On continue de parler d’amour, histoire de profiter de la température torride ? Trop torride pour se coller à un autre corps, certes. Mais bref, c’est l’été, la saison des amours sur la plage, les yeux dans l’eau. Et peut-être êtes-vous tentés par l’envie d’embarquer dans votre valise un petit roman de type comédie romantique. Pourquoi pas. Bref, parlons amour et parlons de ce trope trop vu “enemies to lovers”.

Ciel, je suis amoureuse de mon ennemi
Je vais pas vous mentir : je déteste ce trope. Déjà parce qu’il est trop prévisible. Mais ok, admettons que la majorité des tropes dans les comédies romantiques le sont. Le “enemies to lovers”, c’est quoi déjà ? C’est l’histoire de deux personnages sexualo-sentimentalement compatibles qui se rencontrent et… qui ne peuvent pas se supporter. Limite, s’ils sont dans la même pièce, y en a un qui va mourir. Sauf que, petit à petit, ils vont tomber en amour. Pourquoi ? Je… ne suis pas sûre.

L’inconnu du mail était en fait l’ennemi
Le premier exemple qui me vient en tête quand je pense au “Enemies to lovers”, c’est “Vous avez un message”. Film que je n’ai absolument pas vu, je n’en connais que la bande annonce. Mais en gros : Kathleen est une petite libraire indépendante, Joe est le propriétaire d’une chaîne de librairies qui mange toutes les petites boutiques indépendantes. Kathleen voue donc une haine viscérale pour Joe. Sans savoir que le mec sympa avec qui elle dialogue sur le net via mails est le fameux Joe. Bref, au début, ils se détestent et à la fin, ils s’aiment. “Enemies to lovers”.

Je te déteste mais tu fais de très bons cunnis alors…
Alors bon, pourquoi pas. Ca arrive qu’on ait un mauvais à priori sur une personne mais qu’on découvre qu’en fait, elle est cool et adorable. Cependant le trope “enemies to lovers” est souvent repris daaaaans… la dark romance. En tout cas celle que j’ai lu à savoir After et Beautiful Bastard. Ah et un autre truc qui s’appelait La princesse de papier dans le genre. En vrai, peu importe le titre. Le prince “charmant”, très entre guillemets parce que souvent, le mec transpire la toxicité, est l’ennemi de l’héroïne. Ah, elle l’aime pas, elle l’aime pas. Elle l’aime pas mais page 30, elle se fait lécher dans la joie et dans la bonne humeur, ce qui donne à peu près “ah je le déteste mais c’est trop bon”. Oui ? Dans La princesse de papier, c’est un peu différent, lors du premier contact sexuel, c’est plutôt “je l’aime pas mais je le suce un peu parce que j’ai pas pu résister”. Mais ?

Je ne peux résister au bad boy démoniaque
Le fait que ce trope soit autant utilisé dans la dark romance nous raconte une histoire intéressante. Une vision de la sexualité un peu bestiale, un peu hors de contrôle. Le fait que ce trope soit utilisé, il me semble, en majorité par les femmes est révélateur. Dans After, par exemple, l’héroïne vierge Tessa commence le roman avec un fiancé très mignon et très propret dont j’ai totalement oublié le nom. Sauf que c’est Hardin le bad boy tatoué qui lui met le feu aux reins. Elle va jusqu’à comparer son histoire à celle de Cathy et Heatcliff dans Les Hauts de Hurlevent. Ok sauf que Cathy et Heatcliff ne se sont jamais détestés, bien au contraire. Leur amour est impossible non pas parce que Catherine est un angelot pur et Heatcliff un démon… Cependant l’archétype Heatcliff est un classique de la dark romance et tiens, j’écrirai un article là-dessus.

Nul ne résiste au sexy écuyer
Dans la dark romance, le “enemies to lovers” transpire une vision un peu réac’ de la sexualité féminine. Ce côté tendre agneau vs vilain démon. Elle cherche un gentil prince mais en vrai, elle veut se faire déglinguer par le sexy écuyer bad boy. En gros. Ca me rappelle un roman fantasy un peu nul que j’avais lu avec une princesse très belle. Toute l’intrigue reposait sur le fait que la princesse était très belle et que du coup, tout le monde était gentil avec elle. Dans l’histoire il y avait un beau-frère, le frère de son prince promis. Au début, ils se détestent mais ensuite… Originalité cependant, au début, c’est surtout lui qui la déteste, parce qu’elle est princesse d’un royaume ennemi. Elle, elle ne le calcule pas particulièrement. Mais du coup, quand l’attirance devient réciproque et irrésistible car ce sont les amants de la Lune ou je ne sais plus quoi, c’est vraiment la consommation d’un amour interdit, presque tabou.

Impossible de résister
Parce qu’il y a de ça, dans ce trope. Le doux angelot qui ne peut résister à l’appel de la boue. Parce que souvent, dans ces romances, c’est la femme qui a des scrupules à céder à la tentation. L’homme, du moment qu’il nique… Et avant de me traiter de misandre, c’est pas moi qui écrit ces romans. C’est d’abord une lecture très bestiale de la sexualité, ce côté parfaitement irrésistible, l’attraction que l’on ne peut nier. Comme l’amour interdit, le désir passe par-dessus la raison.

Va au-delà de tes préjugés
Mais surtout, on en est encore dans ce discours un peu gênant de “il faut aller au-delà des apparences”. Que l’amour se cache peut-être auprès… d’un connard capitaliste qui veut te voler ta boutique ou d’un trou du cul qui utilise ses traumas d’enfance pour justifier qu’il te trompe ou te malmène. Ah, tous ces romans qui n’existeraient pas si on normalisait le fait de faire une thérapie quand on est un homme hétérosexuel. Le Enemies to lovers me semble être une énième version du “accepte-le comme il est”. “Ne sois pas butée, tu pourrais passer à côté du bonheur”. Oui alors chacun sa définition du bonheur, je dis pas, mais me maquer avec un mec qui heurte mes valeurs ou… mon intégrité physique, vraiment, je doute. Et encore une fois une injonction qu’on retrouve essentiellement destinée aux femmes dans un contexte d’amour hétérosexuel. Les seuls cas d’acceptation de l’autre malgré les apparences qui me viennent en tête concernant les hommes, c’est “ok, elle est grosse mais en vrai, elle est belle à l’intérieur”.

Une tentative ratée de suspense ?
Bon, après, parfois, il n’y a rien à lire derrière ce trope. Juste un cliché pratique pour essayer de ménager un minimum de suspense. L’héroïne hétérosexuelle disponible va-t-elle coucher avec le seul personnage masculin hétérosexuel disponible. Ohlala, vraiment, je m’interroge. La seule surprise serait qu’ils ne couchent pas ensemble, justement…

Une ficelle peu intéressante
Bref, un trop un peu nul qui soit ménage un suspense qui ne surprend personne, soit masque une morale un peu discutable. Surtout que neuf fois sur dix, le “hate” est parfois un peu abusé. Typiquement, dans Je peux très bien me passer de toi dans lequel nous trouvions ce trope, il y avait vraiment ce côté “l’héroïne prend un type en grippe pour aucune raison”. Comme elle décidera pour aucune raison que finalement, elle est amoureuse de lui. Intéressante, cette gestion des sentiments… Moralité : dans le projet Audrey que j’écris actuellement (185 000 mots, youhou), personne ne déteste sa future moitié. Parce que c’est vraiment un trope trop évident.