Si tu n’as pas fait monter la sauce avant. Critique de “Je peux très bien me passer de toi”, volume 3. Rappel des épisodes précédents : peut-on se moquer d’un cliché mais l’utiliser quand même ? Puis “jeunes filles en fleur et littérature anglaise”. Maintenant, on va parler de montée du sentiment amoureux parce que… des personnages qui sont soudain amoureux alors que ça n’a aucun sens, je ne trouve pas ça ouf non plus. Surtout que je suis accro à la tension amoureuse, aux regards langoureux, aux ambiances subtilement torrides. Donc dire que tout à coup, l’héroïne est amoureuse d’une personne à qui elle a parlé trois fois… Non.

Quand débarque le beau gosse
Résumé des épisodes précédents. Chloé, une sorte de séductrice compulsive selon la description qui nous est faite, se retrouve en province suite à un licenciement pour écrire un roman. Evidemment, comme c’est un roman cliché, elle fait face au syndrome de la page blanche. Il va lui arriver quelques péripéties mais surtout, elle va rencontrer Vincent, le beau mec d’à côté. Au début, elle ne peut pas l’encaisser mais on connaît les bails. Dès que le prénom Vincent poppe dans le récit, on sait qu’elle terminera avec lui.

Retournement de sentiment improbable
Sauf que le récit galère à nous amener à ce point précis. Sur les ¾ du roman, je dirais, elle ne peut pas le piffrer. Dès qu’il apparaît quelque part, elle est saoulée et pense beaucoup de choses négatives sur lui. Et puis, tout à coup, dans un moment de bouleversement émotionnel, elle l’embrasse et là, ça devient l’homme de sa vie. Attends, pardon ?

Et soudain, il n’y a plus que lui qui compte
Ok, il y a un moment où elle est bouleversée et cet homme vient l’aider dans un moment de détresse. Je peux éventuellement comprendre qu’à ce moment-là, elle ressent une sorte d’élan du coeur. C’est cliché mais qui n’a jamais confondu gratitude et attirance ? Ca peut arriver. Le mec la rejette à cause d’un quiproquo nul mais elle comprend qu’en remettant les choses en ordre, y a moyen de moyenner. Et ça tombe bien, elle ne désire rien de plus que de conclure avec ce mec qui est devenu son tout. Plus encore que son ex qui l’obsédait trois jours plus tôt et avec qui elle entretenait une liaison. Alors qu’ils n’ont rien partagé de plus qu’un moment de pure compassion.

Finalement, c’est plus un connard
Je sais que dans la vraie vie, les sentiments, ce n’est pas quelque chose de rationnel. Qu’on peut tomber amoureuse d’une personne dont on pensait du mal même si… non, en fait. On peut avoir de l’attirance sexuelle, éventuellement. Mais des sentiments amoureux ? Genre “la seule chose qui compte, c’est d’être avec Vincent”? Alors que ce qui lui faisait penser que c’était un connard était assez tangible, hein. Elle le trouve trop dragueur car elle le voit régulièrement avec une nouvelle meuf… Elle ne l’a pas inventé, ça. Son attitude un peu cavalière, aussi… Mais non, le mec, il a fait preuve de compassion une fois et le roman touche à sa fin donc allez vous embrasser dans les vignes pour le final, merci.

Les princes charmants nuls
Vous allez me dire que j’en demande trop à une comédie romantique. Mais je vous jure qu’en lisant les phrases où Chloé déclarait soudain que la seule chose qu’elle voulait au monde, c’est être en couple avec Vincent, j’ai levé haut un sourcil en me demandant “mais d’où ?”. J’ai parfois ce problème avec les histoires romantiques. Par exemple, j’ai lu les quatre premiers tomes des Sept soeurs de Lucinda Riley. A chaque tome, une soeur part sur les traces de son passé et rencontre l’amour au passage. Et bien sur les quatre “princes charmants”, y en a deux que j’ai trouvé assez bof dans le respect de leur copine. Mais c’est l’amour de la vie et il n’y a plus que ça qui compte, alors…

Elle ne le connaît même pas
Bref, je peux admettre qu’on tombe amoureuse d’un homme imparfait puisque je ne crois pas en la perfection. Et que je serais la première à râler si l’homme était trop parfait. Mais tu peux pas me dire tout à coup que l’héroïne est in love avec un personnage qu’elle méprise pendant un long moment et avec qui elle ne développe aucune complicité. Je veux dire ces deux personnages ne partagent tellement rien que tout ce qu’elle sait de lui, c’est parce qu’elle l’a appris d’autres personnages. Le fait qu’il soit sexy ne justifie pas tout. Au pire, ça justifie l’attirance sexuelle, pas un sentiment amoureux qui t’incite à tout abandonner.

Tu peux pas juste décider que ton héroïne est amoureuse
Bref, si tu écris une comédie romantique avec sarcasme et ironie… Ce qui semble le cas ici même si je n’ai pas lu ou vu de propos de l’autrice allant en ce sens. Essentiellement parce que je n’ai pas cherché. Même si tu le fais second degré, il faut quand même travailler la progression de tes personnages. Tu peux pas passer d’un “je le déteste” à un “je l’aime” sans nous faire parcourir le chemin avec l’héroïne. Parce que, dans l’absolu, je n’ai pas de souci avec le trope “d’abord ils se détestent, puis ils s’aiment”. Juste qu’il faudrait que la progression soit un peu crédible. Et là, elle ne l’est pas.