Raconte moi des histoires

Pour bien raconter les histoires, il faut aussi savoir les écouter

C’est la bagarre et le coup de feu part tout seul

En ce moment, je mate pas mal de séries. Des bonnes comme Ni una màs, les frères Sun ou A Good Girl’s Guide to Murder. Meurtre, mode d’emploi en français, titre qui se la joue très Agatha Christie alors que rien à voir. Et des moins bonnes comme La vie que tu voulais ou Supracell. Bref, mes soirées finissent souvent comme ça : mon mec dans son bureau à peindre, moi sur mon ordi ou la Switch avec une série en fond. Et l’avantage des séries un peu bateau, c’est qu’elles remplissent mon escarcelle à clichés. Comme aujourd’hui, le famoso cliché de la bagarre qui se termine avec un coup de feu. Et pendant quelques secondes, tu ne sais pas qui a pris la balle. 

Daniel Craig échappe à un coup de feu dans James Bond

J’ai croisé deux fois ce cliché récemment. Dans Les morceaux de notre vie et dans La vie que tu voulais. Je n’ai pas parlé de cette dernière série et je ne suis pas certaine de faire un article dessus car je n’ai pas trouvé ça bien fou. L’histoire très rapidement : Gloria vit sa plus belle vie à Lecce, en Italie, quand Marina, une amie du passé, refait surface. Pourquoi Marina débarque comme ça avec ses deux gosses et le troisième prêt à accoucher ? On va naviguer entre flashbacks et présent pour comprendre la relation entre les deux femmes, l’ex de Marina, son actuel… En gros, vous prenez tous les axes les plus improbables de telenovela ancienne génération et ça donne à peu près La vie que tu voulais. Un immense gâchis car les thèmes abordés sont hyper intéressants avec tout un arc sur l’identité de Gloria, sa transition… Et une femme trans jouée par une femme trans. J’avais lancé la série car sur une miniature, on voyait un homme d’une beauté insensé travesti en femme et j’y ai vu une esthétique proche du travail de Manolo Caro dans La casa de flores. Mais rien à voir. C’est poussif, les personnages peu intéressants. Tu vois tout venir des kilomètres en avance et l’actrice principale a l’air de jouer dans une pub pour les serviettes hygiéniques. Celles du début des années 90 où les femmes prenaient toujours un air un peu gêné pour parler du sujet, voyez ?

Francesco Pellegrino dans La vie que tu voulais

Et comme cette série nous sert pas mal de clichés, on a droit à une bagarre entre hommes avec un pistolet au milieu. C’est vraiment ce genre de scène, tu sais toujours comme ça va se passer. Il y a toujours trois protagonistes. Une femme et deux hommes. Souvent, l’un des hommes est le compagnon ou le love interest de la femme. L’usage veut également que l’arme impliquée soit apportée par le méchant, l’autre homme donc, mais ce n’est pas obligatoire. Par exemple, dans Les morceaux de notre vie, l’arme appartient à Tomas, le relativement gentil mari de Liana. Bref, ça fait quelques épisodes que la tension monte entre les deux hommes. On va les appeler Mickaël et Bryan. La femme sera Jessica. Donc Bryan et Mickaël sont antagonistes pour des raisons souvent liées à leur attirance commune pour Jessica. Au terme de péripéties parfois farfelues, c’est l’heure de la confrontation. Ca va se bagarrer dur.

C'est parti pour la bagarre

Bryan sera donc le méchant ici. Il a apporté une arme parce qu’il est lassé de tout ça. Sans doute veut-il s’en prendre à Jessica parce qu’elle a détruit son bonheur, sa vie, l’a balancé aux flics, peu importe. Mickaël surgit de la nuit, tel un Zorro des temps modernes et crie “non, attend, ne fais pas ça” en écartant les bras, jambes pliées, prêt à bondir. Exactement comme Chris Pratt qui dompte des velociraptors, oui. Pris d’un courage aussi soudain qu’apparemment stupide, Mickaël saute sur Bryan et saisit le canon de l’arme pour essayer de le désarmer. Je dis apparemment stupide car j’ai lu dans un roman, Mothercloud que je vais bientôt chroniquer sur Dystopie, qu’un revolver n’est efficace qu’à partir d’une certaine distance. En deça, il devient difficile d’être précis et le risque de se faire saisir le canon est réel. Un peu comme cette scène nulle d’Ultra Violet

John Wick entouré d'armes

Bref, Mickaël et Bryan partent en bagarre, option bras levé pour tenir le revolver hors de portée mais ça, ça ne suffit jamais. Mickaël et Bryan partent au sol tandis que Jessica crie “non, non, arrêtez !”. Et soudain le coup de feu part tout seul et la bagarre s’arrête d’elle-même. Quelqu’un s’est pris une bastos dans le buffet, c’est la règle. Mais qui ? Jessica observe les deux corps qui arrêtent de bouger, l’air catastrophée. Neuf fois sur dix, on le sait, c’est Bryan qui a pris la balle. Peut-être est-il même déjà mort. Mickaël se met soudain à remuer et se lève, hagard, contemplant le résultat de la bagarre. Ciel, il a tué.

Femme choquée

Cette scène, vous l’avez sans doute vu cent fois. Et maintenant que vous avez lu cet article, vous allez voir que ça arrive encore plus souvent que vous ne pensez. Alors que quand on s’y arrête deux minutes, rien n’a de sens. Déjà, l’acte de courage initial. Il est vrai que je me suis rarement trouvée à proximité d’une arme à feu. Mais une personne un peu énervée me braquerait une arme à feu dessus, ou sur une personne à qui je tiens, j’aurais moyen idée d’aller lui sauter dessus. Même en sachant qu’une arme à feu est moins efficace à courte portée. Mais ok, admettons qu’on n’a pas toujours des réactions logiques dans la vie, surtout en cas de stress. On va aussi partir du fait qu’une bagarre se termine au sol avec un mec qui roule sur l’autre, pourquoi pas. Mais une fois que le coup de feu est parti, pourquoi le non blessé reste immobile ?

Bagarre dans The boys
Ah oui, y a la variante couteau, aussi

On va me répondre “la sidération”. Je veux bien mais on va poser deux ou trois trucs. Un coup de feu part. Même si c’est pas toi qui le prends, il va se passer plusieurs choses : 

  • du sang va couler et tu le sentiras forcément parce que c’est un peu chaud et humide, cette affaire. That what she said.
  •  le canon d’un revolver qui tire devient vite brûlant. Alors tu vas pas te retrouver marqué au fer rouge avec une seule balle, on est d’accord mais je ne suis pas sûre que le contact du métal chaud soit confort…
  • mais surtout : y a une personne à priori chère à ton coeur qui est en panique totale et hurle ton prénom, réponds-lui. 
nobody, scène de bagarre

Ca me tue, cette scène où un mec pas blessé reste étalé sur un autre et reste là, le temps qu’on ait un peu peur. Alors qu’on sait très bien comment ça va se terminer mais passons. La balle a quand même des chances d’avoir touché un organe vital et toi, tu te tapes une sieste avec un potentiel cadavre en guise de matelas ? 

Gang of London

Ce cliché a une variante où les mecs restent debout. En général, dans ce cas-là, c’est le mec qui tourne le dos à la caméra qui va mourir. Mais invariablement, tu as le coup de feu qui part et le mec face caméra qui ouvre de grands yeux. Pour qu’on croit que c’est lui qui a pris la balle alors que non, c’est l’autre. Qui s’effondre au bout de deux ou trois secondes.

Kingsman

Alors je n’ai jamais fait de tir au pistolet mais il me semble que dans la vraie vie, la gâchette n’est pas si chatouilleuse. Sans parler du recul qui me semble rendre compliquée ce moment où plus personne ne bouge. En vrai, si je finis par me poser autant de questions sur le réalisme de la scène c’est parce que… je l’ai vue tellement de fois que je ne peux plus que soupirer quand j’y ai droit une énième fois. 

S'ennuyer devant un film

Et encore, je ne m’étends pas sur l’aspect “ouf, tout est bien qui finit bien” alors que bon, y a quand même potentiellement un mort. 

“Ah, j’ai tué un gars.

– Tkt, c’était le bad guy, c’est bien fait pour lui.

– Ahahah oui, embrassons nous mon amour !”

Sauf dans une des séries sus-citées où il y a une conséquence à tuer des gens, même des vilains. 

Le tueur en série

Bref, si vous voulez que votre personnage tue le méchant par accident, évitez le coup de feu qui part tout seul, c’est trop vu et revu. Tout comme le fait de pousser une personne qui va aller se rompre les vertèbres sur un rebord de cheminée ou une marche d’escalier. Je crois que c’est la cause numéro 1 des morts dans les séries et films des dernières années. Ca et une voiture ou un bus surgi de nulle part. Tiens, sujet d’article, ça.

Nina

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