Raconte moi des histoires

Pour bien raconter les histoires, il faut aussi savoir les écouter

En 2024, je me la joue aristocrate russe

Ou experte sur LinkedIn mais on va être dans la même veine. Quoi, y a un rapport entre une aristocrate russe et un expert LinkedIn ? Oui, le coeur de ma résolution. Vous allez voir, c’est limpide quand j’explique. Donc fin 2023, le plaisir de l’écriture revient, ravivé par le traditionnel nanowrimo donc en 2024, je reste sur cette veine mais j’ai envie de rajouter un truc : écrire des essais. Le truc de l’aristocrate russe.

Anna Karenine, une aristocrate russe

Quand je lis des romans de Tolstoï, je suis toujours amusée de constater que la vie des aristocrates consiste à passer leur journée à écrire un ouvrage sur une figure historique, une méthode d’agriculture, etc. Y a la même dans les romans anglais du XIXe siècle genre Orgueil et préjugés mais je trouve qu’aristocrate russe sonne plus mystérieux qu’aristocrate anglais. Et je préfère quand même Tolstoï à Austen, pure question de goût. En vrai, c’est une pure question d’ennui “hmm, je suis riche et je ne sais pas quoi faire de mes journées. Je vais donc écrire”. On n’a pas assez mangé de riches dans l’histoire, moi, je vous le dis.

Eat the rich

Bon, je me moque mais je ne vous cache pas que ça me plaît, cette histoire. Laissez-moi vous parler de mon grand-père. Pas du tout un aristocrate russe mais un médecin catalan. Son temps libre, il le passait à créer des petits précis comme un sur les champignons, des petites BD. Je crois qu’il a fait quelques petits films aussi. Bref, il écrivait, il dessinait. Si on se demande de qui je tiens mon besoin constant de bricoler des histoires, faut pas chercher loin. Même physiquement, je suis son portrait craché. Bref. Mon grand-père créait essentiellement pour lui. On a récupéré ses écrits à la mort de ma grand-mère et il y avait deux BDs. Une sur la corrida qu’il avait faite pour lui. Autre temps, autre moeurs et la Catalogne. Moi, j’ai passé des étés au rythme du taureau piscine, hein. Et une autre BD qui reprenait les trois petits cochons destinés à ses petits enfants. Dramatiquement coloriée par eux, d’ailleurs. Et si on considère les âges des uns et des autres à sa mort, il y a de forte chances que je sois la coloriste dramatique.

Enfant qui peint en se salissant

A présent que j’ai décidé d’avoir une stabilité dans ma carrière, il y a un vide un peu vertigineux qui s’ouvre : à quoi pourrais-je consacrer ma vie ? Depuis que je suis adulte, je cours après quelque chose. Un nouveau mec, un nouveau job, un nouvel appart. Pas tout en même temps, évidemment. Il y eut quelques périodes où je n’ai rien cherché. A minima la période 2016 après notre installation avec Victor jusqu’à fin 2017. 2019, aussi même si c’est là que j’ai décidé qu’on allait quitter Paris. Mais là, je sors de trois années intenses : 2020, quitter Vinyl vite puis 2021, quitter Epicea vite, option “trouver un appart à 500 km de là où on vit”. 2022, quitter un boulot nul. 2023, se faire éjecter d’un boulot nul. Avec une formation data entre temps. Tu m’étonnes que, tout à coup, le calme m’effraie. La peur de l’ennui qui contamine la vie d’aristocrate russe.

L'ennui des gens riches

Mais ce n’est pas parce que je n’ai plus ces projets-là que je ne dois plus avoir de projets tout court. Dans l’idéal, je vais garder mon mec, mon job et mon appart et consacrer toute mon énergie à la culture. Avec un petit ou un grand c, on va laisser les marottes se faire. C’est déjà un peu ce que je fais ici avec les séries coréennes, turques ou télénovelas où j’essaie de repérer les patterns. Ou les dystopies, évidemment. Pourquoi ? Parce que j’aime bien, déjà. C’est le principe de la marotte culturelle, gratter les couches pour essayer de comprendre les rouages, les mécanismes, les suites logiques, les racines. Quand j’ai commencé les séries coréennes, j’étais très surprise de l’omniprésence de la corruption dans leurs fictions. En reprenant leur histoire politique, j’ai compris. Là, je regarde une série sur des couples et je gratte plein d’éléments sur la vie matrimoniale en Corée, l’obsession des apparences. La série est parfois inspirée, parfois non mais je trouve le fond vraiment intéressant, que ce soit volontaire ou non. Je pourrais dire la même chose des télénovelas puisqu’on a peu ou prou les mêmes dichotomies de classe, le cul en plus. Et pour ceux qui pourraient douter de la possibilité de lire une société à travers sa production la moins “élevée”, dirons-nous, découvrez l’excellente vidéo de Cinéma et Politique sur les soaps

Et puis, j’ai un peu envie de me la jouer experte. J’ai un syndrome de l’imposteur maximus et j’ai parfois du mal à me montrer affirmative sur certains sujets. Je veux dire tant que j’ai pas lu x livres sur le sujet, regardé ou écouté tant d’émissions, etc. Déjà, sur la culture, je n’ai pas grandi dans un foyer très éclectique sur le sujet. On regardait peu de films, on n’écoutait pas trop la musique. J’ai donc d’énormes lacunes dans le cinéma et la musique des années 80 et a 90, par exemple. Surtout sur la culture américaine que ma mère a toujours détesté. Et même la lecture, j’ai mis du temps à lire “les grands classiques”. A dire avec un accent snob. J’ai un souvenir, à la fac, où je lisais une anthologie des légendes arthuriennes de Jean Markale. Un mec qui traînait dans notre entourage et très sûr de sa supériorité intellectuelle décida qu’il était temps de m’écraser de sa suffisance. Le mec part donc avec ses potes (aka les meilleurs amis de mon mec de l’époque, un couple assez toxique) en mode “c’est nul, c’est mal écrit Markale”. J’approuve mollement car oui, c’est pas de la grande littérature mais le mec me lâche pas “mais pourquoi tu lis si c’est de la merde ?”. Et là, j’ai un peu craché le fond de ma pensée “parce que ça me plaît. Pardon de ne pas avoir de goûts aussi nobles que les tiens”. Ca a fait du bien.

Le snobisme intellectuel

J’ai longtemps eu un complexe d’infériorité vis-à-vis de ma culture car je n’ai pas été élevée dans l’amour de l’Art. J’ai eu une passion pour les impressionnistes plus jeunes mais c’était parce que je trouvais ça joli. Idem pour Botticelli. Mais je préférais lire des Alice que du Stendhal, je vouais un culte à Agatha Christie et j’ai lu quasi tous les Mary Higgins Clark. Jusqu’à ce que je pige sa recette. Et les Stephen King aussi mais ça, ça n’a jamais fait l’objet de jugement, j’ai l’impression. Ce n’est qu’avec ma folle passion pour Moravia que j’ai eu l’impression d’acquérir un certain vernis intellectuel. Je me suis donc longtemps sentie illégitime. Et aujourd’hui, encore, j’ai parfois peur quand je propose l’interprétation d’une oeuvre. Alors que j’étais douée à ça en lettres, en plus. Au lycée, les lettres, hein…

Les livres Profil
Typiquement le genre de livres que j’aimerais, ils étaient bien faits

Mais à l’ère de la pop culture, notion qui m’agace parce qu’elle me paraît bien floue, il suffit de peu pour se dire expert. Tu fais un an d’Erasmus aux Etats-Unis et te voilà l’ultime référence sur le sujet. Tu te dis cinéphile et tu ouvres une chaîne Youtube, pof, tu deviens une sommité. Ca marche pour pas mal de sujets, certes, mais le cinéma, vraiment… Ce qui fait que j’apprécie pas mal un Not Serious, par exemple, qui fait des revues ciné en rappelant régulièrement qu’il aime bien le cinéma mais ne se considère pas comme cinéphile. “Cinéphile”, à dire avec un accent snob. Y a des personnes qui font du très bon boulot, je ne dis pas. Je suis toujours admirative du travail documentaire de Meeea et je suis contente qu’elle ait participé à un contenu bonus sur un coffret Columbo. J’aime bien le travail du Tropeur sur l’écriture scénaristique, aussi. Karim Debbache qui a influencé tout le Youtube ciné game, évidemment. Mais quand je vois qui se dit expert de quoi, je me dis que moi aussi, je peux jouer.

Dormir au cinéma

Ok donc je vais me la jouer experte en me documentant sur des trucs. Ok, super. Mais sinon, l’écriture ? Justement l’écriture. J’envisage deux volets. Le volet fictionnel que je vais (tenter de) poursuivre comme sur la fin de l’année avec de l’écriture “dès que je peux”. Je me suis fixée un quota quotidien de 850 mots. Que je ne tiens jamais, au demeurant. Mais j’essaie. Pratiquer chaque jour autant que possible. D’abord l’histoire de Claire puis après, on verra. Peut-être que je reprendrai mes gribouilles abandonnées. Ca ou autre chose. Peut-être que je vais prendre un de ces romans et le retravailler correctement et tenter l’aventure éditoriale un peu sérieusement. En mode projets, pour reprendre ce que je disais plus haut. 

Faire corriger  son manuscrit

Et puis, je vais écrire des documents. Comme si j’étais une aristocrate russe de Tolstoï. J’ai pas mal d’idées sur la forme, je ne suis pas arrêtée. Sortira ce qu’il sortira. Des infographies, déjà, pour sûr, mais pas que. Je pensais à un format un peu « exposé », pour voir. Pour réapprendre à utiliser des Frontpages ou je ne sais plus quel logiciel. Peut-être des essais, si j’ai le courage. Le problème est de ne pas lâcher. Dans l’écriture fictionnelle, par exemple, j’aime l’action du premier jet. La réécriture et la correction, j’ai pas l’énergie. Rien que d’y penser, j’ai envie d’aller me coucher. Le côté documentaire, c’est l’inverse. J’ai envie de continuer à accumuler des infos, de la donnée. Lire, lire, lire. L’écriture, ici, me paraît un processus un peu terne. Amusant, cette dichotomie…

Lire à la bibliothèque

Bref, en 2024, je vais tenter de me remettre sur les rails. Avec une nouvelle identité de scribouilleuse, peut-être, en essayant de créer des contenus un peu différents, plus instagrammables. Ou tiktokables mais vu que j’ai toujours pas le courage de me lancer sur Tiktok… Je vais aussi profiter de ma nouvelle identité de scribouilleuse pour suivre plein de gens qui écrivent, histoire de prendre leur vague. Oui, je pense qu’on est tous en mesure de choisir nos influences et moi, je choisis les gens qui font ce que je traîne trop à faire. 

Nina

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