Est-ce que j’ai écrit mon article précédent sur la physique quantique pour préparer celui-ci ? Et… pas du tout, en fait. Initialement, je n’avais pas prévu d’écrire un article sur Pending Train, envisageant de me contenter d’un paragraphe sur un Vu, lu, entendu, pensé. Articles que je ne publie pas trop. Puis plus j’y pensais et plus je trouvais de matière alors… Oui, cette petite série japonaise mérite un article à part entière. Déjà parce que j’ai quelques ingrédients de fiction à disséquer et que je n’ai pas trop parlé de la fiction de découverte jusqu’à présent.
Un train parti dans le futur
L’histoire. Un matin de 2023 à Tokyo, c’est l’heure de prendre le train. Alors que celui-ci fait son petit bonhomme de chemin, un séisme vient secouer le wagon. Les passagers sont entraînés dans un chaos indescriptible. Quand le wagon se stabilise… ils se retrouvent au milieu de nulle part. Attendant d’abord poliment que les secours arrivent, ils vont peu à peu comprendre qu’ils ont changé d’époque et qu’ils sont partis dans le futur !
Un Lost japonais ?
Depuis quelques temps, j’ai envie de me lancer dans une sorte de react sur Lost, ce que je ne fais pas parce que je n’ai pas trop le temps. Surtout avec le Nanowrimo qui vient de commencer. Et puis, voilà que je tombe sur Pending Train et… c’est un peu pareil, non ? Je veux dire : une volée de personnages perdus dans un lieu mystérieux après un accident de transport. Des personnages qui réagissent différemment selon leur personnalité. Un triangle amoureux entre le leader naturel, pompier de son état, un rebelle et une jeune femme, mmm… Il y a aussi des mystères, un clan antagoniste et une jeune femme qui se révèle enceinte. En vrai, il ne manque que les ours polaires.
Des personnages d’abord fort passifs
Mais Pending Train est une fiction japonaise et ça entraîne quelques changements. Déjà, les deux premiers épisodes ont quelque chose d’un peu absurde car les personnages s’obstinent à attendre les secours. Ils n’ont certes pas encore compris où, ou plutôt quand, ils se trouvent mais ça donne littéralement “c’est bizarre, la ville a disparu, le reste du train aussi, on est au milieu d’une forêt luxuriante… Ne bougeons pas, les secours ne devraient pas tarder”. Mais pardon ? Vous n’êtes pas un peu intrigué par toute cette bizarrerie ? Vous allez vous laisser crever de faim “en attendant que les secours nous trouvent dans cette forêt qui n’existait pas quand j’ai pris ce train ce matin” ?
Le mystère est devenu physique
Heureusement, ils finissent par percuter que quelque chose est un peu inhabituel et vont comprendre petit à petit qu’ils ont quitté leur époque. En plus, ça tombe bien, ils ont un doctorant en physique quantique qui va comprendre qu’ils sont passés dans un vortex. C’est bien pratique cette histoire. Si Pending Train est une petite série bien ficelée mais sans grande prétention vs Lost, par exemple, je trouve qu’elle est assez symptômatique de quelque chose. D’un changement d’époque. Lost, et d’autres fictions à base de terres vierges à découvrir, ont atteint leur limite de par notre technologie actuelle. Si on veut bien suspendre notre incrédulité et admettre l’existence d’une île magique qui n’a jamais été identifiée par aucun radar ou satellite, ça va être compliqué de réitérer cette narration. Et c’est pas grave puisque la physique quantique va nous permettre de voyager sur de lointaines planètes, dans un multivers ou dans le futur, comme ici.
Un travail de deuil à faire
Evidemment, à partir du moment où on quitte l’espace/temps usuel, si j’ose dire, la question d’un éventuel retour se pose avec des réactions d’espoir ou de résignation. On retrouve souvent les traditionnelles phases du deuil dans ces fictions. Pending Train appuie pas mal dessus puisque les passager du train, comprenant qu’ils ne recevraient aucune aide et étaient partis loin dans le futur, ne reverront jamais leur famille. Il y a donc tout un passage sur le deuil que doivent faire ces personnages, confrontés à une terrible réalité et j’ai trouvé ça intéressant. Normalement, dans ces séries, le challenge est de tenir jusqu’à trouver un moyen de rentrer. On ne montre que très rarement cet abattement. Là, par exemple, une femme se lamente à l’idée de ne plus jamais voir son mari et sa fille, une autre enregistre un message sur son téléphone pour sa mère. Une façon de dire au revoir, un passage assez touchant.
Survivre par le collectif
Un des classiques de ces fictions de découverte, c’est la construction d’un camp et la débrouille. Ici, on peut féliciter la providence d’avoir réuni tant de personnes ayant des compétences variées. Un pompier comme je disais, une prof de sport physiquement dégourdie, celle qui menait une entreprise et savait organiser les équipes… On a même un coiffeur qui redonne du baume au coeur en offrant un coup de frais aux passagers. Plusieurs longs passages sont consacrés à la recherche de ressources et on va utiliser les compétences des uns et des autres. Par exemple, une dame s’y connaît en botanique ? Super, elle va pouvoir dire quelles sont les plantes et baies comestibles pour faire à manger… Dans ces fictions très axées sur la survie, le collectif est indispensable. La communauté s’organise en temps que telle. Un personnage, cependant, choisira de s’exiler et de vivre en compagnie d’une minuscule poupée de paille de sa confection, une sorte de Robinson Crusoë qui apportera plusieurs fois sa contribution à l’effort collectif, presque malgré lui. Un deus ex machina assez perché.
Certains se satisfont de quitter leur univers de base
Ce personnage est intéressant car il est également un archétype de ce type de fiction, à savoir le personnage pour qui ce nouveau départ est une excellente nouvelle. Alors que la plupart des personnages sont dévastés d’être propulsé aussi loin des leurs et de leur vie, il y en a toujours un qui s’en réjouit. Dans Lost, c’est Locke qui retrouve ses jambes et devient un leader alors que dans sa vie d’avant, pas du tout. C’est la trajectoire de Negan dans The walking dead, aussi, un mec somme toute minable dans la vie d’avant qui devient chef de guerre. The walking dead propose aussi cette dimension “découverte d’un nouveau territoire et organisation d’une nouvelle société”, d’ailleurs. Du coup, s’il existe un moyen de revenir dans le monde d’origine, ce type de personnage ne voudra pas en entendre parler.
Un endroit fort mystérieux
J’aime ces fictions de découverte d’un territoire vierge pour deux raisons. La première pour sa dose de mystère. Lost reposait essentiellement sur ça, d’ailleurs. C’est quoi la forme noire et les ours polaires ? Qui sont les autres et pourquoi ils ont enlevé une femme enceinte ? Ces fictions de découverte d’un territoire me font forcément penser à nombre de RPG où tu vas découvrir de nouveaux territoires, parfois grâce à des énigmes parfois bien velues. Il faudrait que je rejoue à Myst. Myst comme un jeu vidéo qui se passe sur une île mystérieuse. Ca reboucle pas mal, non ?
Variation sur le besoin de vivre en société des Humains
L’autre raison, c’est que ces fictions questionnent le besoin d’organisation sociale des Humains. Les Humains sont globalement des animaux sociaux. Un philosophe du XVIIIe siècle aimait à définir un état équitable où chaque Humain serait à égalité, indépendamment de ses origines ou de sa richesse. Ce qui correspond à nos histoires où différentes personnes doivent coopérer sans pouvoir se reposer sur leurs origines ou leur richesse. D’ailleurs, dans les fictions post effondrement ou territoire vierge, t’as toujours un richard qui débarque avec ses billets et qui se fait jeter. “Ca ne vaut plus rien, ça, ici”. Comment il s’appelait ce philosophe, déjà… Ah oui, Rousseau. Comme un des personnages de Lost. Très littéral, cette histoire. Et puis ça permet d’imaginer différentes sociétés. J’en avais parlé sur Dystopie à propos de The walking dead ou du Problème à trois corps. Un exercice rhétorique stimulant pour l’imagination. Et comme je suis une grosse amoureuse des dystopies systémiques, tout ce qui parle d’organisation humaine m’émoustille.
Des personnages très polis et une mode au top
Du coup, oui, j’ai aimé Pending Train, malgré son thème musical complètement décalé. Un truc assez symptômatique des séries japonaises, j’ai l’impression. Tout n’est pas parfait et ça me saoule qu’il y ait une saison 02 mais les habitus japonais donnent une teinte originale à cette fiction. Notamment le fait d’attendre les secours jusqu’à l’absurde et une grande soumission à tout ce qui ressemble de près ou de loin à une figure d’autorité. Sinon, y a un personnage féminin très pimbêche et désagréable mais je la mentionne juste parce que j’adore son jean et je veux le même. C’est tout.