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Pour bien raconter les histoires, il faut aussi savoir les écouter

Accidente, anatomie d’une télénovela next gen

Aujourd’hui, je vais vous parler d’une série de type télénovela que j’ai trouvé intéressante car elle est assez révélatrice de ce qui m’agace toujours un peu dans ce type de fiction. Grosso merdo : vous rallongez trop la sauce, les gars. Mais parlons donc d’Accidente que vous n’avez pas pu rater si vous êtes abonnés à Netflix vu qu’ils la poussent à balle.

Accidente sur Netflix
La laideur de ce montage

L’histoire : C’est l’anniversaire de Rodrigo et ses parents ont organisé un super anniversaire. Gâteaux, jeux et même un château gonflable qui traîne un peu à être installé. Quand il est enfin prêt, les gamins se jettent dessus. Et là, grosse bourrasque, le château s’envole. Très haut. Trois enfants sont tués et une petite fille qui est restée accrochée a disparu. Les familles endeuillées vont vite réaliser qu’un pieu du château n’était pas enfoncé et vont vouloir se venger.

Accidente sur netflix, les châteaux gonflables s'envolent

En gros : des riches sont très fâchés et ça va saigner. Première victime d’ailleurs : Moncho, l’intendant de la maison de Rodrigo, accusé de ne pas avoir planté le pieu. Vas-y qu’il se fait tabasser, sa maison incendiée, ses enfants menacés de mort. Ambiance, ambiance. Accidente a l’air d’être une grosse production puisqu’on va retrouver pas moins de trois acteurices que j’ai déjà vu dans d’autres oeuvres. Emiliano, le père de Rodrigo, a joué dans En un battement. Il était le très méchant Zacarias. La fille d’Emiliano, Lucia, était Natalia dans Control Z. Série dont je n’ai jamais vu la saison 03 pour ce terrible défaut de “rallonger la sauce”, encore une fois. Et enfin Lupita est interprétée par celle qui jouait Daniela dans Sense8

Le drame invité dans Accidente

Au début, j’ai été attrapée par l’intrigue. Attristée aussi. Depuis que je suis devenue tante, j’ai du mal avec les fictions où des enfants meurent. Le côté deuil est plutôt bien géré, les parents ayant perdu leur gosse navigant entre détresse et colère. Il y avait même une subtilité intéressante. Par exemple, quand les parents décrètent que Moncho a tué leur gosse par négligence, le couple limite mafieux file chez l’intendant pour lui régler son compte et cramer ses gosses. Emiliano et Daniela, son épouse mais surtout inspectrice de police, débarquent et sauvent Moncho et les gosses. Daniela avouera cependant à son mari qu’elle hait Moncho pour ce qu’il a fait et qu’elle l’a sauvé juste parce que c’est son devoir. 

l'incendie de la maison de Moncho

Comme toute télénovela, y a un gros manichéisme peu nuancé. Le méchant de l’histoire, c’est Charro. Celui qui veut cramer des enfants. Trou du cul suprême avant le drame, c’est vraiment le mâle (qui se veut) alpha dans toute sa splendeur. Il maltraite sa femme et essaie même de la violer dans une scène, menace un mec qui mate sa femme de lui coller une balle dans la tête s’il la touche. Il déteste son fils aîné avec qui il est ultra lourd “ah, Lucia a passé la nuit ici ? Bonne nouvelle, ça veut dire que t’es pas pédé, mon fils !”. Bref, vous prenez tous les clichés que vous avez du mâle alpha, vous rajoutez un trait de violence piquante, une cuillère de vulgarité, une dose de non-respect de la loi et vous secouez. Et vous obtenez Charro. Je vous jure, y a des moments, j’ai levé les yeux au ciel tellement je trouvais ça trop. Non mais personne ne peut bénéficier d’une telle impunité. Et puis je me suis rappelée qu’on avait un Président qui ne respectait pas le résultat des élections qu’il avait lui-même déclenché et j’ai relativisé.

Charro dans Accidente

Par contre, contrairement aux autres télénovelas next gen que j’ai pu regarder, le méchant ne nique pas avec toutes les femmes qui passent dans un rayon de trois mètres. Charro est dégueulasse mais fidèle. Rassurez-vous, nous avons d’autres archétypes. Comme la fille aînée du héros en plein émoi amoureux. Originalité ici : le garçon dont elle tombe amoureuse n’est pas un bad boy. Non, ici, c’est le gentil Alex qui défie son père Charro, sauve sa mère d’un viol conjugal et décide de sortir Lucia de la drogue. Autre archétype : la soeur en guise de personnage secondaire. Y a toujours une soeur qui traîne ou la meilleure amie de la mère qui sert un peu de tante de substitution au besoin. Ici, c’est la soeur de Daniela qui sert assez peu. Juste un passage où elle devient connasse et décide de vendre son beau-frère à la vindicte populaire parce qu’elle est journaliste et que sa carrière est plus importante que la vie de sa soeur. On a aussi ce prototype de couple beau, un poil vulgaire, où le mec est une ordure qui bat sa femme. Façon Martin dans Les veuves du jeudi.

Lupita, femme battue

Oui parce qu’on va découvrir très vite que ce n’est pas Moncho qui est coupable pour le piquet mais Emiliano lui-même. Il l’a pas planté parce qu’il a reçu un appel des “Américains” pour un juteux contrat de plusieurs millions de dollars pile à ce moment-là. Twist de l’intrigue principale. Ca n’est plus “qu’est-ce qu’il s’est passé” mais “Emiliano va-t-il tenir son secret ?”. Sauf que ça, on l’apprend à l’épisode 02 et il y en a huit. Faut remplir. Deux ou trois scènes de cul. Pas grand chose, ça reste une télénovela assez sage. Il y  a une sous-intrigue avec la petite fille envolée et finalement retrouvée qui est l’objet d’un véritable culte puisqu’elle est “enfant miracle”. Un point que j’ai trouvé super intéressant et qui aurait pu être l’objet d’une série à part entière mais là, c’est juste quelques scènes en passant. 

Paula l'enfant miracle

Et puis y a un ingrédient qui poppe en plein milieu qui fait tâche. Emiliano confie son douloureux secret à Daniela vers l’épisode 04. Daniela qui a perdu son fils, pour rappel. Donc elle le rejette en mode, “je ne te pardonnerai jamais” et là, il lui répond “ben t’as qu’à retourner avec Ulysse !”. Qui ? Aaaah, un mec avec qui elle a eu une aventure quelques temps plus tôt. Et qui qui débarque à la scène suivante ? Ulysse dis donc. Ulysse qui semble procureur mais un peu flic, aussi, j’ai pas tout compris. Toujours est-il qu’il traîne pas mal au commissariat et qu’il colle Daniela. A partir du moment où on mentionne son existence. Ca faisait vraiment : épisode 04, Ulysse n’existe pas, épisode 05, il ne quitte pas Daniela d’une semelle. Quoi ? J’avais eu la même sensation avec En un battement où Zacharias passe du mec fou amoureux de sa femme et prêt à tuer pour la sauver à Zach très amoureux de sa femme mais qui baise son assistante toutes les trois minutes. Quoi ? Et le pire, Qui a tué Sara qui réécrit l’histoire au fur et à mesure des épisodes et des saisons.

Daniela et Lucia dans Accidente

C’est toujours un truc qui m’agace dans les fictions, les virages serrés qui ne respectent pas ce qui nous était raconté avant. J’en ai parlé notamment au sujet du lesbianisme soudain où une héroïne se révèle soudain lesbienne et semble totalement oublier ses relations hétéros passées. Je veux bien croire qu’elle ait eu du mal à assumer ses attirances saphiques. Je ne dis pas. Mais si on prend le cas d’Alex dans Supergirl, elle se tape le méchant dans la saison 01 en sachant pertinemment que c’est une ordure parce qu’elle est irrésistiblement attirée par lui. Alors que tu peux admettre que ton personnage soit attiré par les hommes et les femmes, hein… Ca aurait moins fait “on jette son intrigue de la saison 01, ça ne nous arrange plus”. Autant pour Friends, on peut accepter certaines incohérences parce que ça dure 10 ans… Même si, moi, ça m’agaçait un peu. Autant un changement aussi radical d’une saison à l’autre voire d’un épisode à l’autre… Merde, respecte-moi, un peu. Je veux bien admettre quelques facilités scénaristiques mais là, c’est limite du multivers. Genre la Daniela des premiers épisodes, elle existe plus, en voici une nouvelle. 

Daniela est vénère

Et je crois que cette histoire d’Ulysse, c’est le symptôme le plus flagrant de la faiblesse d’écriture des télénovelas. En vrai, Accidente aurait dû tenir sur quatre épisodes max. Six si on change de perspective. Quand j’ai lu le synopsis de la série, j’ai immédiatement pensé à La gifle, une mini-série australienne avec Alex Dimitriades qui jouait Nick dans Hartley Coeur à vif. Que j’ai toujours préféré à Dylan parce que les lycéens de 30 ans, c’est moyen ma came. Cette mini-série de huit épisodes raconte un repas de famille/amis classique. A un moment, un gamin est chiant et le personnage d’Alex Dimitriades lui colle une baffe. Gros scandale et les familles vont se déchirer. La série va donc raconter ce même événement mais vu par les différents protagonistes. On découvre leur vie avant et après cet événement, ce que ça change. Bref, c’est du pur psychologique. Et j’ai cru que ce serait similaire avec Accidente. Pas l’histoire d’un gentil père de famille devenu meurtrier malgré lui avec un salopard de mafieux au cul et une enfant qui a vu la Vierge.

Accidente, avant l'accident

Bref, les scénaristes de télénovelas me font l’effet de cuisiniers un peu fous qui se lancent dans une recette et ajoutent des ingrédients un peu au pif au fur et à mesure de l’histoire, quitte à oublier le plat prévu initialement. Après, Accidente se laisse regarder mais à chaque carrefour, quand je me disais qu’un chemin semblait intéressant, on prenait systématiquement l’autre voie. Moi, ça m’intéresse la psyché de la petite fille qui a vu la vierge. Non, on va plutôt mettre une scène putassière où Charro essaie de violer sa femme. Avec qui il est depuis 18 ans mais apparemment, ça le démange d’être connard maintenant. Bref, plus le temps passe et plus je me dis que les mini-séries qui ne font qu’une poignée d’épisodes car y a pas tant à raconter, c’est le Graal. Les intrigues annexes qui ne servent à rien et qui ne sont pas tant développées, vraiment, stop.

Nina

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