Par moment, je me pique de sagas. De Blackwater à L’amie prodigieuse, en passant par 1Q84, j’aime suivre une histoire à travers différents volumes. Enfin, quand c’est bien mené. Parce que justement, je râlais sur un roman d’héroic fantasy lu cet été où je trouvais que les 300 pages du premier volume ne servait à rien. Surtout qu’environ un tiers des dialogues, c’étaient des personnages qui s’interpellaient. Et puis j’ai lu le premier volume de Citadins de demain de Claire Duvivier, un univers héroic fantasy où ce premier livre sert surtout à poser l’univers et j’ai adoré. J’éprouvais un réel plaisir à lire ce roman, à le retrouver dès que je pouvais. Ah tiens… y a un truc à creuser, là.
De jeunes aristocrates insouciants. Jusqu’à ce que…
L’histoire. Dans la ville portuaire de Dehaven, Amalia, Hirion et Yonnas aimeraient vivre leur adolescence en toute insouciance. Même si Amalia et Hirion se retrouvent fiancés, aristocratie oblige, ils essaient d’échapper à leurs obligations familiales en s’adonnant à différents jeux dont la tour de garde. Un jour, Hirion trouve un vieux rite dans un livre et décide de l’exécuter. Le trio va peu à peu basculer dans le fantastique, faisant d’étranges découvertes. Tandis qu’une menace pèse sur la paix à Dehaven.
Une part de fantastique plus importante qu’imaginée
Un peu à l’instar de Mon amie Adèle, le fantastique fait une entrée un peu impromptue dans le récit. On est certes dans un univers d’héroic fantasy mais quand l’histoire du rite magique d’Hirion commence, je ne m’attends pas à ce que ça prenne une part importante du récit. Cependant, cette histoire arrive tôt, très tôt dans le roman donc il n’y a pas tant de rejet que ça. Surtout qu’on découvre rapidement quelques mystères, notamment dans la famille d’Hirion. Mais le fantastique surprend. Car l’histoire nous est racontée du point de vue d’Amalia qui est… pour le moins sceptique. Même quand elle observe des phénomènes étranges avec ses amis, elle ne semble pas particulièrement s’y intéresser. Elle participe à quelques “virées mystiques” mais c’est loin de la fasciner autant que ses amis. Surtout que sa famille est directement concernée par les risques de conflits.
L’héroic fantasy, un terrain propice à l’imagination
L’héroic fantasy est un genre assez complexe sur le papier. Pour les auteurices, c’est un terrain de jeu infini. Tu peux tout imaginer dans ton univers, même y intégrer un peu de surnaturel, des créatures mythiques. Sky is the limit. On peut ainsi se retrouver avec des fictions un peu hybrides, très terre-à-terre concernant les jeux de pouvoirs, les alliances et les castes. Et y mettre au milieu des dragons, de la magie et des sortes de zombies. Oui, je parle de Game of thrones mais Le seigneur des anneaux, aussi. Certes, la balance jeu de pouvoir – fantastique est inversée puisqu’on est beaucoup plus dans le bestiaire fantastique que dans Game of thrones. Mais il y a également une lutte de pouvoir et des enjeux politiques. L’épopée arthurienne regorge de créatures mystiques, d’enchanteurs et de mysticisme, mais ça reste un récit politique. Petit lien vers la très bonne vidéo de Fabien Campaner sur le sujet. Dommage qu’il n’en fasse pas plus souvent, des vidéos.
Une fantaisie urbaniste
Ici, c’est assez subtil. La dimension mystique arrive vite avec le sortilège d’Hirion qui permet à notre trio de voir une version différente de leur ville à travers un miroir. Car la particularité des Citadins de demain, c’est que c’est une sorte d’héroic fantasy urbaniste. Le projet autour de ce roman est ambitieux. Il s’agit en fait d’une double trilogie. La trilogie de la capitale du Nord, Dehaven, est donc écrite par Claire Duvivier. Tandis que la trilogie de la capitale du sud, Gemina, est écrite par Guillaume Chamanadjian. Dehaven s’inspire d’Amsterdam tandis que Gemina est plus proche des cités italiennes de Toscane. Ici, la fantasy a donc bien les deux pieds dans une dimension politique puisque ces deux trilogies s’inspirent d’une organisation politique préexistante. D’ailleurs, dans Citadins de demain, Amalia se mêle peu de l’histoire magique de ses amis car sa famille possède une compagnie maritime qui navigue vers les colonies et que celles-ci sont en train de se soulever. Dans ce roman, les ingrédients fantastiques ressemblent plus à une respiration, une pause dans la vie tumultueuse d’Amalia que d’une trame narrative principale. Même si…
Une ambiance prenante et une héroïne sympa
Et j’ai furieusement envie de lire la suite. Et la trilogie du sud, aussi. Bon, là, je vais un peu écluser ma pile à lire mais il n’est pas impossible que je me penche très vite dessus. La question reste la même : pourquoi le premier volume de “Dans la forêt magique” ne m’a pas du tout donné envie d’accorder du temps à la suite de l’histoire alors que Citadins de demain, oui ? Ce n’est pas tant une question d’intrigue et d’intensité. Citadins de demain sert quand même pas mal à poser un décor même si l’action démarre assez rapidement. L’action politique, pour l’essentiel puisque l’action fantastique démarre plus discrètement. Par ailleurs, Citadins de main propose une vraie ambiance. J’ai aimé Dehaven, son ambiance, ses rues. Et surtout, j’ai bien aimé Amalia. Elle n’est pas parfaite mais elle est crédible. J’ai aimé la légèreté de ses liens avec Hirion et Yonnas, j’ai aimé la suivre dans ce passage compliqué d’une adolescence insouciante à une arrivée dans l’âge adulte précoce et précipitée par l’annonce de ses fiançailles avec Hirion. Et surtout, fait assez rare pour être souligné, je l’ai trouvée cohérente de bout en bout. A aucun moment, je ne suis sortie du roman pour me demander pourquoi elle faisait ci ou ça, en dépit du bon sens.
Distribuer les péripéties
Bref, finalement l’art de la saga est là. Etre raisonné dans la distribution des péripéties mais surtout proposer un univers cohérent dans lequel on aimerait pouvoir se promener et des personnages crédibles et attachants. Car je crois qu’en écho, ce fut le principal défaut de “Dans la forêt magique”: les personnages n’étaient que des archétypes vus et revus. Alors pourquoi pas, il y a un lectorat qui apprécie les archétypes. Ce n’est pas du tout mon cas. Et vu que mon temps de lecture n’est pas infini, je vais clairement choisir de poursuivre le cycle de la tour de garde et délaisser l’autre. Enfin, quand j’aurai fini de lire 1Q84 et tous les livres sur ma table de nuit.