Raconte moi des histoires

Pour bien raconter les histoires, il faut aussi savoir les écouter

Le syndrome Julie Lescaut

J’avais théorisé ce point il y a quelques années et comme j’ai lu un polar norvégien récemment où il fait trop partie du récit, il est temps de faire un article. Oui, le syndrome Julie Lescaut semble particulièrement toucher les polars scandinaves où c’est à peu près systématique même si les autres romans policiers ne sont pas toujours épargnés. Ou comment un proche d’un policier est toujours impliqué dans l’enquête en cours un peu malgré lui.

Julie Lescaut, famille

Donc pourquoi le syndrome Julie Lescaut ? Pourquoi ce nom, je veux dire. J’ai une connaissance très limitée en cette série tout comme les séries policières françaises qu’il y avait à une époque sur TF1 le soir. Genre Navarro, Commissaire Moulin, Cordier juge et flic. Et Julie Lescaut. Je ne regardais ces séries que chez ma grand-mère où nous allions une fois par mois. On ratait le début et la fin mais c’était une astuce avec ma soeur pour pas rester à table. J’ai possiblement plus des clichés qu’une réalité intangible mais il me semblait qu’à chaque fois qu’un de nos inspecteurs de choc partait en enquête, la fille ou un proche de la famille était toujours impliqué d’une façon ou d’une autre. Genre un suspect lutinait la fille de l’inspecteurice ou la fille se faisait toujours enlever. Ca, c’était surtout dans Cordier juge et flic. La fille, c’était Charlotte Valandrey, c’était une journaliste et elle se faisait systématiquement prendre en otage car elle était allée fouiner d’un peu trop près. Façon Loïs Lane sauf que c’est Pierre Mondy qui va la sauver. 

Cordier juge et flic, un bon exemple du syndrome Julie Lescaut

Quand j’ai commencé à lire les Camilla Läckberg, toutes les histoires avaient cette tournure là. Dès que Ericka se faisait une pote, t’étais sûre que ça virait au drame pour la dite personne. Ou pour sa soeur, sans doute la meuf la plus poissarde du monde. Et voilà que je retrouve ça chez Viveca Sten aussi. Le fameux syndrome Julie Lescaut. J’ai un peu abandonné les polars scandinaves pour des raisons de “je lisais autre chose” mais j’y suis revenue récemment avec “Fermé pour l’hiver” de Horst Jorn Lier et… pffff. Alors là, c’est le syndrome Julie Lescaut plus plus : non seulement sa fille se fait lutiner par un mec peu clair, le mec peu clair prête la voiture de fifille à un truand pour que celui-ci aille truander. Et évidemment, en allant fouiner, devinez ce qu’il va lui arriver. Ah oui, elle trouve un cadavre puis un témoin aussi, juste en se baladant en forêt. En vrai, c’est pas sur son père qu’il fallait écrire le roman mais directement sur elle, hein.

Lois Lane

Le syndrome Julie Lescaut entraîne deux effets pas cools, selon moi. Déjà, un, c’est un exterminateur de suspense. Surtout si ce schéma narratif revient dans tous les romans d’une série genre Camilla Lackberg. Ca et tous les bébés que son héroïne a l’air de pondre, on dirait une Sims. Quand je lisais Fermé pour l’hiver et que la fille se décidait à faire un truc, je savais qu’il allait se passer quelque chose. Bon, l’auteur s’amusait à envoyer sur de fausses pistes donc moi, la prise d’otage, je l’ai attendue bien avant qu’elle n’arrive. Mais dès que ça commence en “mmm, mon petit ami rentre tard et semble avoir des activités louches”, tu n’as aucun doute quant à ses activités nocturnes.

Confessions nocturnes

Mais surtout, ça fait perdre le sens du réel au récit. Etonnant pour un roman qui passe son temps à te donner des détails inutiles pour faire vrai. Genre l’inspecteur qui est assis à la place 17A dans l’avion. Je vous jure que cette précision existe et elle sert à rien. L’avion ne se crashe pas, la personne assise à côté de lui durant le trajet n’a rien à voir ni avec lui ni avec l’affaire. Peut-être que ces détails sont rajoutés pour casser justement ce côté surréaliste. Parce que bon, l’action se passe à Oslo, c’est pas une riante bourgade de 300 habitants. Et comme de par hasard, le petit ami de la fille de l’inspecteur est louche. Et comme de par hasard, elle part quelques jours au chalet pour se changer les idées et tombe pile sur un cadavre. Comme de par hasard, elle sympathise avec un mec qui a pris des photos intéressantes pour l’enquête. Et évidemment, sa voiture est impliquée dans un crime. Comme dirait le philosophe “ça fait beaucoup là, non ?”

Le hasard

Je pourrais admettre certaines péripéties. Je veux dire, je pourrais comprendre que des voyous aient intérêts à devenir pote, et plus, avec une proche d’un inspecteur de la ville en mode “je m’achète une respectabilité”. Bon, déjà, là, ça marche pas puisque l’inspecteur se perd dans ses pensées en se disant que le mec de sa fille, c’est un peu un sale type et elle le largue trois pages plus loin. Mais surtout, à un moment, tu peux pas utiliser le hasard à ce point. Le hasard ou la chance peut être un élément de ton roman. Si ce n’est pas trop poussé, je l’accepte. Mais cette manie de faire se dérouler une enquête policière en famille, pfff. A ce niveau-là, Agatha Christie fait mieux.

Agatha Christie

Bref, qu’un inspecteur de police ait une famille, je le comprends. Que cette famille puisse être affectée par une enquête, pourquoi pas. Qu’un rejeton de l’inspecteurice soit kidnappé pour faire pression ou autre, okay, ça se peut. Mais faut doooooser. Et le syndrome Julie Lescaut, c’est précisément l’overdose. 

Nina

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Revenir en haut de page