Je vais ouvrir une petite série d’articles sur le roman “Je peux très bien me passer de toi” de Marie Vareille car c’est un roman qui m’a pas mal questionnée. C’est une petite comédie romantique comme on en trouve tant au rayon chick litt et dont la lecture m’a un peu agacée. Peut-être parce que j’avais trop d’attente vu que Marie Vareille est une autrice que j’aime bien. J’ai donc beaucoup à dire. Et on commence par une question clé : est-ce que se moquer d’un cliché, ça autorise à l’utiliser ?

Une femme en rupture avec sa vie
Je vous raconte l’histoire. Chloé est une sorte de golden girl parisienne qui bosse à la Défense. Son patron est son ex avec qui elle continue de coucher alors qu’il va se marier. Ouhlala ! Suite à un pétage de plomb, elle quitte son job et part dans le Bordelais pour écrire un roman. A peine arrivée, elle se dispute avec un inconnu à la gare. U brun ténébreux qu’elle ne va pas cesser de croiser.

Qui est le mystérieux voisin ?
Alors, je résume : une femme en rupture de sa vie, la campagne, un homme qu’elle déteste de prime abord. Mais que va-t-il se passer ? Surtout que son hôte lui parle d’un mystérieux voisin, Vincent, qui aurait dû aller la chercher à la gare mais apparemment, il n’est pas venu. Ou alors, je pose une hypothèse un peu audacieuse : et si le mec avec qui elle s’est disputée à la gare, c’était le fameux voisin ?

Le rebondissement qui ne surprit personne
Ah ben tiens, Chloé rentre d’une virée je ne sais plus où et le fameux voisin est là. Elle le voit de dos mais elle sait. Évidemment, c’est le rustre de la gare, qu’elle a croisé plus tard à l’ehpad. Long story. Quand Chloé aperçoit Vincent pour la première fois, elle ne tombe pas de sa chaise. Quand elle découvre qui est le fameux voisin, sa première pensée est “évidemment que c’est lui”. Bon, au moins, Marie Vareille avait conscience qu’on avait vu le truc venir à des kilomètres. D’abord parce que c’est un trope ultra classique des comédies romantiques. Mais en plus, ce gars était là à la gare, le premier soir. Gare globalement peu fréquentée. A quel moment l’héroïne n’a pas capté immédiatement qui quoi qu’est-ce ?

Une héroïne bizarrement agressive
Alors voilà. Nous avons un récit où un élément modificateur ne peut survenir que via un cliché. On aura beau développer des trésors d’imagination, ce rebondissement ne surprendra personne. On est dans une comédie romantique, de toute façon, les schémas sont connus. Ici, on est dans le classique “first they fight, then, they love”. Même si, dans ce cas précis, c’est assez faux. Chloé prend immédiatement Vincent en grippe mais sans aucune raison. Genre le mec débarque et elle l’agresse. OK, calme-toi, Chloé.

Détourner un cliché pour l’utiliser en connaissance de cause ?
Du coup, peut-on utiliser un cliché en le détournant ? J’hésite. Dans le cas d’une comédie romantique, on sait où l’histoire veut nous amener donc pourquoi pas. La question d’une comédie romantique, ce n’est pas “est-ce que le héros et l’héroïne vont sortir ensemble ?” mais bien “comment on va arriver au premier baiser. Notamment ici vu qu’ils n’ont pas l’air super fan l’un de l’autre, de base”. C’est tout. Donc que Chloé comprenne immédiatement qu’elle est victime d’un cliché, pourquoi pas. Je dois même avouer que j’y ai vu une promesse : celle d’une comédie romantique plus légère et fun que ce que la première centaine de pages me proposait. Spoiler : ça ne sera pas le cas.

Attention à la promesse…
Finalement, elle est là, la question : on peut se moquer d’un cliché. On peut le faire textuellement, même. Mais attention à la promesse. Quand j’ai lu ces quelques lignes, j’ai cru que l’autrice me pouffait dans l’oreille. “Tu as cru que j’allais tomber dans tous les clichés et écrire une histoire que tu as déjà vue ou lue mille fois, n’est-ce pas.” Oui, Marie, je le croyais. Sauf que… Bah, c’est exactement ce que tu fais. Avec non pas une mais deux héroïnes puisque Constance vit la même histoire ou presque. Je veux dire les deux héroïnes soupirent après un homme qu’elles ne peuvent avoir pour finalement terminer dans les bras de celui qu’elles détestaient au départ tout en changeant radicalement de vie en fin de récit. T’as beau imaginer une amitié entre Carry Bradshaw et Bridget Jones, on se retrouve tout de même avec deux histoires déjà vues ou lues.

Le sarcasme pour se vautrer dans le convenu ?
Bref, se montrer sarcastique sur son propre matériel tout en produisant la même chose que les autres en offrant un final sirupeux où Chloé et Constance semblent avoir oublié qu’elles vivaient des instants terriblement clichés… Je trouve qu’il y a un loupé. Et j’ai encore des choses à dire sur ce petit roman mais n’oublions pas. Marie Vareille est une autrice que j’aime beaucoup. Juste que la pure comédie romantique, ce n’est pas ce qui l’inspire le plus.