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Pour bien raconter les histoires, il faut aussi savoir les écouter

Quand apparut la jolie princesse

En ce moment, je cuisine. Parce que le chômage et les légumes d’été. Et pendant que je coupe mes légumes pour faire une petite ratatouille des familles, j’écoute des livres audio. Puis je lis sur la plage après ma petite séance de nage, aussi. Bref, en ce moment, c’est petit bain de fictions et c’est là que je repère des défauts d’écriture qui me crispent un peu. Surtout quand c’est répété à l’envi. Donc aujourd’hui, on va parler heroic fantasy et jolie princesse. Jolie, jolie. A croire que c’est la seule chose qui la caractérise, même.

La jolie princesse

L’heroic fantasy, un univers compliqué

Je lis assez régulièrement de l’heroic fantasy. Alors que c’est un genre qui peut très vite m’agacer tellement le risque de patauger en clicherie est grande. Surtout que ça se prend souvent grave au sérieux. Je veux dire, tu prends Xena, y a pas autant de flonflon. Mais la vie dans des châteaux fantasmagoriques et Royaumes imaginaires, ça agite l’imagination. Je ne critique pas ça, j’en écris actuellement deux. Enfin, j’en écris… J’écris queudalle en ce moment mais passons. Effectivement, imaginer des guerres, rivalités de château et tout ça, c’est exaltant. Et, curieusement ou pas, ces romans tournent souvent autour d’une héroïne badass genre princesse guerrière qui botte des culs. Comme dans ce roman que je vais appeler “Royaume du jour” qui m’a quand même un peu agacée… 

Xena en jolie robe

Une princesse guerrière transformée en Miss Monde

Dans Royaume du jour, nous avons donc une princesse guerrière. Au début, c’est limite Arya Stark avec un soupçon de Katniss. En gros, une meuf qui se déplace à dos de loup en tirant à l’arc divinement. Elle s’illustre sur un champ de bataille puis décide d’aller se marier avec le prince aîné du camp d’en face pour arrêter la guerre. Ok, pourquoi pas. On va donc suivre sa vie au Palais du Royaume du jour où elle va globalement se languir et soupirer d’amour pour un autre que son époux. Bon, déjà, me vendre une héroïne badass pour en faire une sorte de belle endormie ensuite, c’est assez étrange. C’est un peu l’inverse d’un autre roman, dystopique, que j’avais lu où l’héroïne passait de la belle à la crasseuse du désert. A peu près. Mais surtout, ce qui m’exaspère, c’est que la beauté de la princesse est répétée à longueur de roman. Et pas uniquement par les personnages. L’autrice s’en donne à coeur joie aussi. Outre les passages où la princesse porte de belles robes et que tout le monde s’extasie sur sa tenue. Parce qu’elle laisse deviner de son corps parfait, sa belle peau, etc. Y a l’adjectif de “jolie” utilisé en permanence. Même dans les moments où la joliesse de l’héroïne n’a aucune importance.

Une jolie princesse Disney

La beauté n’est pas un bon moteur narratif

Et le pire, c’est que l’autrice a trouvé utile de lui associer une rivale. Une rivale qui n’a pour elle que sa beauté et ses appétits sexuels. Ok mais du coup, c’est étrange d’opposer à l’héroïne un antagoniste qui a finalement les mêmes caractéristiques. Ah oui, l’antagoniste se moque de l’héroïne parce qu’elle tire bien à l’arc mais sinon… Et notre héroïne est assez frigide et coincée. Mais globalement, c’est rififi chez les Miss monde leur rivalité. Et puis ça m’énerve car la beauté de l’héroïne est un moteur de l’action. Quand elle doit partir pour le Royaume du jour, elle doit être escortée par un garde royal de son futur Royaume. Celui-ci arrive peu disposé à être sympa avec elle car c’est une étrangère. Mais dès qu’il la voit, il la trouve si belle qu’il devient aussitôt son protecteur. Mais… ? On a du bol qu’elle soit belle finalement vu que c’est environ la principale dynamique dans son rapport avec les autres.

Audrey Hepburn en princesse

La beauté des femmes, un sujet compliqué

La beauté des femmes est toujours un sujet un peu compliqué dans les fictions. Déjà dans les fictions audiovisuelles puisque les actrices, surtout celles de premier rôle, font carrière parce qu’elles sont belles. Et talentueuses, oui. Mais à deux actrices à jeu égal, on va sans doute prendre la plus belle. D’ailleurs, dès qu’une belle actrice accepte de « s’enlaidir » pour un rôle, souvent prendre du poids, toute la promo du film tourne autour de ça. Cf Charlize Theron dans Monster ou Mad Max. E je l’adore dans le rôle de Furiosa, hein. Juste que je suis toujours saisie de voir qu’à Hollywood, se déguiser peut vous rendre éligible à un Oscar. Donc oui, on est inondés de belles femmes dans les rôles titre et ça imprègne notre imaginaire quoi qu’il arrive. Du coup, quand une fiction veut aller un peu à l’encontre de ça, on nous inonde de petits appartés sur son imperfection. Typiquement Bridget Jones qui n’arrête pas de parler de ses bourrelets. La même qui m’a appris que peser 59 kg, c’était être grosse et indésirable… Lol. 

Bridget Jones n'était pas grosse

Alors que la beauté masculine n’est pas un sujet

A-t-on donc que ça à nous proposer ? Surtout que si je compare avec les descriptions des personnages masculins, leur beauté n’est pas un sujet. Ils sont blonds, tatoués, musclés… Mais ni beaux ni laids. Alors ça, c’est curieux. Surtout que le roman tourne pas mal autour d’un désir non assouvi entre notre héroïne et un homme qui n’est pas son époux. Et jamais la beauté de cet homme n’est évoquée. Si je compare à un autre roman d’héroic fantasy lu tout récemment, il y a également une intrigue amoureuse, des sentiments naissants. Mais l’autrice met plus l’accent sur le ressenti des deux protagonistes, leur complicité, leur plaisir de se voir et de passer du temps ensemble… On imagine sans difficulté qu’ils sont attirés physiquement l’un par l’autre aussi. Mais on ne nous rappelle pas toutes les deux pages que la princesse est fort jolie. Surtout que je ne suis pas stupide, y a pas besoin de me répéter 150 fois que l’héroïne est une jolie princesse pour imprimer.

Se limiter dans les descriptions

Je parlais il y a longtemps de la nécessité de décrire ses personnages ou non et je suis de plus en plus persuadée qu’il faut en faire le moins possible. Se limiter à ce qui peut servir le propos. Dans la version 02 de Technopolis, une oeuvre morte in vitro au bout de 345 pages, je n’avais donné que quelques infos limitées sur Oceany. Elle avait les cheveux rouges et s’habillait avec des couleurs flashies, suivant la mode de son cercle social. Blanche aussi par rapport à l’organisation de la société. Point. Ni grande, ni petite, ni mince, ni ronde, ni jolie ni moche. Ce n’était pas le sujet. Parce que je m’en fichais. Ca n’avait aucune espèce d’importance et ça offrait à l’audience la possibilité de l’imaginer comme elle voulait. Surtout que la beauté est follement subjective, ne l’oublions pas. Si Oceany ou n’importe laquelle de mes héroïnes est “jolie” voire belle dans le texe, c’est parce que je suis le point de vue d’un personnage qui la trouve ainsi. Et sa beauté ne saurait être un moteur narratif. Sauf dans mon projet, lui aussi avorté, de “Melania, la cinquième colonne” où ma Melania à moi était avant tout belle. Ce qui lui permettait d’arriver là où elle en était. 

Melania Trump

Ca ne suffit pas à qualifier un personnage

Bref, le cliché de la jolie princesse m’agace, surtout quand je passe de Xena à Blanche Neige en quelques pages. Ok, on peut être jolie et badass, cf Katniss dans la version filmique d’Hunger Games. Dans le roman, ce n’est pas spécialement précisé, d’ailleurs. Mais là, le contraste est si marqué que la beauté de la princesse devient sa principale caractéristique, voire l’unique. Et c’est très maigre pour qualifier, un personnage. Vraiment…

Nina

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