Et on va bientôt entamer notre troisième semaine de confinement et, maintenant que la sidération est passée et que nous nous enfonçons dans une sorte de routine, posons-nous la question : un journal de confinement, est-ce vraiment une bonne idée ?
Une coquille vide
Non. Franchement, je suis désolée mais nous ne sommes pas Anne Frank. Et nous devrions remercier le Ciel, la providence, la chance ou qui vous voulez pour ça. Est-ce qu’on vit quelque chose d’exceptionnel ? Oui, certainement. Est-ce que ça impacte notre quotidien. Oui et encore, on n’en est qu’au début (oui, désolée). Mais surtout, en terme de narration vide, ça se pose là. Cher journal de confinement, aujourd’hui… rien.
Et il ne se passa rien
Je vais vous résumer mes quinze jours de confinement.
- Première semaine, j’essaie de trouver une routine.
- Deuxième semaine : j’allais la trouver mais je suis tombée malade.
Ah oui, moi, j’ai une petite fantaisie, la maladie. Le coronavirus ? Non, pensez bien, je serais pas là à vous raconter ça, je serai au lit à délirer en italien. Oui, quand j’ai de la fièvre, je délire en italien. Ca pisse pas loin, je me répète un mot en boucle de type “quadordici”. Ca veut dire quatorze et c’est pas passionnant. Cependant, ça m’arrive parfois au réveil, l’autre jour, c’était “caterpillar”. Ma vie est nulle, tu m’étonnes que je renonce à l’écriture d’un journal intime. Bref, jeudi soir, fièvre. J’enfile mon pyjama pilou en stress. Je ne veux pas une fièvre de 14 jours. Puis j’ai vomi et ça m’a rassurée. Le vomi ne fait pas partie des symptômes ! En fait, j’ai chopé une bactérie qui m’a déclenché un érysipèle. C’est une maladie de peau moche, n’allez pas googler ça. Bref, après mille péripéties, j’ai chopé une ordonnance, je suis sous antibio, fin de l’aventure.
S’occuper pour tromper ses angoisses
Voilà, j’ai résumé 15 jours de confinement. Oh, j’ai des petites occupations, je prends des photos du dehors, je vais faire un tour dans le jardin de la résidence, je fais des perles hama. J’ai essayé l’origami mais mon livre explique vraiment mal. Je vais passer mes certifs en espérant me faire licencier. J’a des petites angoisses genre mon départ à Toulouse qui me paraît de plus en plus compliqué. En tout cas dans de bonnes conditions. Ah oui, mes angoisses. Je pourrais écrire des pages dessus, sur le fait que je ne sais pas quand on va sortir. Mon ascenseur émotionnel est au top actuellement, il monte et descend à toute allure, une vraie montagne russe ! Mais mes angoisses étant les mêmes que tout le monde, personne n’a envie de lire ça, personne. A la limite, qu’on se rassure en se disant qu’on les a tous, ok. Mais en faire une encyclopédie, franchement, bof. Partageons des photos de chats mignons, plutôt.
Journal de paranoïa
Il faut un certain talent d’écrire sur le rien, dramatiser l’ennui. Perso, c’est un exercice qui me déprime plus qu’autre chose. Evidemment, il y a la menace de la maladie, la paranoïa. Est-ce que je n’ai pas la gorge qui gratte ? J’avais déjà ça avant ? Cette collègue avec qui j’ai passé la semaine juste avant le confinement et qui est malade, qu’a-t-elle ? Est-ce que dans les boxes de réunion, y avait-il même une seule chance qu’on soit à un mètre de distance ? La période est propice à la réflexion. Moi, par exemple, j’ai un peu envie d’aller faire la révolution en sortant. Mais un journal quotidien de nos atermoiements…
Entrera-t-on dans l’histoire ?
Surtout que je me pose la question : que se passera-t-il après ? Dans cinq ans, dix ans. Est-ce que ça rentrera dans les livres d’histoire ? On a l’habitude de parler de “moment historique”, à tort (gagner une coupe du monde) ou à raison (la chute du Mur de Berlin). Bien sûr que les circonstances sont exceptionnelles… pour les Humains du XXIe siècle que nous sommes. Nous ne sommes plus vraiment confrontés à la maladie. Moi, j’ai grandi avec la peur du SIDA mais ça restait une maladie “facile” à éviter à partir du moment où nos comportements étaient irréprochables. Mais la maladie devenait une lointaine menace. On fantasme même depuis plusieurs années sur le transhumanisme, certaines dystopies nous racontent l’immortalité… Ca nous sidère d’être touchés à ce point par la maladie. Mais je pense qu’au niveau de l’Histoire, ça risque d’être un paragraphe sur l’histoire du XXIe siècle, plus en introduction de la crise économique qui s’annonce qu’autre chose. A moins que l’on renverse enfin le capitalisme. Le rêve…
Un exercice poseur
Bref, je ne trouve pas l’exercice du journal du confinement très intéressant, à moins de vider vos angoisses. Sinon, c’est poseur et globalement à côté de la plaque, surtout quand on tend la plume à de grandes bourgeoises déconnectées. Même si moi, j’ai cru que Darrieusecq faisait du second degré et je trouvais ça drôle. D’ailleurs, c’est le seul journal de confinement acceptable, la parodie. Et comme je suis sympa, je vous refile de la bonne came : le journal de Ludivine de Saint-Léger, écrit par l’inénarrable Aude Sécheret.
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