Moi, je ne suis pas sûre. Sauf à s’en foutre de qui est le coupable. Je parlais un peu l’autre jour de whodunit à propos de Un couple parfait, série insatisfaisante car mal écrite. En gros. Cependant, la popularité des whodunit se marie mal avec celle des mini-séries. Pourquoi ? Parce que quand arrive la révélation finale, on est guère surpris vu qu’on avait éliminé tous les autres suspects de la liste…

Qu’il est difficile d’écrire une bonne intrigue policière
J’ai toujours refusé de me lancer dans l’écriture d’un scénario policier pour la simple et bonne raison que je trouve très difficile de cacher l’identité du suspect. Soit tu distilles quelques indices que tu trouves subtil mais le lecteur capte dès la page 10 qui est le coupable. Soit tu sors ton coupable du chapeau genre “le tueur, c’est Jean-Michel. Mais si, quelqu’un l’évoque dans un dialogue à la page 132”. Et je déteste ce genre de dénouement. On dirait que l’auteurice est un enfant.
“Ahah, je t’ai bien eu, t’avais pas deviné qui est le coupable !
– Bah forcément, je ne savais même pas que ce personnage existait. C’est de la triche.
– Non, j’ai gagné et pi c’est tout !”
Donc cet article va être la critique d’un genre auquel je n’oserai me frotter.

A chaque épisode, son faux coupable
J’ai beaucoup regardé de séries policières quand j’étais plus jeune. Essentiellement parce que y avait que ça à la télé. Rick hunter, Les dessous de Palm Beach, 21 Jumpstreet, NYPD Blues… Puis le cortège des New York police quelque chose, “Law & order” en anglais, Les experts, NCIS. J’ai décroché au moment des “c’est un flic et une personne doté d’un truc extraordinaire” genre The Mentalist ou Castle que j’ai pas matés. Même si, dans le genre, on peut citer Lie to me, Medium ou même Lucifer que j’ai regardées avec intérêt. Et ces séries avaient souvent le même schéma. Un meurtre est commis, la police enquête. Au bout de 20 minutes d’épisode, un premier suspect est identifié. Les flics partent donc le voir. Pour une raison un peu obscure, ils l’interpellent à 15 mètres de distance “Hé, John Guiltyhead ! On voudrait vous poser deux ou trois questions !”. Inévitablement, John Guiltyhead part en courant en jetant un truc sur le chemin et bousculant des gens qui font “hé !”. Course poursuite, John se fait forcément serrer et, surprise, c’est pas lui le coupable. C’est une règle immuable : le mec qui se barre dès qu’il voit les flics n’est pas le tueur recherché. En général, le mec se barre parce qu’il vend un peu de drogue ou qu’il n’a pas payé une amende.

Multiplier les fausses pistes pour faire durer l’histoire
Depuis quelques années, la mode des mini-séries nous amène donc son lot de de whodunit déclinés en 6 ou 8 épisodes. Et là, ça devient compliqué pour les scénaristes. Arrêtons nous sur la série La résidence. Que je conseille car elle est bien sympa au passage. Il y a eu un meurtre à la Maison Blanche lors de la réception d’une délégation australienne. Une enquêtrice qui n’a pas le look pour aller dans ce genre d’endroits mais qui est très intelligente enquête. Nous devons donc tenir 8 épisodes. Le reveal du tueur ou de la tueuse se fait sur le dernier épisode. Et c’est assez symptomatique du potentiel problème de ce type de séries. Nous allons avoir plusieurs suspects et suspectes potentiel·les. L’enquêtrice Cordelia va creuser les différentes pistes, mettant à jour les relations interpersonnelles entre le mort et les suspects. A un moment, un personnage semble coupable. Sauf qu’on est à l’épisode 05… Tu vas pas passer les 3 derniers épisodes à danser la macarena pour m’occuper. Y a une seule série qui a révélé le tueur en plein milieu de la saison 02, c’est Twin peaks et c’était sans doute parce que son réalisateur s’en foutait un peu des impératifs d’audience.

Difficile d’écrire l’histoire autrement
Car oui, dans n’importe quel policier, quelle que soit sa forme, la révélation du tueur arrive sur le dernier acte. Les derniers chapitres où on va nous expliquer ses motivations. Parfois foireuses, au demeurant. Si la révélation tombe avant et s’attarde sur le procès, ce n’est plus un whodunit mais plus un procedural, comme on appelle ça. Ou qu’il y a un coup fourré. A ce sujet, je vous recommande Dérapages, une mini-série assez glaçante avec Eric Cantona et Alex Lutz. Alex Lutz qui est terrifiant en PDG cynique et froid. C’est pas du tout un policier et personne n’est tué mais il est pas mal dans son écriture de “hé non, c’est pas fini”.

A la fin, le coupable, c’est celui qui n’avait pas encore été suspecté
Donc on résume : un whodunit en six à dix épisodes. Le premier expose le meurtre et les personnages. Les autres nous font suivre l’enquête et le dernier nous révèle le pot aux roses. Ok. On va vite comprendre que chacun a ses petits secrets. Chaque secret rend le suspect potentiellement coupable mais non, finalement, ce n’est pas ça. Charles est innocenté, passons à Kevin. Ce qui fait qu’à l’épisode de la révélation, le ou la coupable est… celui sur qui aucun soupçon n’avait pesé jusqu’à présent. Aka la seule personne non rayée de la liste.

Le people de service est le coupable
A noter que dans La résidence, ils avaient un acteur assez connu dans le casting, Julian McMahon. Le mec de Nip/tuck ou Charmed. Il a aussi joué dans Dirk Gently, une série qui était tellement bien avec Elijah Wood. Donc tu vois McMahon débarquer, ton premier réflexe, c’est de te dire que c’est lui le coupable. Pourquoi ? Parce que t’embauches pas un mec au visage connu juste pour faire diversion. Ça, c’était une vérité absolue pour les Law & Order. Luke Perry, James Van der Beek, Elisabeth Berkley, Katherine Moenning… Tu peux être sûr·e dès que tu vois leur nom dans un générique de serial policier qu’ils seront les coupables. Dans Columbo aussi, les coupables sont souvent de grandes stars mais y a pas de suspense là-dessus… Columbo, c’est vraiment la série qui a liste tous les écueils possibles et a décidé de jouer la partie totalement différent. “Chez nous, le suspense, c’est pas qui a tué mais comment il va se faire pincer”.

Une question d’équilibre très subtil
Bref, le whodunit en version télé et notamment mini-série doit relever plusieurs défis :
- Multiplier les fausses pistes sans trop éliminer les suspects sinon, à la fin, le ou la coupable, c’est cellui qui n’avait pas eu droit à son flashback. A peu près.
- Allonger son histoire avec des péripéties accessoires qui ne font pas du tout avancer l’intrigue sans lasser l’audience.
- Résister à la tentation d’embaucher une star qui serait coupable et dont la sous-exploitation paraît carrément suspecte.
Encore une fois, tout ça aurait été mieux géré dans un téléfilm. Après, La résidence, je conseille malgré un passage à vide aux deux tiers de la série. En plus, y a un caméo de Kylie Minogue et une blague cheloue récurrente sur Hugh Jackman. Idéal pour accompagner un petit apéro ou une soirée chill.