Raconte moi des histoires

Pour bien raconter les histoires, il faut aussi savoir les écouter

À quoi sert la jolie fille ? 

Recette pour film d’action : un héros vénère, un méchant increvable, un décor qui fait peu rêver… De la bagarre, de la bagarre, de la bagarre. Et une jolie fille à sauver. Là par exemple, je viens de vous résumer Elysium que j’ai chroniqué sur Dystopie la semaine dernière. Et ça m’a inspiré cet article : à quoi sert la jolie fille ? Parce que dans les films et romans, on adore ce personnage féminin fort joli et fragile qui servira de trophée au héros. Mais qui n’a environ aucune autre utilité. 

Frey, la jolie fille qui sert à rien

Comment des personnages qui ne servent à rien peuvent exister ?

Un film, c’est de l’argent. Quelle révélation ! Donc on n’a pas le temps de faire des scènes pour rien ou de créer des personnages inutiles. Et pourtant, parfois, quand je mate un film, je me demande « à quoi sers-tu, personnage ? ». J’en parlais pour Clémence Brunnquell dans L’origine du Mal. Si tu supprimés son personnage, le film sera juste raccourci d’environ 2 mn. Dans Elysium, ma foi, c’est pareil. Frey, la jolie fille, ne sert à rien. Tu l’élimines, l’histoire ne varie pas d’un iota. Quelques scènes changent un peu de dynamique, certes. Le héros sera un poil moins vénère. Mais il se bat quand même pour sa survie à la base donc il a plutôt de bonnes raisons de rester combatif.  Bref, un personnage qui ne sert à rien, n’apporte rien. Si ce n’est un petit supplément de suspense et des facilités d’écriture qui en rajoutent une couche sur le méchant très méchant. Frey ne semble exister que parce que le héros doit avoir un love interest ou une tendre moitié à protéger. Point. 

La jolie fille et le méchant

Une demoiselle en détresse, pourquoi pas ?

Alors je ne dis pas qu’une demoiselle en détresse ne sert jamais à rien. Prenez Sarah Connor dans le premier Terminator. Oui, après, elle n’a plus besoin de personne pour se sauver. Dans le premier Terminator, Sarah est une charmante jeune fille typique des années 80 qui ne se démarque ni par son courage ni par sa force. Pendant la majorité du film, elle est la demoiselle en détresse sauvée à de multiples reprises par Kyle Reese qui aura droit à une récompense. Dans une scène sensuelle à la tension érotique magnifiquement dosée, je le souligne une nouvelle fois. Mais à la fin, Sarah se démerde seule et devient la Final girl , écrabouillant littéralement le méchant robot tueur. 

Sarah Connor dans les années 80

Les femmes comptent moyennement scénaristiquement parlant

Mais on a encore du mal à donner un vrai rôle aux femmes dans le cinéma, surtout d’action. Dans Matrix, Trinity, qui est une combattante de premier plan, devient totalement transparente à partir du moment où elle devient la petite amie de Neo. Je suppose que des rôles féminins comme ça qu’on pare de deux ou trois éléments narratifs qui disparaissent dès qu’elle embrasse le héros pour n’en faire plus que la conquête du monsieur, il y en a un sacré paquet. Evidemment, si vous suivez le travail de Karim Debbache, vous penserez à Highlander II. Et je trouve que c’est un axe d’analyse intéressant. Un sous-test de Bechdel, en quelque sorte, qui là, vient juste demander si le rôle féminin a un quelconque intérêt narratif. 

Trinity, une meuf badass

En vérité, j’ai parfois l’impression que dans les films d’action, la jolie fille est à la fois le trophée et l’épine dans le pied du héros. Dans Elysium, c’est 100% ça. Mais reparlons des films d’aventure des années 80 que j’évoquais la semaine dernière. A quoi sert la fille à part crier devant les araignées pour faire rigoler les spectateurs ? A la limite, dans Indiana Jones I, Marion me semble assez démerde, si j’en crois mes souvenirs. Mais la deuxième, à part crier, être insupportable mais quand même s’offrir au héros, j’ai pas souvenir qu’elle ait vraiment été utile dans le récit. C’est pareil, voire pire, dans les romans de Dan Brown. Dans chaque opus, du moins les trois que j’ai lus, c’est la même salade. Robert débarque quelque part pour résoudre une enquête. Il sait tout et est trop fort et ramasse la fille de l’histoire qui est en pamoison devant tant d’intelligence. Ceci étant, ça, c’est dans la plupart des romans d’action américains que j’ai pu lire. Le héros ramasse l’héroïne et dans l’opus suivant, on n’en entend plus parler. 

La jolie fille comme récompense au héros

La jolie fille en trophée

C’est pas mal comme ça dans les Batman aussi. A chaque opus, la jolie fille promise à Bruce ou Batman. A la nuance près que parfois, c’est Catwoman ou Thalia et qu’elles ne font pas que se faire kidnapper par le méchant en ville. Elles meurent aussi comme des patates. Non, je plaisante. Catwoman est un personnage intéressant dans les films Batman. Justement, elle casse cette dynamique de “A la fin, le héros ramasse la jolie fille”. Et pour le coup, je réalise que la trilogie Nolan est complètement à contre-pied de ça. Puisque la seule fille que Batman finit par ramasser à la fin, c’est précisément Catwoman… Alors que justement, dans les deux premiers volets, Batman n’avait pas la fille puisqu’elle lui préfère son fiancé officiel. Et puis, finalement, elle meurt. C’était tellement couillu de faire mourir la jolie fille.  Je n’ai vu ça que dans les Escape from où la jolie fille qui flirte avec le héros ne sert pas à grand chose. Si ce n’est à illustrer que les êtres (relativement) innocents ont un taux de survie extrêmement bas dans cet univers moisi. 

Taslima, la jolie fille qui meurt dans Los Angeles 2013

Les jolies filles qui meurent, c’est surtout le truc des films de vengeance. Max Payne, Mad max (le premier, pas le reboot) et son pendant manga Ken le survivant. D’ailleurs, à propos de Mad max, fury road cette fois, je trouve le traitement des jolies filles assez intéressant. On a Charlize Theron qui est mutilée, les femmes d’Immortan Joe qui sont d’une beauté époustouflante mais qui sont justement bien plus que de simples beautés. Elles se battent pour leur liberté comme elles le peuvent. Survie fortement menacée et on l’a donc vu : dans les films où le danger rôde, les jolies filles peuvent mourir.  Sans avoir toujours plus d’utilité que ça. “Regarde, ce monde est horrible, même les jolies filles ne sont pas à l’abri”.

La mort d'Angharad dans Mad max fury road

Encore peu de vrais personnages féminins dans les actionners

En fait, plus je creuse le sujet, plus il devient difficile de trouver de réelles utilités aux jolies filles dans les histoires un peu bourrines. Evidemment, vous allez me dire “Hé mais Lara Croft !”. Oui, pour le coup, tu l’enlèves de l’histoire, y a plus d’histoire vu que c’est elle qui fait tout, y compris la bagarre. Même s’il y a toujours une fétichisation de ce personnage. Mais pour le coup, le joli garçon de l’histoire n’est pas juste là pour faire joli. Il a un rôle. Peut-être nul, je dis pas, mais ça permet de mettre une scène un peu sexy dans l’histoire. Mais le fait est que les filles badass finissent toujours par devenir un peu gourdes pour que le héros vienne leur sauver les fesses. La jolie fille en détresse fait partir du cahier des charges. Même si on ne sait pas trop quoi en faire.

Vicky Vale

Une date de péremption précoce pour les actrices

Et c’est assez triste car il y a un double effet kiss-kool à ça, du moins au cinéma : la date de péremption très précoce des actrices. Car la jolie fille doit être jeune avec un côté un peu innocent, vous voyez ? Passé un certain âge, ces dames ne peuvent plus jouer que des méchantes plus ou moins charismatiques dans des dystopies Young Adult. Je veux dire si on prend les James Bond, exemple parfait de films où la jolie fille ne sert que de trophée. Ou c’est une méchante que le héros va butiner au début avant de la tuer à la fin ou à peu près, penchons nous deux secondes sur les écarts d’âge. Les partenaires féminines de James Bond ont en moyenne 28 ans quand lui en a 43. Oui, ça a été calculé et pas par moi

James Bond girl en danger

Allez, on sort des rôles de princesses passives, un peu ?

Bref, j’aimerais assez que le cinéma offre de vrais rôles féminins, pas juste de jolies filles en détresse à qui on va offrir deux ou trois skills histoire de masquer le vide complet de leur personnage. Parce que oui, on aimerait bien parfois qu’en matant un film, on nous offre autre chose que “tu vas voir, le mec va sauver la princesse et l’embrasser”. Ou plus. J’ai passé l’âge des Disney. 

Nina

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