Des fois, dans la vie, faut savoir sortir de sa zone de confort. Phrase grandiloquente pour dire “étant une gentille tatie, j’ai amené Saturnin voir une comédie française à sa demande. Et j’ai cru m’étouffer devant tant de nullité”. Mais cette expérience ayant permis que je me pose une question ou deux, faisons donc un article. Donc pourquoi “Y a pas de réseau” m’a fait vriller et pourquoi je ne comprends pas les comédies familiales.

Un Maman j’ai raté l’avion à la française
Bon, l’histoire en 2*2. Une petite famille va passer un séjour dans un gîte au coeur de la forêt des Hautes-Pyrénées. Dans la même montagne, il y a un duo de malfrats d’une bêtise insondable qui décide de faire péter l’antenne réseau pour ne pas être présent espionné par la police. Ils s’exécutent mais les deux enfants de la famille les voient. Course poursuite, enfants qui s’évadent pour se réfugier dans leur gîte où les parents sont absents. Pour se défendre, les enfants vont mettre en place des pièges. Ah, comme dans “Maman j’ai raté l’avion”. Exactement. D’ailleurs, la fille le dit carrément “viens, on va piéger le gîte comme dans Maman, j’ai raté l’avion”. Ok, au moins, c’est assumé.

J’étais partie pour faire la sieste
On va pas se mentir, j’y suis allée à reculons. Déjà parce que je n’aime pas Maman, j’ai raté l’avion. Jamais pu supporter ce film. Et puis j’avais jeté un oeil aux critiques, quand même et la cata. J’ai bien essayé de négocier avec mon neveu pour lui proposer autre chose mais il a quasi 13 ans, maintenant, et il est filou. Un gros potentiel de manipulateur, ce gosse. Bref, ça lui faisait plaisir, j’étais partie en mode “au pire, je dors”. Mais non parce que mon corps est pénible. Je m’endors devant des films pas mal ou relativement moyen comme récemment L’accident de piano que j’ai pas bien aimé. Par contre, des films nuls, malgré mes efforts, non. J’ai réussi à m’assoupir 4 minutes mais vu que c’était au moment où l’antenne relais a pété, ça m’a un peu réveillée quand même.

Un cast qui me laisse globalement indifférente
Et puis je ne suis pas très fan de Gérard Jugnot. Il peut faire de super trucs, je dis pas. Allons tous citer Les choristes. Mais ses cris suraigus et ses personnages mal dégrossi, bof. Maxime Gasteuil, je n’avais aucun avis sur ce mec. Je ne savais même pas qu’il existait, en fait. Par contre, j’ai toujours de la sympathie pour Julien Pestel, satellite très présent des sphères Palmashow et Studio Bagel, et qui a une bonne tête. Tout comme Manon Azem. Je ne la connais pas en tant qu’actrice. J’avais vu des interviews d’elle récemment car elle était la voix française de Hermione dans la saga qu’il faut tous oublier. Mais elle, instantanément, je l’ai bien aimée. Cette fille a l’air sympa. Donc le couple de parents, je leur donne l’indulgence. Autre point cool du film : le gîte. Une sorte de cabane dans les arbres, pile mon délire. Et j’avoue que les enfants ne sont pas agaçants contrairement à 90% des enfants de fiction. Pour le reste…

Ca s’adresse à qui, ce truc ?
Je suis sortie de Y a pas de réseau avec un mot en tête : affligeant. Désormais, quand je penserai à ce mot, c’est la tête de Gérard Jugnot et de Maxime Gasteuil que j’aurai en tête. C’est gravé au fer rouge dans ma mémoire. Franchement, je ne pense pas avoir pensé ça de beaucoup d’oeuvres mais là, j’ai été paralysée par l’abysse de médiocrité du truc. Et surtout, je me suis demandé à qui ça s’adressait. Déjà que mon neveu de quasi 13 ans a moyen kiffé, que désigne-t-on par “comédie familiale” ? Ca fait rire jusqu’à 5 ans mais les parents seront contents de voir leur progéniture rigoler ? Ok, on a fait plein de blagues caca mais y a une référence à Kubrick à un moment, on parle aussi aux adultes ? Je ne comprends pas.

Le ridicule ne tue pas…
Des blagues caca ? Ah oui, focusons un peu là-dessus deux minutes. Le film se veut très cartoonesque, comme “Maman j’ai raté l’avion”, avec plein de gags sur des gens qui tombent, se prennent des trucs dans la figure, se brûlent le cul sur un brasero (oui). Je pourrais écrire une diatribe enflammée sur le fait que ridiculiser ses personnages n’est pas une ficelle que j’apprécie mais on n’en est même plus là. Parmi les (grosses) ficelles pour ridiculiser les personnages, il y a… le caca. Je ne pensais pas un jour évoquer ce sujet car, en tant qu’adulte ne regardant/lisant pas trop n’importe quoi, je tombe rarement sur une blague caca. Et même si je ne suis pas fan de la psychanalyse, je suis assez fière d’annoncer que je suis sortie de la phase anale depuis très longtemps. En fait, le film contient deux (ou trois ?) blagues caca qui illustrent parfaitement ma sidération.

La tête dans le caca
La deuxième, par ordre d’apparition. Les malfrats veulent attraper les enfants pas tant parce qu’ils ont vu l’attentat sur l’antenne relais que parce qu’ils ont filmé leur exaction avec un drone. Ils attrapent les enfants au tout début et le petit garçon avale la carte SD. Les enfants parviennent à s’échapper de l’antre des méchants pour retourner au gîte et là, le garçon sent que c’est l’heure de faire sortir la carte SD de là où elle est. Pardon ? Alors je sais que j’ai un transit très long mais un transit rapide à ce point-là, cet enfant a un souci. Le pire, c’est que le film, voulant intégrer une blague, s’interroge sur la durée d’évacuation d’un truc avalé. Pour glisser un “ah, j’ai plus accès à Internet – Ben oui, on a fait péter l’antenne réseau”. C’est compliqué cet équilibre entre volonté de mettre un peu de réalisme dans ton propos et tout torpiller par la suite. Donc le petit Jonas va faire caca. On ne nous épargne pas de gros plans sur son visage d’enfant en pleine défécation. Envie de mourir. Il sort des toilettes tout fier en brandissant l’objet et là, le méchant l’attaque. Mais par un hasard de la bagarre, le méchant tombe la tête la première dans les toilettes sèches. Et il en ressort le visage couvert de caca, hihi. Un caca qui a une couleur de béton frais mais vu que l’enfant chie tout ce qu’il mange en dix minutes, ma foi…

Manger du caca et du C4
J’ai commencé par la deuxième car c’était la plus soft. La première, asseyez-vous parce que c’est là que j’ai vraiment failli quitter la salle. Les méchants sont en forêt et vont attraper les enfants mais le fils débile s’arrête car il repère des truffes au sol. Des truffes ? Le père dit que c’est du caca d’ours. Le fils insiste “Non mais ce sont des truffes, T.R.U.F, je sais de quoi je parle.” Je levais déjà les yeux fort au ciel mais attendez, c’était la mise en bouche. Terme très bien choisi car le fils, têtu, décide de croquer dans sa truffe pour prouver ses propos. Mais en fait, c’était bien du caca d’ours. Vraiment, cette image de Maxime Gasteuil, la bouche pleine de caca, je ne m’en débarrasserai jamais. En plus, pardon de le souligner, ça ne sert à rien dans l’histoire. A part à prouver une nouvelle fois que le fils est con à bouffer du foin. Enfin du caca. Ah et du C4 en début de film. Chaque parole prononcée par ce personnage sert juste à illustrer son incommensurable stupidité mais quand même, mettons une scène où il mange du caca des fois qu’on n’ait pas compris… Ils sont tellement fiers de cette scène qu’ils l’ont mise dans la bande-annonce !

Une discrète volonté de parler de vrais sujets ?
Je vous passe la blague où la mère fait pipi dans la forêt et part en courant à moitié refroquée pour rattraper une voiture de police et celle où le malfrat père, après avoir mangé une omelette empoisonnée, a la chiasse. Je ne me souviens plus si ça débouche sur une scène de délivrance. J’avoue qu’à un moment, mon cerveau a dû refuser tant de médiocrité. Mais à côté de ça, le film essaie d’aborder certains sujets un peu plus sociétaux comme la famille recomposée et le fait de laisser ses enfants grandir. J’ai cru aussi qu’il y avait un propos sur la désertification des petits villages puisque le commissariat de police sert aussi de point-relais, tabac, pharmacie et dépôt de pain “Marie Blachère”. Mais ce fut juste prétexte à ce que l’interrogatoire musclé du père soit interrompu parce que quelqu’un vient chercher un baguette et un autre un colis… Je suis pas contre l’humour de répétition mais faut doser.

On va désamorcer tous les moments sympas par un humour lourdingue
Il y a, dans la dimension de la famille recomposée et du fait de laisser ses enfants grandir, sans doute quelque chose qui touche tous les membres de la maison. Ce doit être là que se situe le côté “comédie familiale”. D’ailleurs, j’admets que le duo Pestel-Azem fonctionne bien. On y croit, à la petite famille. Sauf que chaque moment un peu touchant, un peu sympa, est désamorcé par une vanne pourrie. Parce qu’outre les casseurs flotteurs du pauvre, là, on a la propriétaire du gîte, une sorte de caricature de bourgeoise qui parle très aigu. J’ai connu Zabou Breitman plus inspirée. Mais, comme Jugnot, je suppose qu’il y avait des impôts à payer. Ce personnage nous fait part de son hystérie à la fin du film, comme si toute la séquence avec les méchants n’avait pas suffi.

Mais qui regarde ça, finalement ?
Bref, je me pose la question de ce qu’est une comédie familiale parce que là, les seuls de la famille qui seraient intéressés par ça seraient… j’en sais rien. Mon neveu de quasi 13 ans a trouvé ça “bien mais je m’attendais à mieux”. Je l’ai pas entendu rire mais après, on lui a montré Y a-t-il un pilote dans l’avion et il n’a pas trop ri. Même si “il a bien aimé”. Il a particulièrement aimé la séquence de l’hôtesse de l’air qui fait de la guitare et arrache la perf de la petite-fille mourante. Et a gloussé sur la micro-vanne du caca dans le ventilateur. Décidément… J’aurais montré Y a pas de réseau à mes nièces de 10 et 5 ans… Celle de 10 ans aurait certes un peu rigolé mais la petite, elle aurait vite décroché. La question des antennes relais ne faisant pas partie de ses préoccupations ni de sa compréhension de l’univers. Or personne de plus de cinq ans ne peut rire d’une collection de blagues caca comme ça. Les enfants s’en foutent des histoires de famille recomposées, ne comprendront pas la ref à Shining… Cependant, je ne suis pas certaine que le réalisateur du film l’ait pigée non plus.

Je suis traumatisée
Bref, chacun son humour et clairement, le mien ne semble pas compatible avec les comédies dites familiales. Restera de ce film quelques images épouvantables gravées dans ma mémoire et l’envie de me faire un séjour dans une cabane en forêt. Parce que pourquoi pas.