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Blackwater : mais pourquoi je suis accro à cette saga ?

Souvent, je vitupère. Ah non, vraiment, cette fiction ne m’a pas plue, je vais vite noter pourquoi pour (tenter de) éviter de commettre la même erreur. Mais s’il est souvent assez facile de mettre le doigt sur ce qui nous horripile, il est plus difficile, par contre, de comprendre la recette d’un succès. Pourquoi j’ai aimé cette fiction-là ? Parfois, les réponses sont évidentes. La beauté de la plume, la force des personnages, la qualité de l’intrigue. Et puis y a la saga Blackwater. J’ai vraiment bien aimé mais suis-je certaine de savoir pourquoi ?

Blackwater de Mickael McDowell

Acheter un livre sans savoir de quoi ça parle

J’ai pourtant démarré ma relation avec cette saga sur un énorme malentendu. J’avais repéré les livres grâce à leur jolie couverture mais j’étais persuadée que c’était une histoire d’espionnage, de guerres secrètes ou je ne sais quoi. On peut faire plus difficilement à côté de la plaque. Parce que l’histoire, c’est une saga familiale qui se déroule au bord d’une rivière en Alabama durant le XXe siècle. Avec une créature mystique de type vouivre ou sirène, je ne suis pas certaine. C’est un peu difficile à définir comme saga parce que l’élément fantastique ne paraît qu’épisodiquement tandis que l’on suit des histoires assez précises de la petite bourgeoisie américaine tout en suivant plus ou moins l’actualité de ce XXe siècle. C’est vraiment une fresque historique avec une touche de créature mythique, je dirais. Pourquoi pas. Donc j’ai acheté cette saga parce que les livres sont jolis et que tout le monde avait l’air de kiffer. Et effectivement, j’avais du mal à lâcher mes bouquins.

La saga Blackwater

Une histoire de femmes

Pourquoi ? Et bien… je ne sais pas trop. C’est plutôt bien écrit, j’ai rien de particulier à dire sur le style mais vraiment, j’ai dévoré les six tomes alors que là, je lambine de fou sur Le triomphe des ténèbres de Ravenne et Giacometti. Je sens que je vais un peu m’énerver sur ce bouquin prochainement par ici, d’ailleurs. Évidemment, le premier point d’accroche, c’est l’élément un peu fantastique sur lequel on veut en savoir plus. Sauf que c’est assez peu le sujet de la saga. Le vrai sujet, c’est l’histoire de la famille Caskey, guidée par des femmes de poigne. Un vrai clan matriarcal.

Le pétrole de l'Alabama

Chroniques du XXe siècle

En réalité, je crois que j’ai bien aimé l’aspect chroniques du siècle. Ce qui m’agace généralement dans les films de type Forrest Gump. Peut-être pour le côté redondant « Vietnam- alunissage – assassinat de JLK ». Avec parfois un peu de Nixon, Reagan et le sida. A la limite, j’avais un peu aimé Le majordome car il y avait un supplément « histoire des Noirs Américains » que je connais très mal. Mais la rapide succession des Présidents me donnait la sensation d’un bal masqué. Au moins, dans The Crown, ça s’étale sur plusieurs saisons. Mais les Caskeys, et la petite ville de Perdido en général, vivent un peu loin de l’actualité. Oui, il est question du crash boursier de 1929 ou de la deuxième guerre mondiale mais les personnages ne le vivent qu’à leur échelle. C’est une chronique du XXe siècle mais personne ne croisé Kennedy, en gros. 

La rivière Perdido

Une histoire de femmes

Et on suit toute une foule de personnages. Des femmes, beaucoup. Les hommes ne sont là que pour subir la volonté des unes et des autres. On a la mystérieuse Elinor, la retorse Mary-Love, la froide Myriam, la douce Frances. Même Sister qui semble condamnée à l’arrière-plan, peut faire preuve de caractère. C’est tellement une histoire de femme que deux d’entre elles s’installent ensemble dans une ferme et se créent une petite famille. Car si les femmes de la première génération restent à la maison, les autres ne se laissent pas enfermer, l’une d’elles devenant même capitaine d’industrie. 

Une femme cheffe d'entreprise dans les 80s

Une famille qui s’émeut peu

Je crois que ce que j’ai particulièrement aimé, c’est l’absence de gros clichés, finalement. Ou plutôt que si les personnages sont quelque peu stéréotypés, ça passe. Oui, on est presque dans l’archétype, des personnages fonction qui suivent le cours de leur vie. Un personnage décrit comme ayant une “forte part de fémininité” collectionne les bibelots en porcelaine. Sa fille “adore le sport et n’a que des copines”. C’est une lesbienne, quoi. Ca manque un peu de finesse. Mais c’est peut-être parce que les personnages ne clament pas perpétuellement leur différence, n’en font pas le centre de leur vie. Ces différences ou trait de caractère sont totalement admis par les personnages C’est clairement explicité sur le couple lesbien de la ferme. A la base, ce n’est pas un couple, ce sont deux cousines qui partent vivre à la campagne pour cacher la grossesse de l’une d’elles. Et puis, à un moment, elles recoivent la visite d’un membre de la famille qui demande où il va dormir vu qu’il n’y a que deux chambres et les deux femmes rient en expliquant qu’elles dorment ensemble. Et c’est vraiment accueilli par un “ah, ok”. Le roman nous indique souvent que la bonne société cancane sur pas mal de faits étranges de la famille Caskey mais entre eux, tout semble normal. Oui, y a un couple lesbien mais qu’est-ce qu’on s’en fout ? Oui, tout le monde s’échange les enfants et après ? 

Grande famille américaine

Une douce alliance un peu mystérieuse

Mais toujours est-il que je n’arrive pas à isoler l’ingrédient qui m’a rendue accro à Blackwater, avalant les six volumes en deux mois à peine alors que je suis toujours sur le même roman de six cents pages dès lors. Mais il me saoule et je m’endors souvent dessus. Ah oui, j’ai repris le taf depuis, ça peut expliquer aussi… Il y a eu comme une magie, une alliance douce d’ingrédients qui donnent à la fin une histoire qui porte jusqu’à la fin logique du récit. Peut-être que BlackWater est une leçon pour celle qui veut toujours tout décortiquer. Des fois, la réussite d’un roman ne tient pas au strict suivi d’une recette, de règles d’écriture… Là, j’ai été charmée par une atmosphère. Ca ne s’explique pas toujours. Et du moment que j’ai passé un bon moment, c’est à peu près tout ce que je demande. 

Nina

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