Mais sur le coup, tu signes. J’avoue, j’aime raconter mes idées d’histoires peu ou pas abouties parce que ça témoigne d’une certaine construction fictionnelle. Peut-être que toi aussi, derrière ton écran, tu utilises tes rêves comme base de nouvelles ou romans. Et parfois, tu découvres que ta base, en fait, c’est de la vase. Aujourd’hui, voici donc une histoire abracadabrantesque de réincarnation. Et sachez que le mot abracadabrantesque est aussi pénible à écrire qu’à dire.

Entre hypnose et réincarnation
Acte 1 : le rêve. Je suis en train de regarder un film sur la réincarnation. Ca se passe dans une maison ou un laboratoire isolé du monde par la neige. Dans ce lieu, on retrouve un vieux professeur et un gang d’étudiants qui faisaient des expériences neurologiques à base d’hypnose. Pendant les phases d’hypnose, les étudiants endossent les personnalités de jeunes gens qui ont vécu un drame en ces lieux, une sorte de possession. Et en fait, le professeur a fait venir les étudiants très précisément pour ça car il y a eu un assassinat lors de la venue des jeunes gens qui “possèdent” les étudiants. En leur faisant vivre les événements, le professeur espère découvrir qui est le tueur.

Un cadeau de ma psyché
Dans mon rêve, le film se termine et je vais arranger un bouquet de fleurs en me disant que ce film était l’histoire la plus incroyable que j’ai vue de ma vie. J’étais profondément attristée de savoir que, moi, je ne pourrai jamais l’inventer. De là, je me réveille et c’est un feu d’artifices dans ma tête. Cette histoire, elle est à moi. C’est mon cerveau qui l’a tissée. Un cadeau du Ciel ou de je ne sais qui !

Vite, écrire ma trame
Arrivée à la fac, je décide de sécher mon cours de géo, matière où je n’ai jamais excellée. Sans doute parce que je séchais les cours. Mais quand je m’étais inscrite en premier année, je voulais prendre sociologie en mineure mais comme “oh mais vaut mieux que tu prennes géo, ça te permettrait de passer le CAPES”… Spoiler : j’ai jamais tenté le CAPES. Bref, je décide de sécher le cours car je dois de toute urgence prendre des notes sur mon incroyable histoire tant que tout ceci est clair dans ma tête. Les quelques noms des personnages déjà en ma possession, les équivalences entre personnages du passé et du futur. Puis, je commence à écrire la trame et…

Ca tient pas la route
Mais attends, tout ça n’a aucun sens. Une histoire purement abracadabrantesque qui nécessite une telle suspension consentie de l’incrédulité que ça ne peut pas tenir. Et puis il y a tant de questions qui n’ont pas de réponses :
- Qui est le professeur, comment a-t-il connaissance du meurtre d’avant et pourquoi ça l’intéresse ?
- Comment l’hypnose peut permettre aux étudiants d’être en quelque sorte possédés par les esprits d’avant ? Parce que, ok, une personne est morte mais les autres ? Dans un truc un peu mystique, on peut admettre que l’esprit du défunt hante la maison où ils sont. Et que l’hypnose est une sorte de transe médiumnique. Mais si les autres ne sont pas morts, comment peut-on avoir accès à leurs souvenirs. Et s’ils sont décédés, pourquoi leur âme serait captable à cet endroit précis ?

L’insupportable déception des idées finalement nulles
Quand on se lance dans l’écriture, on est souvent confrontés à la déception. Je ne parle pas celle d’être retoqué·e par une maison d’édition. Même pas celle d’avoir écrit 350 pages pour rien. Non, je parle de la mort de l’exaltation. Celle où tu penses tenir une idée géniale mais dès que tu travailles un peu, tu te rends compte que c’est inutilisable. Et vraiment, je crois que si j’ai un souvenir aussi clair de ce mercredi matin où je griffonnais sur mon carnet orange, celui dont on arrache les feuilles, c’est parce que j’ai été déçue. J’étais exaltée au réveil car je croyais qu’un ange ou une muse m’avait chuchoté à l’oreille une histoire formidable. Je me croyais soudaine détentrice d’un fabuleux trésor. Raté : c’était nul. Je le serais lancée bille en tête, j’aurais écrit, quoi, deux chapitres ? Celui de l’arrivée dans la maison et l’explication du protocole scientifique. Peut-être la première séance d’hypnose mais après…

Et si je rafistolais tout ça ?
Et pourtant, parfois, j’y repense à cette histoire abracadabrantesque. Je me dis qu’en la retravaillant, je pourrais l’écrire cette histoire. Essentiellement par jeu. Après tout, des fictions ésotériques, il y en a plein… Mmm. Bon, je continue de tracer sur mon projet Audrey, j’approche les 100 000 mots, mais ça pourrait être mon projet suivant… Ou une petite pause quand j’en aurai marre d’Audrey et ses potes. Challenge accepté !