On devrait revoir plus souvent de vieilles séries, surtout quand on s’intéresse aux arcanes de la narration. 2011, sur les écrans, paraît une nouvelle série. L’histoire d’une jeune femme fortunée qui fait son entrée dans la petite société fermée des Hamptons et va semer la zizanie au royaume des riches. Inspirée du Comte de Monte-Cristo, cette série me paraît être un classique de son époque. Nous allons donc nous pencher d’abord sur le fond avant de parler un peu de forme.

Une nouvelle arrivée dans les Hamptons
L’histoire. Dans les Hamptons, l’arrière-pays des New-Yorkais friqués, les socialites vivent leur petite vie. Parmi eux, Victoria Grayson, une belle femme mariée à un magnat de l’industrie, organise la vie publique du coin, jugée sur son fauteuil au coeur de son manoir. Alors que l’été débute, une nouvelle jeune femme fait son apparition, la très distinguée Emily Thorne, une milliardaire orpheline et philanthrope. A peine débarquée dans les Hamptons, elle rencontre Daniel, le fils de Victoria, et noue une relation avec lui, sous le regard désapprobateur de la matriarche. Car elle trouve Emily assez suspecte et elle a raison : sous les atours élégants de la jeune femme se cache en fait Amanda Clarke, une jeune fille avide de vengeance.

Une femme qui vient réclamer vengeance
Car Amanda a eu une enfance brisée en plein vol. Alors qu’elle vivait parfaitement heureuse avec son papa et son chien, jouant au mariage avec Jack, le petit voisin, Amanda voit le FBI débarquer chez elle un soir et embarquer son père, David, soupçonné d’avoir fomenté un attentat. David était innocent mais a été victime d’une machination monté par Conrad Grayson, le mari de Victoria et patron de David. Apparemment, notre magnat n’a pas trop apprécié que David couche avec Victoria, oups. La série commence quand Amanda, majeure, quitte le foyer pour mineurs. A sa sortie, elle est accueillie par Nolan Glass, un petit génie de l’informatique devenu millionnaire qui avait beaucoup été soutenu dans le temps et qui se met au service d’Amanda pour l’aider. Il lui remet l’argent de David et une boîte contenant toutes les preuves pour faire tomber la jolie société des Hamptons. Amanda change donc d’identité et se met à l’ouvrage.

On prend pas mal d’intrigues du Comte de Monte-Cristo
Bon, effectivement, résumé ainsi, on reconnaît pas mal d’arcanes du Comte de Monte-Cristo. Une personne accusée à tort d’un crime grave, une longue incarcération, une fausse identité, une vengeance qui intervient des années après et de l’argent magique. Amanda peut utiliser épisodiquement d’autres faux noms même s’ils ne restent que le temps d’un épisode. Elle a également eu le temps de devenir super forte à la bagarre, trait que l’on trouvait aussi chez le Comte de Monte-Cristo. On pourrait même s’amuser à tirer des traits entre les personnages du roman de Dumas et Revenge. Amanda est forcément Edmond. Conrad pourrait être Villefort alors que Victoria oscille entre Hermine Danglard, notamment pour l’enfant illégitime et sa propension à n’être guère fidèle, et Héloïse de Villefort pour son amour maternel envers son fils. Avec sa fille, c’est plus compliqué. Jack serait une sorte de Mercedes, également. Aiden, qui apparaît dans la saison 2, serait Haydée. L’abbé Faria serait David. Quant à Danglard, c’est Bill Harmon. Sauf que lui se prend la vengeance dès l’épisode 03, à peu près. Oh ça va vite…

Diluer l’intrigue pour durer dans la longueur
Pourtant, la série dure quatre saisons. Si on se débarrasse d’un rival important dès l’épisode 03, de quoi va-t-on donc parler ? Et c’est rapidement le problème : si la vengeance reste au coeur de la série, on sent que les scénaristes n’ont pas toujours une grande inspiration. C’est le même problème que J’irai cracher sur vos tombes, la télénovela. J’irai cracher sur vos tombes est une série de 60 épisodes de 45 minutes tirée d’un roman qui en fait… 219 pages en format poche. Revenge est une série de 89 épisodes de 42 mn basée sur un roman de 1100 pages. Bon, y a certes plus de matières mais si tu exécutes la majorité de ta vengeance dans la saison 01, comment dire ? Alors évidemment, comme dans toute série, on va te mettre des personnages en plus, des intrigues pas très intéressantes. Les diverses aventures amoureuses de Victoria, de Daniel, de Charlotte, de Nolan. Un nouveau petit ami dans la vie secrète d’Amanda. Oh, tiens, on va faire revenir un fils caché pour Victoria qui va rester six épisodes mais qui ne servira à rien. Plutôt qu’une adaptation du comte de Monte-Cristo, j’ai plutôt l’impression de voir un Dynastie avec une Fallon reine de la bagarre.

L’héroïne a toutes les qualités
Ah oui parce que parlons un peu d’Amanda/Emily, quand même. Exemple typique de la Mary Sue, trope qui méritera un article. Emily, puisque c’est son prénom quasi tout le temps, est parfaite. On retombe sur le trope classique du vengeur devin qui sait tout ce qu’il va se passer et prévoit tout, même l’improbable. Emily est super forte à la bagarre, à la séduction, à l’extorsion. Elle est même très intelligente. Et comme ce n’est pas très évident, les personnages qui connaissent son secret n’arrêtent pas de lui répéter qu’elle est un génie de la vengeance. Sauf qu’en vrai, pas du tout.

La meuf a tout prévu mais est incapable de se débrouiller sans un allié providentiel
Parce que si Emily n’arrête pas de répéter qu’elle avait tout prévu, il est assez facile de noter que non. Lors des premiers épisodes, elle passe son temps à envoyer balader Nolan qui semble très motivé à l’idée de l’aider. Non, non, j’ai pas besoin de toi, j’ai déjà tout prévu. Ah oui ? Parce qu’il n’y a quasiment pas un seul épisode de la série où elle n’appelle pas Nolan pour la dépatouiller d’un truc ou deux. Et bah heureusement que tu as tout prévu et que tu n’as pas besoin de lui, hein…

Une antagoniste qui prend toute la place
Le vrai souci de Revenge, c’est que la série est amoureuse de son antagoniste principale, Victoria. Victoria est belle, intelligente, charismatique… et beaucoup de dialogues nous permettent de nous le rappeler des fois qu’on aurait oublié. Victoria, c’est Emilie en brune et en version quinquagénaire. Elle est interprétée par Madeleine Stowe, actrice qui a eu son heure de gloire dans les années 90. Et qui est effectivement très belle, elle était dans ma liste de crush lesbien suite à sa prestation dans Blink. Très rapidement, la série ne va s’intéresser qu’au duel entre Emily et Victoria, le reste des personnages semblant faire figuration. D’ailleurs l’affiche de la série représentait Emily et Victoria comme deux reines rivales. Reines d’Alice au pays des merveilles ou reines d’une partie d’échec dont les autres sont littéralement leurs pions.

Le rythme bâtard des séries télé
Revenge adopte un rythme lent typique des séries qui offrait un à deux épisodes par semaine. Avec toujours ce cliffhanger, parfois bien pété, en fin d’épisode, histoire de bien te capter. Chaque saison prend exactement la même forme : épisode 01, on commence par une scène dramatique. Exemple de l’épisode pilote : un homme est échoué sur la plage, face contre terre, visiblement mort. Qui est-il ? On ne sait pas. En même temps, on voit Jack s’approcher de lui, Charlotte et Declan découvrir le corps et on comprend qu’il y a une fête à deux pas. Lors de la fête, une belle femme brune s’approche d’une blonde, nommée Emily, et lui demande où est son fils. Oh damn, ce doit bien être le fils qui est mort. Oui, non ? Vous saurez ça en épisode 16, à peu près. Parce qu’entre temps, on va vous raconter comment on en est arrivé là. Un procédé classique de flash forward pour nous montrer d’entrée le dessert pour s’assurer qu’on reste à table et qu’on lui garde une place. Un truc comme ça. Episode 16, l’événement survient puis le reste de la saison, six épisodes, nous propose la résolution du drame. Un rythme typique des séries américaines pour s’assurer de garder l’audience captive pendant la pause hivernale. Vous aviez la même avec Walking Dead. Deux premiers épisodes intenses, on s’ennuie, on s’ennuie, un ou deux épisodes avant la pause hivernale, on s’ennuie, on s’ennuie. Cliffhanger, un ou deux épisodes tendus, on s’ennuie. Deux derniers épisodes intenses avec cliffhanger.

On s’ennuie pas mal mais un rythme qui me rend un peu nostalgique
Je vous avoue que y a des fins de saison où je décrochais un peu. C’est loooong. Des tas d’intrigues dont je ne comprenais pas l’intérêt. Toutes les histoires autour de Margot, Louise, Aydan… J’ai beau avoir binge watché, je perdais parfois de vue l’histoire principale pour des intrigues secondaires assez peu intéressantes. Bref, en tant qu’adaptation, c’est discutable. Par contre, cette série garde cette saveur d’un temps d’avant où tu regardais les séries semaine après semaine et j’ai bien aimé retrouver ce rythme. Même si je suis assez contente de ne plus refuser des sorties pour ne pas manquer les épisodes de la semaine de telle ou telle série.