Automne 2000, environ. Après avoir regardé Ally McBeal sous la pression de mes amis car, au début, j’accrochais pas, j’entends une musique un peu jazzy. Une fille en tutu qui a l’air bien sûre d’elle se promène dans la rue avant de se faire éclabousser par un bus. Mais qu’est-ce que c’est ? Curieusement, je survis à ce générique bizarre, sans doute la flemme de me lever éteindre la télé. Et là, je découvre 4 New Yorkaises déjantées qui vont devenir un sujet de conversation inextinguible avec mes amis : Carrie, Miranda, Charlotte et surtout la grandiose Samantha. Soit quatre femmes qui nous ressemblent un peu. Si on excepte le compte en banque, la garde-robe et les professions. Elles sont avocate, attachée de presse, journaliste ou galériste. Nous sommes étudiants, désespérément étudiants. Bref, ce soir d’automne, je découvrais Sex and the City.
La journaliste fétichiste des chaussures
Afin de présenter les quatre héroïnes de Sex and the City, procédons par ordre. D’abord, Carrie, la journaliste et narratrice de l’histoire. Fétichiste de la chaussure, elle n’est jamais habillée deux fois pareil et a des tenues parfois… hum… audacieuses. Durant la série, elle a deux grandes histoires d’amour : Aidan, le fabricant de meuble avec qui elle va jusqu’à se fiancer. Mais surtout Mister Big, l’homme de sa vie qui n’arrête pas de partir et de revenir. En amour, on peut dire que Carrie est chiante. Oui, vraiment. Du genre à faire des scènes pour tout et n’importe quoi. Elle a, quelque part, le complexe de la petite fille gâtée. Et puis, en plus, dès qu’elle est avec un mec, Mister Big revient et la fidélité en prend un coup. A noter que Carrie parle souvent de sexe mais on voit très rarement de scènes olé olé avec elle. Il me semble même que des quatre, c’est elle qu’on voit le moins en action.
L’avocate ambitieuse
Miranda : LA carriériste de la racine des cheveux aux ongles des orteils. Cette femme est avocate et c’est franchement tout ce qui compte. Jolie rouquine, la coupe courte, elle s’habille chic, souvent en tailleurs ou tenues assez strictes. C’est, à mon avis, la plus intelligente et la plus cynique des quatre. Comme c’est la moins bombasse des quatre, c’est aussi celle qui connaît le plus les affres de la misère sexuelle… Personnellement, je la trouve bien jolie mais ce n’est que mon avis. Au niveau des relations amoureuses, il y a un amant archétype du geek qu’elle se tape de temps en temps… En gros quand le petit geek se trouve une copine, elle fait tout pour se le taper, histoire de vérifier son pouvoir de séduction. Mais surtout il y a Steve, le père de son bébé. Car dans la série, Miranda est la seule à avoir un enfant des quatre et ça arrive assez tard. D’un point de vue scènes sexuelles, les siennes sont généralement assez savoureuses puisqu’elle tombe toujours sur des psychopathes aux mœurs bizarres.
La princesse romantique
Charlotte : vaguement galériste mais surtout blindée de tunes. Elle ne fait rien, finalement. Elle a deux passions dans la vie : les chaussures et la recherche de son futur mari. Oui parce que, elle, c’est la romantique un peu prude du groupe, celle qui est choquée quand ses copines parlent sexe crûment. Elle passe son temps à faire de super plans pour trouver un homme. Du coup, Charlotte est la première à se marier des quatre, avec Trey, un riche chirurgien chiant comme la pluie. Après une rencontre pour le moins spéciale, ils passent très vite aux choses sérieuses. Mais leur mariage va très vite échouer, car Charlotte ne peut pas avoir d’enfants, le drame de sa vie. Ensuite, elle garde leur luxueux appartement et aussi la belle-mère qui va l’ennuyer quelques temps. Puis elle va rencontrer un avocat juif, assez repoussant physiquement selon elle, mais elle va en tomber raide dingue, allant jusqu’à se convertir au judaïsme pour l’épouser. A la toute fin de la série, ils arrivent à adopter un enfant. Concernant les scènes sexuelles, RAS, si ce n’est que Charlotte fait toujours l’amour en sous-tif…
La femme qui assume pleinement sa sexualité
Samantha : le meilleur pour la fin. Une femme qui ne met aucune limite à sa sexualité. Un épisode, un amant. Les scénaristes se lâchent bien, ils lui font faire à peu près n’importe quoi. A mon avis, ils recyclent les films pornos qu’ils voient pour constituer les scènes avec Samantha. C’est le personnage le plus fun mais pas toujours le plus creusé. On ne sait pas grand chose de sa vie hors sexe. Je n’ai pas tous les épisodes en tête mais on n’apprend que sur le tard qu’elle est attachée de presse, à peu près quand elle tombe amoureuse de son patron. Côté cœur, trois histoires notables : Richard, son patron, Maria et Smith. Pour le premier, elle fait tout pour nier ses sentiments. Mais une fois qu’elle les accepte, elle devient totalement névrosée, suit son mec et découvre qu’il n’est pas fidèle. La seconde, Samantha tente l’amour saphique mais elle aime le pénis donc arrive un moment où ça ne passe plus. D’autant que Maria est jalouse de tous les anciens amants de Samantha. Enfin, Smith, le super beau gosse de la pub d’Absolut Vodka, merci le placement de produit, dont elle tombera amoureuse. Ce qui la rendra franchement gnangnan. Evidemment, les scènes sexuelles de Samantha sont de très loin les meilleures. Elle garde son sous-tif ou se cache souvent les seins. Je suppose qu’il y a un respect de la pudibonderie américaine, ici.
Une héroïne qui nous ressemble un peu
Bon, voilà, des portraits très caricaturaux. Je suppose que j’oublie pas mal de choses. Ce qui est amusant, c’est que le trois amies de Carrie représentent chacune une partie de notre personnalité. Notre carriérisme, notre romantisme et notre sexualité. La blonde, la brune et la rousse sont de parfaits faire-valoir pour Carrie, celle qui semble la plus équilibrée. Ni trop romantique ni trop obsédée sexuelle, carriériste mais pas trop. Oui, enfin, y a des moments, sa carrière, ça la stresse pas plus que ça. Idéalement, Carrie est le profil type des femmes regardant cette série. Fashion au possible, femme forte qui se retrouve paumée dès qu’il s’agit des mecs. C’est moi, c’est toi, c’est elle. Bon, évidemment, nous, on vit pas dans un super appart à Manhattan en écrivant un article par mois de chez soi. On ne se déplace pas qu’en taxi, on n’a pas un placard complet dédié à nos chaussures et on n’a jamais mis les pieds chez Gucci. Sauf, éventuellement, pour faire nos malines… Mais bon, Carrie, elle nous ressemble, quoi qu’il arrive.
Une écriture assez rigoureuse
Ce qui est bien avec cette série, c’est que les héroïnes grandissent au fur et à mesure. C’est pas comme dans Friends où ils ont 30 ans pendant 5 ou 6 saisons alors qu’ils fêtent trois fois Thanksgiving par an… Petit à petit, ces femmes légères et insouciantes découvrent la vie de couple, la maternité. Les problèmes de santé, d’argent, de carrière… Rien n’est immuable dans la vie et ça, on le sent bien dans Sex and the City. Les héroïnes changent, chaque histoire compte et les construisent. On peut saluer là le travail des scénaristes qui ne commettent aucun illogisme. Les exs reviennent, ou restent présents dans les conversations. Ils ne disparaissent pas dans les limbes entre deux épisodes. Comme dans la vie, quoi.
Parler de mecs et de cul dans des restos branchouilles
Nos quatre amies passent beaucoup (trop ?) de temps dans un resto branché. Pendant leur repas, elles parlent des hommes et de sexe. De sexe et d’hommes… Parfois d’autre chose mais rarement. Tout y passe : fellation, cunni, anulingus, poils ou pas, circoncis ou pas, sextoys, chlamydiae et morpions. Même ménopause ! Le sujet le plus trash abordé ? Je me souviens d’un épisode où Charlotte parle toute excitée, des magazines de robes de mariées entre les mains, quand Samantha sort : « le jus de mon mec à un goût ! ». Et là, Charlotte s’en va en claquant la porte. J’avoue que cette scène m’a fait mourir de rire. Evidemment, ces conversations sont motivées par ce qu’il leur arrive. Exemple : Miranda tombe sur un mauvais amant et simule. Scènes grandioses, au passage. Ses copines lui conseille de ne pas continuer. Grand débat, chacune y va de sa petite histoire « moi, une fois, ça m’est arrivé et alors… ». Je crois que les conversations les plus amusantes sont celles où les rôles sont inversés, comme celle sur l’anulingus. Toutes : « bah, c’est DE-GOU-TANT ! ». Et là, Charlotte qui fait : « Ah mais non, Trey et moi, on le fait souvent ! ». C’est marrant comme quoi, dès que Charlotte la prude avoue pratiquer un truc, les autres se disent : « bah, si Charlotte le fait… ».
La démocratisation du sextoy
L’épisode qui m’a le plus rire ? Je crois que c’est celui du vibromasseur, le modèle « chaud lapin » rose fluo donc Charlotte devient tellement accro qu’elle ne veut plus sortir le soir avec ses copines. Cet épisode est un bon exemple de l’impact sociétal de Sex and the City puisqu’il a totalement démocratisé l’utilisation de sextoys destinés aux femmes. Il n’y avait pas une boutique olé olé qui ne vendait pas le rabbit qui fut un best-seller pendant des années.
Une fin exagérément happy
Par contre, j’ai été déçue par la fin, comme la plupart des fins de série, dégoulinantes de bon sentiments. Déjà, il faudrait que les Américains arrêtent d’avoir des clichés pareils sur Paris. Non, il n’y a pas que de vieilles rues, chez nous. On a découvert l’asphalte, aussi. Et on ne voit pas la Tour Eiffel de partout. Il n’y a pas de boulangerie tous les deux pas ni une auberge rue St André des Arts. Bref, comme d’habitude, Paris se fait vieille pour voir Carrie retrouver (enfin) son Mister Big. Non sans avoir rencontré avant Carole Bouquet et des fans qui a-do-raient son livre. Pendant ce temps, Charlotte et son mari arrivaient à adopter un enfant, Samantha dit « je t’aime » à Smith et retrouve sa libido et Miranda… ben, rien, elle est heureuse avec son mari et son petit. Bon, super, c’est cool, tout le monde est heureux mais dans la vie, tout n’est pas si simple.
Sexe, humour et préoccupations quotidiennes
Alors pourquoi Sex and the City a aussi bien marché ? Je pense qu’aborder le sexe sans tabou et avec humour, ça ne peut que fonctionner. Mais parler sexe et plaire, c’est pas forcément évident. Car il y a toujours le risque de tomber dans le vulgaire et le superfétatoire. Voir une scène de sexe, oui. Faire une série avec UNIQUEMENT des scènes de sexe, non. Sex and the city est tiré des chroniques de Candace Bushnell, une journaliste américaine. Même si certains traits sont trop gros (genre leur compte en banque), je trouve que ces femmes ont les mêmes préoccupations que nous. On peut regarder cette série sans se sentir déconnectées.
Une histoire d’amour compliquée
Et puis, mine de rien, ça fait rêver toutes les sado-masochistes que nous sommes. L’histoire de Mister Big et Carrie est présentée comme idéale. Ou du moins heureuse puisque fini avec lui constitue l’happy end de Carrie. C’est une histoire d’amour absolu, passionnée. Ils s’aiment tellement qu’ils n’arrivent pas à communiquer. Ils en chient, ils passent leur temps à s’engueuler. Souvent, elle pleure, elle crie. Elle s’arrache les cheveux. Puis elle l’oublie juste au moment où il revient comme un bon connard. Et pourtant, ils s’aiment. Comme quoi, l’amour, c’est pas toujours très intelligent.
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