Raconte moi des histoires

Pour bien raconter les histoires, il faut aussi savoir les écouter

J’ai un grand secret, j’en ai fait un tatouage

J’aime souligner certains clichés de fiction car souvent, je les trouve assez peu réfléchis. Mais il y en a un qui est d’une crétinerie sans nom et je ne comprends pas qu’il ait toujours cours : le tatouage secret fait à un endroit parfaitement visible. Certes, je ne suis pas un super agent secret de je ne sais quoi. Mais il me semble que si mon engagement doit être secret, me faire un tatouage qui l’expose ne me paraît pas être l’idée du siècle.

Le tatouage de Lisbeth dans Millenium

Samedi dernier, on mate la saison 2 de la Brea avec mon cher et tendre. Saison 02 bien moins rigolote que la saison 01. En fait, tous les défauts d’écriture sont parfaitement criants. Le héros principal a le charisme d’une endive. Des personnages meurent et tu t’en fous parce que tu n’as pas eu l’occasion de t’y attacher. Des crises de couple font l’objet d’arcs narratifs alors que leur potentielle rupture ne provoque aucune émotion chez toi. Tu n’as pas peur une seconde pour les héros principaux parce que tu sais qu’ils ne mourront pas. Et de façon générale, dès qu’ils peuvent prendre une décision stupide pour faire avancer le scénario, il y vont en courant.

Brea, les personnages sont nuls

Attention, spoiler de la saison 02, sautez au paragraphe suivant si vous ne voulez pas savoir. Dans la saison 02, les personnages naviguent dans le temps. A un moment, le personnage de Levi est abandonné en 1988. Façon un peu cheap de mettre fin à un triangle amoureux mais passons. Vers la fin de la saison 02, Levi, un peu vieilli,  revient dans le passé et prétend vouloir tuer un personnage car celui-ci est responsable de la mort de sa femme et de sa fille. Sauf qu’à la toute fin du dernier épisode de la saison, que voit-on sur le biceps de Levi ? Le sigle de l’organisation qui fout le dawa dans la diégèse de la série. Remarquant que son tatouage est visible, Levi tire sur la manche de son t-shirt pour le cacher. 

Levi est un traître

Je… Alors je vais passer sur le fait qu’un personnage tatoue le logo de la boîte qui l’emploie. Moi, j’aurais fait ça, mon corps ne serait plus que rature. Et les logos de sociétés sont rarement esthétiques au passage. Par contre, y a un truc qui m’interpelle un peu : si tu veux cacher cette information, pourquoi tu te la tatoues ? Surtout sur le biceps qui n’est pas la partie la plus intime du corps ? A moins que dans cet univers, les personnages ne se lavent jamais, expliquant qu’ils n’exposent guère leur bras. En voyant cette image, Victor et moi explosons de rire parce que le tatouage de l’organisation secrète, tu l’as tout le temps.

Le tatouage de Hutch Mansell

On pourrait penser à Hitman et son code barre tatoué sur son crâne rasé à blanc. C’est vrai que c’est d’une discrétion… Replaçons ça dans le réel. Imaginons qu’un meurtre a eu lieu et que la police vienne interroger les badauds. Ceux-ci ont effectivement remarqué un individu suspect genre “un grand chauve avec un tatouage code-barre sur la nuque”. Ah bah dis donc, on va jamais retrouver qui c’est avec des indices aussi maigres. Je veux dire un grand chauve tatoué sur le crâne, on en croise tous les jours… Surtout que ce tatouage est le signe qu’il appartient à une société secrète. Une société secrète qui a choisi un tatouage parfaitement visible situé à un endroit si incongru que ça ne peut que se faire remarquer. Des génies.

Le tatouage de Hitman

Un autre exemple qui m’avait fait mourir de rire : Divergente. Si j’ai une certaine indulgence pour la trilogie de romans qui proposait quelques idées, il est clair que Veronica Roth souffre d’un complexe d’infériorité vis-à-vis des gens badass. Reprenons rapidement l’histoire de Divergente : Triss est une gentille fille issue d’une famille “altruiste”, aka les gentils qui aident les autres. Mais quand elle peut choisir sa destinée, elle préfère rejoindre les « audacieux ». Soit les yamakasis de service qui prennent le train en sautant dedans et le quittent toujours en sautant parce qu’attendre qu’il soit à quai, c’est pour les faibles. Ils crient des “youhou”, font de la tyrolienne dans des quartiers abandonnés, s’habillent en cuir noir et se tatouent. Dans la vraie vie, c’est à peu près les crétins qui font des roues arrière avec leur moto et pensent être des gens importants en faisant ça mais passons. Quand tu es audacieux, c’est plutôt cool de se tatouer. Triss est divergente et elle aimerait bien se tatouer un truc qui illustre ça mais elle n’en a pas trop le droit. Parce que les divergents sont chassés par le gouvernement. Si elle, elle réfléchit un peu, ce n’est pas le cas de son mec, le surnommé “4” qui se fait tatouer sa divergence sur l’intégralité de son dos. Question : à quel moment on peut être aussi con ?

Le tatouage ridicule de 4 dans Hitman

Et encore, dans le cas de Divergente, je trouve ça un poil moins con dans la mesure où un tatouage est quand même représenter une partie de nous. J’ai la même avec Revenge, une série que je vais chroniquer prochainement vu que je l’ai finie. L’héroïne agit sous identité secrète mais a quand même tatoué le double infini que son père dessinait tout le temps et a même gravé sur le poteau devant leur maison. Pendant quatre saisons, la meuf n’arrête pas de dire “ahah, je ne laisse rien au hasard, personne ne pourra me relier à mon ancien moi !” mais a quand même un tatouage qui la relie directement à un symbole gravé devant la baraque du père qu’elle a décidé de venger. Et le symbole gravé n’est pas caché, hein… Madre de dios.

Un double infini en tatouage

Alors autant je comprends la dimension “tatouage pour se reconnaître entre nous”. Regardez les néonazis qui se baladent avec leur croix celtique, leur soleil noir ou la rune d’Odal pour se reconnaître… On vit une époque vraiment formidable, y a pas à dire. Ces signes permettent une identification immédiate de ces personnes entre elles alors que les quidams que nous sommes peuvent passer à côté tant qu’on n’a pas la culture. D’ailleurs, le nombre de signes d’appartenance à une idéologie d’extrême-droite est juste ahurissant. D’ailleurs, voici un petit PDF de 20 pages édité par la Licra juste sur la symbolique nazie. Donc même si je prends pour exemple ici la lie de l’Humanité, n’en reste pas moins qu’un tatouage qui n’annonce pas directement la couleur peut avoir une certaine “utilité”, dirons-nous. Même si la symbolique cachée ne peut pas rester cachée bien longtemps si elle gagne en popularité.

American Story X, tatouage nazi

On pourrait me rétorquer, avec raison, que le tatouage indiquant l’appartenance à des groupes hors la loi, ça existe dans la vraie vie. Cf les yakuzas. C’est totalement l’énergie de Divergente où le fait même d’être tatoué affirme directement ton appartenance au groupe des Audacieux. Même si tu te fais tatouer un papillon qui vient butiner un coquelicot ou un chat kawai. Chez les Yakuzas, le tatouage a une signification bien plus subtile. D’abord, l’irezumi, le tatouage des Yakuzas, avait pour objectif de cacher leur tatouage judiciaire. Mais surtout, les Yakuzas veulent être perçus comme des brigands gentils. En effet, les Yakuzas ont pu avoir des actions positives comme aider les populations suite à une catastrophe naturelle et se voyaient comme des protecteurs avec des codes très précis et qui devaient être suivis à la lettre. Un peu comme les samouraïs, eux-mêmes tatoués. Ainsi, l’image du Yakuza bad guy et cruel est un peu galvaudé en Occident. Même si des civils ont effectivement péri lors d’affrontements entre Yakuzas. Bref, si ça vous intéresse, un petit article parce que j’étais pas là pour faire un exposé sur les Yakuzas et que, pour tout dire, j’ai une culture du tatouage très limitée. 

Tatouage dragon Yakuza, série Amazon Prime

Le problème de la dramaturgie autour du tatouage, c’est que la fiction ne peut pas forcément prendre le temps de tout nous expliquer. Levi se fait tatouer le logo de l’organisation qui l’emploie non pas parce qu’il est totalement teubé. Enfin, si, mais pas plus que le reste des personnages, j’entends. Il fait ça parce que c’est un twist de fin de saison, que ça doit prendre 30 secondes à l’écran max et qu’on n’a pas le temps d’installer toute une imagerie autour du logo de la boîte. Idem pour Hitman : ce tatouage, ce n’est pas tant pour l’organisation secrète qu’il existe que pour le spectateur. Ces tatouages sont plus un clin d’oeil au spectateur qu’un élément central de la diégese. Cependant, cet élément se heurte souvent à ma suspension consentie de l’incrédulité. Oui, certes, je suis partie d’une série débile à base de voyages dans le temps et de personnages peu éclairés mais je peux admettre cet univers-là. On est dans la fiction des échoués dans un univers mystérieux et/ou parallèle à la Lost ou Pending Train. Là, le coup du tatouage, ça reste un “mais pourquoi tu écris ton secret aux yeux de tous ?”. Un cliché qui aurait dû disparaître depuis longtemps tellement il est con. 

Nina

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Revenir en haut de page