Quand j’ai décidé de reprendre l’écriture, j’ai pris la décision de le faire publiquement, à savoir en parler à mon entourage, afin de ne pas flancher en cours de route. Et j’ai réussi la première étape, j’ai mis un point final à Green !, version manuscrite et version numérique, me reste la relecture. Et là, mes amis, bien attentionnés, me demandent avec une pointe d’excitation “ je peux te lire ?”. Mon coeur s’emballe.
Le jugement d’inconnus m’indiffère…
Je ne me sens pas nerveuse à l’idée de soumettre ma prose au jugement impitoyable d’éditeurs dont la majorité me dira certainement “merci mais non merci”. J’y suis préparée et j’ai déjà prévu le plan B en mode “bé je le balancerai en auto édition et je leur enverrai le prochain”. Déterminée, la meuf. Parce que ces gens-là, je les connais pas donc leur opinion sur moi m’indiffère relativement. Non pas que j’estime qu’elle ne vaut rien, je suis tout à fait prête à entendre leur avis sur mon travail et à me remettre à ma place de scribouilleuse du dimanche. Mais ils ne jugeront que mes mots, pas mon moi.
Mais pas celui de mes proches
Alors que mes proches, ils liront mon texte en ayant dans un coin de leur esprit “ça, c’est Nina qui l’a écrit”. C’est un peu con mais c’est comme leur faire lire mon journal intime, finalement. Green !, ce n’est pas mon histoire, loin de là. Mais y a du moi dedans et l’exposer à ceux qui me connaissent, c’est lever un bout de voile sur ce que je suis, in fine. Leur avis compte. Il compte terriblement. Je m’en fiche de “décevoir” des éditeurs, si tant est qu’on puisse décevoir des gens qui n’attendaient rien de moi vu qu’ils ne connaissaient même pas mon existence avant de découvrir mon manuscrit sur mon bureau. Mais mes proches, mes proches…
Mes premiers lecteurs étaient des voleurs
J’ai toujours eu du mal là-dessus et ceux qui ont lu ma prose de jeunesse étaient des petits voleurs, quelque part. Ma soeur, d’abord. Elle me piquait mes classeurs où je rangeais consciencieusement mes romans et les lisait en cachette avant de me donner son avis (toujours bon). Il y eut mes amies de fac aussi qui m’avaient piqué mon classeur avec le roman dont j’ai totalement oublié le nom et qui se le passaient, le dévorant en une nuit et qui avaient une réaction assez étrange “ah ouais, c’était trop bien mais Bidule, à la fin, il finit seul, c’est triste”, Bidule étant un personnage secondaire dont je me foutais royalement. J’étais super gênée quand quelqu’un débusquait l’un de mes classeurs et me demandait le droit de lire, me mettant devant le fait accompli. Oui, tu peux lire mais sache que ton avis compte pour moi. Peut-être trop.
Votre intérêt me touche
Alors voilà, tout le monde veut lire mes histoires. Je suis flattée, touchée, je sais qu’il s’agit d’un réel geste d’amour ou d’amitié. Oui parce que Victor s’intéresse aussi à ce que j’écris, hein. Je lui ai déjà tout raconté l’histoire de Maja et il était un peu fier, je crois). Mais ça me terrorise plus que d’envoyer mon manuscrit soigné aux petits oignons à ceux qui ont entre leur main mon destin d’écrivaine. Parce qu’autant j’admets que je ne suis pas prête pour la grande aventure de l’édition à laquelle je ne connais rien, autant je ne peux pas m’imaginer face à quelqu’un que j’aime qui trouverait mon histoire fade et sans intérêt.
Des bêta-lecteurs pleins de bienveillance
Des fois, je me dis qu’on ne devient jamais tout à fait adulte. C’est la même terreur que j’avais enfant au moment de monter sur scène pour le spectacle de l’école où il ne fallait pas décevoir les parents, alors même que je jouais du carillon entouré d’une trentaine de gosses qui jouaient tous la même chose donc personne n’aurait jamais su si je m’étais plantée. C’est la même gêne quand je dois chanter devant des gens qui comptent pour moi alors même que j’ai fait de la chorale et que je n’ai jamais prétendu être une grande chanteuse. Sans doute que le regard scrutateur des inconnus est plus facile à supporter. Je dois sans doute me souvenir : mes amis veulent lire ma prose par unique bienveillance… et un soupçon de curiosité.
3 réflexions sur « Je peux te lire ? »