Et qui se révèle être un excellent exemple pour illustrer la théorie de l’engagement et les biais cognitifs . Bien malgré lui ! De temps en temps, j’aime bien mater des petits documentaires Netflix. Histoire de découvrir les coulisses de la F1, les concours de cheerleaders, l’histoire de films ou de chansons… De la petite culture pop. Qui m’a permis de remettre The look de Roxette. Je le signale juste parce que cette chanson me met de bonne humeur. Peut-être qu’elle aura le même effet sur vous. Et en novembre, on a besoin de boosts de bonne humeur. Mais Netflix, ils aiment surtout les faits divers. Quitte à offrir un plaidoyer à un mec pas si innocent, apparemment… Mais aujourd’hui, je vais m’intéresser au documentaire DB Cooper. Que j’ai trouvé assez nul sauf sur un point qu’il a atteint tout à fait accidentellement.
Un étrange détournement d’avion
Donc l’histoire de DB Cooper. En 1971, un avion de la compagnie Northwest Orient Airlines est détourné par un homme prétendant avoir une bombe sur lui. L’avion atterrit à Seattle comme prévu, débarque les passagers. Puis l’avion repart avec à son bord : le pilote, le co-pilote et une hôtesse ainsi que notre pirate. Durant l’escale, il a obtenu 200 000 dollars en liquide et quatre parachutes pour les quatre passagers du vol. Histoire de s’assurer qu’aucun n’est piégé. DB Cooper n’a pas détourné n’importe quel avion mais un Boeing 727 qui a pour particularité de pouvoir s’ouvrir à l’arrière. DB Cooper exige que l’avion vole pas et lentement et exige que le personnel navigant reste dans le cockpit. L’homme disparaît de l’avion en sautant par cette porte arrière. Personne ne sait exactement quand il a sauté, pas même les chasseurs qui le poursuivaient et il n’a jamais été retrouvé.
Une histoire parfaite pour un reportage
Un scénario rocambolesque qui ferait un très bon épisode pour Mayday danger dans le ciel. Qui a déjà traité d’une prise d’otage qui finit (à peu près)bien. Y a pas que des histoires de crashes parce que l’avion était cassé ou les pilotes à bout de fatigue. Bref, l’histoire de DB Cooper ne prend pas trois heures à raconter. Et ma théorie préférée, qui n’est pas dans le docu, c’est celle d’un coup monté par l’équipage. Que j’avais lue sur le blog d’un pilote de ligne que je ne retrouve pas. En gros : personne n’a parlé à cet homme, tout est basé sur les déclarations de l’équipage. La bombe a été vue par une hôtesse, c’est le pilote qui négocie avec la police en rapportant les propos de l’intéressé. Et les passagers ont un souvenir très vague de l’individu vu que le vol s’est passé sans encombre. Même dans un avion où on est peu (36 passagers), y a peu de chance que je me souvienne d’un mec assis ailleurs qu’à côté de moi, voyez… Cette théorie ne sera pas présentée dans le reportage et c’est bien dommage.
Allonger la sauce au-delà du raisonnable
Bref, l’histoire est bien sympathique mais pas de quoi tenir des heures. Et pourtant Netflix a réussi à nous pondre quatre épisodes. Alors mon avis en 2*2 : si vous êtes intrigués, matez le premier épisode et restez-en là. Le reste est chiant et sans aucun intérêt, ce sont juste des gars qui sont persuadés d’avoir résolu l’affaire et vont harceler de vieux messieurs. A peu près. Et si je me suis franchement ennuyée et que l’attitude des enquêteurs du dimanche m’agaçait pas mal, il y a deux points qui m’ont cependant paru intéressants. De un, cette manie américaine de s’improviser enquêteur. On trouve ça assez régulièrement dans les reportages policiers de Netflix, des gens qui font des enquêtes sur leur ordi. Alors pourquoi pas mais ces gens-là ont aussi tendance à se transformer en harceleur dès qu’ils ont ferré un coupable. Mais surtout, ce reportage sur DB Cooper est la meilleure illustration possible des biais cognitifs et de la théorie de l’engagement.
J’ai raison quoi qu’il se passe
Sur l’enquête DB Cooper, nous avons Thomas Colbert, un enquêteur amateur totalement obsédé par l’affaire qui y a investi une partie de sa fortune personnelle. Il me fait penser à ces personnages de riches nobles dans les romans genre Guerre et Paix, Anna Karénine, où quand tu leur demandes ce qu’ils font dans la vie, ils sont toujours en train d’écrire un livre sur un obscur général. Là, c’est un peu pareil. C’est l’histoire d’un oisif qui a décidé de se lancer dans un projet que personne ne lui a confié. Le gars se persuade d’avoir trouvé le coupable, un dénommé Robert Rackstraw. Il a toutes ses preuves, il est sûr de son fait. Bon autant vous dire que sa théorie tient assez mal l’épreuve des faits mais le gars est sûr de sûr de son coup. Il va donc aller emmerder Rackstraw, vite saoulé de se faire emmerder par des inconnus qui viennent le filmer chez lui en hurlant par dessus son grillage “C’est toi qui as détourné l’avion ? Allez, viens, on en parle !”. Le vieux monsieur n’a pas le courage de « discuter ». Il finit même par menacer d’appeler la police. Et là “Il refuse de nous parler? C’est bien la preuve qu’il est coupable”. Non, c’est juste la preuve que tu abuses, en fait.
On veut être celui qui résoudra l’énigme
Alors je peux comprendre, hein. Les deux parties, j’entends. Moi aussi, j’aurais pas la patience de discuter avec un gars persuadé de ma culpabilité. Mais quand tu consacres dix ans à une enquête, je pense qu’il est difficile d’admettre que, non, t’as pas trouvé la clé de l’énigme. Surtout sur un sujet aussi populaire où des tas de gens essaient de rassembler les pièces. J’ai même vu que le reportage de Netflix avait donné naissance à une nouvelle théorie comme quoi le vrai DB Cooper était dans le reportage. Un mec qui lui ressemblait un peu. Alors, juste, les gars… L’histoire a 50 ans donc le fameux DB Cooper a un peu changé, je pense. Et il y a même de fortes chances qu’il soit mort. D’ailleurs, comme l’argent n’a jamais été dépensé, il est même envisageable que le mec soit mort dans son saut en parachute. Mais ça, le documentaire n’insiste pas dessus, curieusement. Bref, les internautes aiment les chasses aux trésors et les enquêtes en ligne. Cf Don’t f**k with cats, toujours sur Netflix, l’affaire Elisa Lam (qui a son docu aussi sur Netflix) ou l’énigme Cicada 3301 que je viens de découvrir. Promis, Blast, dès que je retrouve des revenus, je vous prends un abonnement.
Faut se faire à l’idée qu’on saura jamais
Forcément, quand on est des dizaines de milliers à disséquer un truc, on a envie d’être celui qui trouve. Et l’être humain ne semble pas à l’aise avec la notion du “on saura jamais”. Moi même, je reste désolée à l’idée qu’on ne saura jamais ce qui est arrivé au MH370. Non parce que même si on retrouvait l’épave, le truc repose au fond d’un océan tumultueux depuis 8 ans maintenant. On sait que l’avion était dans son intégralité à l’extinction des moteurs. Enfin suffisamment pour être en état de voler et l’avion est tombé faute de carburant. Donc vraiment, il faut se faire à l’idée qu’on ne saura jamais et le temps joue contre nous. Au pire, si on retrouve effectivement l’épave, ça calmera peut-être deux ou trois conspis. Les fans du “les Américains l’ont abattu dans les Maldives”. Et encore, non, ils diront que “comme par hasard, on retrouve l’épave là où elle est censée se trouver, c’est suspect”. Toute analyse d’une théorie conspi est une illustration de la théorie de l’engagement, d’ailleurs. Mais pour en revenir à DB Cooper, on parle d’une affaire vieille de 50 ans. C’est comme Jack l’éventreur. On aura beau avoir des démonstrations qui tiennent à peu près la route, ce qui n’est même pas le cas ici, on ne saura jamais. Le pire, c’est que de temps en temps, un farfelu va déclarer sur son lit de mort qu’il était DB Cooper. Ici, aucun aveu ne semble fiable. Et franchement, j’adore la théorie de l’équipage et j’ai même envie d’écrire un roman dessus, tiens.
Toujours une bonne illustration de la théorie de l’engagement
Bref, ce reportage n’a pas grand intérêt sauf pour ce point-ci : faire de n’importe quel détail une preuve qui n’a aucun sens. Vous savez, le fameux “mmm, c’est précisément ce que dirait une personne coupable” quand quelqu’un dit qu’il est innocent. Un “quoi qu’il arrive, j’ai raison”. Ca peut être intéressant à observer pour qui s’intéresse à la question des biais cognitifs et à la théorie de l’engagement. Et c’est un exemple pas trop touchy, ça ne devrait froisser personne. Toujours utile.