raconter les histoires, il faut aussi savoir les écouter

Ecrire un récit torride : le fail Sombres désirs

Régulièrement, nous finissons un programme sur Netflix. Après une dizaine d’épisodes d’une série parfois fort chouette, on essaie de trouver notre prochaine pépite. Quête assez compliquée dans un catalogue follement mal foutu qui ne te pousse qu’un carrousel de trois contenus, finalement. Donc après la saison 1 de Hellbound, une série coréenne dont je vous reparlerai, on erre un peu. On croise la route de Sombres désirs, une série polar torride mexicaine. Tiens, pourquoi pas ? Le torride, quand c’est bien fait, c’est délectable. Et bien, je vais casser le suspense de suite : c’est très mal fait et on lâche l’affaire au bout du 2e épisode. Qui a tué Brenda ? Je sais pas et je m’en fous. Mais pourquoi Sombres désirs est un fail, ça, ça m’intéresse.

Sombres désirs, une série nulle

C’est l’histoire de… on s’en fout

Donc l’histoire en bref : Alma est une professeure en droit d’une quarantaine d’années en pleine crise conjugale. Elle soupçonne son mari à moustache de pervers de se taper sa secrétaire aka “Daenerys en tailleur”. Elle fait donc la gueule en fumant des cigarettes. Un soir, elle accompagne sa copine Brenda en soirée et elle rencontre un bellâtre bien jeune qui lui chuchote deux mots à l’oreille et elle tombe la culotte. Ils vont baiser chez Brenda, Alma vire le petit jeune après avoir baisé puis le lendemain, elle rentre chez elle. Sauf que Brenda se fait assassiner par la suite. Et dans la bande-annonce, on te montre qu’Alma va être arrêtée car soupçonnée du meurtre de Brenda. Mais ça, tu ne le vois pas dans les deux premiers épisodes. Pourtant, un épisode dure une bonne trentaine de minutes, y aurait moyen de faire un peu avancer l’intrigue…

Brenda et Alma dans Sombres désirs

Des personnages qui pensent au cul H24

Mais non. Parce que sur les 30 minutes, la moitié des plans consiste en des scènes de baise nulles. Vraiment, c’est… trop. Je ne suis pas prude du tout mais là, ça ne sert tellement à rien. Un exemple. Alma va donc chouiner chez Brenda “ohlala, je suis sûre que mon mari me trompe”. Brenda lui demande comment ça se passe au pieu. Alma réfléchit et on a droit à une scène de deux minutes où tu vois Alma et son mari se tripoter sous la douche. De che ? Et ça tout le temps. Alma pense à son incartade avec le bellâtre ? Scène de cul. Elle voit l’eau de la piscine ? Scène de cul fantasmée dans la piscine. Elle pense à son mari ? Scène de cul de l’époque heureuse leur mariage. Et puis, elle fume. Un personnage apprend la mort de Brenda ? Il se souvient de la fois où il l’a troussée dans les bois. 

Brenda dans Sombres désirs

Oups, on a oublié le scénar

Alors, admettons que nous pensons tous au sexe plusieurs fois par jour. Il n’est pas déconnant qu’Alma se fasse des petits scénars coquins dans sa tête quand elle est perdue dans ses pensées. On pourrait même admettre que ça va dans le sens de l’histoire puisque son incartade la trouble. On peut même admettre que le personnage qui pense à la fois où il a baisé la morte est juste un connard. Mais bon sang, c’est quoi ton histoire ? Je n’ai aucun souci à ce qu’il y ait du sexe dans une histoire, au contraire. J’aime bien être émoustillée et c’est même pour ça que le pitch de cette série me tentait. Sauf que là, on n’est pas dans un thriller torride. On est dans du soft porn qui tente de nous bricoler un scénario. Et ça ne marche pas du tout.

Une scène de baise mexicaine

On comprend rien à ton histoire

Déjà, ça ne marche pas parce qu’on ne comprend pas bien qui est qui. Je n’ai pas mémorisé la moitié des prénoms. Et je regarde tout en sous-titré donc en plus d’entendre les prénoms, je les lis. Et si je ne suis pas hispanophone, les prénoms mexicains ne sont pas si éloignés des nôtres. Que je galère à retenir un prénom coréen, surtout lors des premiers visionnages, ok. Les prénoms mexicains… Et puis surtout, on se fout de ce qui peut arriver aux personnages. Brenda est morte ? Je m’en fous, je l’ai vue quelques minutes et je l’ai pas trouvée très sympa. C’est plus la copine pseudo extravagante reloue qui a l’art de te coller la honte en deux secondes. Genre à gueuler à Alma alors que son petit jeunot est à côté “vas-y, baise-le !”. Hashtag la gêne. Y a aussi un criminologue qui a une jambe ravagée et on sait pas trop pourquoi. On sait même pas ce qu’il fout là, d’ailleurs. Il gravite autour de la famille d’Alma et a baisé Brenda dans les bois mais après… On a l’éveil lesbien de Daphne, aussi, la fille d’Alma. Pourquoi ? Parce que la baise. 

Sombres désirs

Je voulais juste être émoustillée, moi…

Et en parlant de baise, on va y aller franco sur ce qui ne fonctionne pas. La tension érotique ! Je suis une obsédée de la tension érotique. Je cours après l’équilibre parfait de cette tension comme je cours après la recette ultime du gâteau nuage comme on en mangeait au Japon. J’ai envie d’être émoustillée et arriver à émoustiller les gens ensuite si je me lance dans une scène érotique. Il n’y en a pas forcément dans tous mes romans, ce n’est pas toujours un sujet. Mais quand j’y vais, faut pas faire semblant. Là, ça ne marche pas et pour deux raisons. La première, c’est que tu ne sens pas la montée du désir. Ballot pour un truc qui s’appelle Sombres désirs. Dans le premier épisode, t’as le bellâtre qui tourne autour d’Alma, ça commence à se coller-serrer puis elle le repousse. Car il ne faut pas, elle est mariée. Ce que la série a voulu me raconter : Alma est tentée mais elle ne cède pas à ses pulsions. Ce que je vois à l’écran : Alma est harcelée par un mec ultra lourd et se sent très gênée par toutes ses tentatives. Il n’y a aucune alchimie. Le mec est un gros relou qui débarque de nulle part en mode “salut, t’es bonne, je vais te pécho”. Et elle “ohlala, je vais fumer en faisant la gueule”.

Alma fume dans Sombres désirs

Les acteurs sont aussi excités que moi devant une salade d’endives

Autre point : ces gens ne baisent pas, ils prennent des pauses. Quand le bellâtre réapparaît après leur folle nuit d’amour, il raconte que ce qu’ils ont vécu était dément, qu’il n’avait jamais connu ça avant. On a donc droit à une scène de baise où on voit Alma bouger avec une lenteur infiniiiiiiie. On comprend que le mec s’affaire quelque part derrière elle mais vu comme elle remue à peine et ne semble pas particulièrement intéressée par ce qu’il se passe, si cette nuit t’a parue si démente… c’est sans doute que tu n’avais jamais rien fait avant. Alors c’est toujours compliqué de représenter le sexe à l’écran, notamment sur la question des coups de rein, on va dire. Je repense à la série espagnole Valeria, sorte de Sex & the city ou Clara Sheller next gen. En beaucoup mieux que Plan coeur. Les scènes de baise étaient vraiment crues avec du pilonnage en règle. Ce n’était pas forcément émoustillant mais c’était réaliste. Autre série : Sense8. Cette série était pas mal érotique dans le genre avec deux ou trois scènes de partouze pas si édulcorées. On a la liaison entre Wolfgang et Kala qui est très proche de l’histoire d’Alma avec une femme mariée fort tentée et une scène de sexe dans une piscine extrêmement graphique et sans coups de rein vénères. Sauf que la tension érotico-amoureuse entre Kala et Wolfgang met un temps infini à se mettre en place. Leur première scène de sexe (dans la piscine) est une apothéose. C’est pas juste une histoire nase de chope en boîte entre un mec qui doit faire ça tous les samedis soirs et une meuf qui cède alors que clairement, elle n’en avait pas envie. C’est glauque.

Sense8
J’ai envie de regarder des montages Youtube sur leur histoire, maintenant

Montrer du cul n’est pas forcément excitant

Bref, que retenir de Sombres désirs. A part que je ne saurai jamais qui a tué Brenda et pourquoi Alma est arrêtée. Que montrer du cul, de façon esthétique ou réaliste, ne suffit pas à créer une tension érotique. Finalement, la tension érotique naît de la préparation. Une apothéose ne surgit pas du néant. Et surtout, on retient : si une fiction te met d’abord en avant le fait qu’il va y avoir plein de sexe partout, c’est que narrativement parlant, ça va sans doute être un échec.            

Nina

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