Raconte moi des histoires

Pour bien raconter les histoires, il faut aussi savoir les écouter

La physique quantique, l’ingrédient pref des fictions des années 20

C’est marrant, quand je dis années 20, je pense à une ambiance très Charleston avec des femmes en robes tubulaires à paillettes et sequins et bandeaux à plumes. Alors que non, là, je vais vous parler des années 20 de l’an 2000. Ca fait très futuriste alors qu’en vrai, on pourrait résumer ça à “de nos jours”. Et vous savez ce qu’aiment bien les écrivain·es de fiction de ces années 20 : la physique quantique. Un terme un peu chapeau pour pas mal de disciplines, in fine. Parce que ça ouvre un champ des possibles infinis… Surtout si on prend quelques libertés avec la science pure.

Interstellar, au coeur de la physique quantique

Je parle des années 20 mais il me semble que cette histoire de physique quantique “pour le grand public”, dirons-nous, date de bien avant. Je me souviens d’un gars qui avait un coach de vie avec qui il parlait de physique quantique circa 2005. A l’époque, je m’étais bien demandé à quoi servait un coach de vie. Depuis, j’ai découvert l’univers du développement personnel et la passion des pseudos science pour la physique quantique. Pourquoi ? Parce qu’on ne pine rien. Je veux dire, pour le grand public, la physique quantique, c’est surtout le chat de Shrödinger, on ne va pas se mentir. A partir de là, c’est la porte ouverte à toutes les interprétations pour le moins discutables. Et surtout à toutes les inspirations.

Le chat de Shrödinger

Niveau un, ce sont les fictions hard science. Par exemple Le problème à trois corps et la trilogie baryonique. Là, la physique quantique n’est pas tant une base pour mettre en place des histoires folles mais plus pour imaginer des évolutions technologiques justifiant que les Humains aillent se balader dans la pampa spatiale. D’autres fictions utilisent cette base pour imaginer des multivers ou des voyages dans le temps comme Bodies. Ou alors Dark Matter.

Dark matter

J’avais prévu de chroniquer Dark Matter dans un article à part entière. Puis, finalement, je n’avais pas tant de choses à raconter. En gros, un mec lambda qui se révèle ultra badass comme toutes les fictions américaines. Non mais c’est fou comme ton voisin qui va chercher le courrier en charentaises se révèle être l’héritier de James Bond, évitant les balles et échappant à une horde de gardes énervés. Et encore, là, ça va. Ok, il gère les intraveineuses en trente secondes d’explication. Mais il ne sait pas instinctivement se servir d’une arme à feu.  Ce mec lambda est prof de physique dans une université. Il vit une vie moyenne avec sa femme et son fils mais un jour, son double venu d’un multivers lui pique sa place et l’envoie dans son monde d’origine. Notre héros, Jason, va se retrouver à naviguer dans différentes versions de l’univers qu’il a quitté, cherchant sa maison. Et quand il finira par trouver la bonne dimension, il se retrouvera avec une trouzaine de Jason qui veulent la même chose que lui. Par contre, j’ai pas compris pourquoi ils se retrouvent tous dans la même dimension en voulant la vie de ce Jason-ci… Passons.

Dark matter, série

En terme de multivers, on pense aussi à Everything, Everywhere, all at once, un film que j’avais trouvé très inventif sur le sujet. Parce que, souvent, les multivers sont prétextes à de la triche. Oh non, machinou est mort, nous sommes tristes. Pas de soucis ! Grâce à la physique quantique, on te balance deux ou trois notions un peu magiques et hop ! On récupère le héros dans un autre univers et tout va bien. Ou c’est aussi le prétexte à faire un film qui explose tout en terme de fan service en faisant croiser différents univers Spiderman. Je parle du film live avec Tom Holland. Spiderman Into the Spiderverse est juste génial lui, par contre. Ce doit être la différence entre un film fait par pur amour du fric et film fait par amour d’un personnage et une envie de s’exprimer à travers différents styles ou techniques. Ca me fait de la peine pour Tom Holland et Zendaya qui méritaient mieux pour la fin de cette trilogie. 

Andrew Garfield et Zendaya dans Spiderman

En fait, le point commun à toutes ces fictions, c’est la partie “volet scientifique” qui dérape toujours très vite. Vous prenez une théorie de physique quantique. Vous la vulgarisez. Une deuxième fois. Encore un coup ? Voilà maintenant, la physique quantique, c’est simple comme bonjour. Tu tires sur une corde, de la théorie du même nom, et ça t’ouvre la porte d’un univers quasi identique au tien. Et j’avoue que le multivers, ca excite l’imagination. “On n’a qu’à dire que c’est le même univers que nous mais ce sont les communistes au pouvoir”. Oui, c’est littéralement le synopsis d’un épisode de Sliders. “C’est le même univers mais matriarcat !”. Sliders ou dystopie puisque les dystopies, c’est souvent pousser le putter d’un travers de la société pour en souligner tous les vices. Mais pour en revenir à Sliders, du souvenir que j’en ai, la partie “explication scientifique” était assez limitée. Plus que dans les fictions les plus modernes où on aime bien nous mettre des tartines pour faire vrai. Alors que…

Sliders, cast original

La physique quantique de fiction a vite un coté pensée magique. Comme dirait mon mec quand on s’agace d’une facilité scénaristique, “ta gueule, c’est magique”. Ici, c’est “ta gueule, c’est quantique”. D’ailleurs la physique quantique est tellement un truc un peu obscur, un peu simple à détourner que ça fait le beurre de tout ce qui est développement personnel. De la même façon, à une époque, pas mal de mecs un peu random s’achetaient une street cred scientifique en vulgarisant à balle la physique quantique. Souvent en repompant Wikipedia. Je vous cache pas qu’entre le pia pia pseudo scientifique et les mecs qui se la pétaient “j’ai la science infuse, je comprends la physique quantique”, le terme “quantique” devenait limite un trigger warning pour moi. Alors que bon, la physique quantique, c’est une vraie science avec de vrais spécialistes, des vraies théories. Ce n’est pas une science de charlatans alors que c’est tellement vulgarisé de façon tellement abusive que j’ai l’impression que dès qu’une fiction prend cette voie, on va être à la limite de la magie. Et pourquoi pas, la fiction peut inclure de la magie, du fantastique. Là où ça patine un peu plus, c’est que quand ça se perd en justifications scientifiques qui fleurent bon le “si, si, j’ai à peu près compris et d’ailleurs, je vais le montrer à l’audience”. 

Formules de physique quantique

C’est pour ça que j’ai appuyé l’exemple de Sliders plus haut, qui repose essentiellement sur la suspension consentie de l’incrédulité plutôt que d’une théorie quantique qui vire vite au fumeux. On peut accepter l’existence de trous de ver, certes bien pratique pour un besoin scénaristique. A dire vrai, je trouve parfois qu’un “ta gueule, c’est quantique” marche mieux qu’une explication ultra vulgarisée qui contient plus de questions que de réponses. Je n’ai pas beaucoup aimé Interstellar justement pour sa volonté de proposer une fiction scientifique réaliste qui nuisait plus au récit qu’autre chose. Ok le trou de ver. Ok le coup de la planète marine parcourue de vagues immenses. On peut meme y voir un clin d’oeil à Solaris. Solaris qui parle d’exploration spatiale et d’une planète avec un océan organique qui crée d’étranges illusions. Dans ce roman, je n’ai pas vu les films, les scientifiques savent expliquer qu’ils savent que l’océan est une entité organique, décrivent certains phénomènes mais restent dans l’inconnu face à d’autres. Et le roman ne se perdra pas en explications pendant trois heures sur le pourquoi du comment. Il admet que l’audience n’a pas besoin d’une avalanche de parce que. 

Explications de texte

Surtout que ça crée parfois des scènes un peu compliquées à suivre. Et oui, aussi fou que ça puisse paraître, je n’ai pas un doctorat en physique quantique, comme 99,9% de la population, je dirais. Et malgré les vidéos de vulgarisation que j’ai pu mater à l’époque où c’était la mode, je dois avoir le niveau d’une lycéenne sur le sujet. Lycéenne en série L, si ça existe encore. Est-ce que la physique quantique est enseignée au lycée, d’ailleurs ? A mon époque, non, mais depuis… Bref, je connais mon niveau et quand j’ai de longs dialogues qui name droppent des théories et concepts quelque peu fumeux… Bah faut pas que je m’étonne de m’endormir en lisant Le problème à trois corps. Même si, pour le coup, je ne vais pas accuser Liu Cixin de “faire le scientifique”, je crois que ça le passionne vraiment.

Problème à 3 corps

Bref, vous avez envie de faire des histoires de multivers ? Go. Des histoires grâce à des trous de ver et des plis dans l’espace temps ? Go. Une histoire d’amour à travers le temps et les multivers ? Go. Mais admettez deux choses : les lecteurs sont intelligents et peuvent accepter certaines règles sans de longues explications qui peuvent sonner comme un but contre son camp. Un lecteur qui va pinailler sur un détail qui n’a pas tant d’importance est un crétin, on s’en fout. Ce qui compte, ce n’est pas les règles de notre univers mais celles de l’univers que vous créez. Parce que le pire péché, c’est de ne pas respecter ses propres règles.

Nina

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